Publié dans le magazine Books n° 94, février 2019. Par Emmanuel Todd.
Depuis trois siècles, il n’existe qu’un seul foyer authentiquement révolutionnaire sur la planète : le monde anglo-saxon. Et qu’un seul contrepoids véritable à sa frénésie disruptive : la Russie, dont la prudence, inévitablement, irrite.
Le Britannique Edmund Burke, on le sait, est l’un des pères de la pensée conservatrice. Il a été l’un des premiers, dès l’automne 1790, à proposer une critique, restée célèbre, de la Révolution française. Il dénonçait un projet théorique, systématique, théologique, abstrait. Le mot qui revient le plus sous sa plume pour décrire l’objet de son aversion est « métaphysique ». Il lui oppose un concept, un seul : celui de « raisonnable ». À une époque – la nôtre – où l’on voit de nouveau la montée en puissance de projets métaphysiques – l’euro, l’Union européenne – qui nient la réalité historique et anthropologique des nations, il peut être tentant de revenir à une vision burkienne du monde, d’essayer de retrouver, face aux politiques de la table rase, un certain bon sens britannique. On aurait tort de s’en priver. Même si l’histoire a donné tort à Burke.
N’en déplaise à ce dernier, la Révolution française, malgré ses excès, a eu dans l’ensemble un bilan très positif. Même les Anglo-Américains le reconnaissent aujourd’hui. Dans...