Le colosse aux semelles de plomb
Publié dans le magazine Books n° 60, décembre 2014. Par Philippe Legrain.
Les dirigeants politiques occidentaux font volontiers de l’Allemagne un modèle à suivre. Des spécialistes prédisent même qu’elle sera d’ici 2030 le grand pays le plus riche de la planète par habitant. C’est une parfaite illusion. Le bilan depuis quinze ans ? Croissance parmi les plus faibles d’Europe, baisse du pouvoir d’achat des salariés, forte hausse des inégalités, investissement en berne, infrastructures en ruine, productivité atone…
À la naissance de l’euro, en 1999, l’Allemagne était brocardée comme « l’homme malade de l’Europe ». Trop taxée, trop réglementée, son économie stagnait et quatre millions de personnes étaient sans emploi. En ce début de millénaire, le pays marchait au ralenti, éclipsé par la Grande-Bretagne et le sud de l’Europe à la croissance plus fringante. Mais après la crise financière de 2008, le paysage est apparu sous un nouveau jour. Alors que la plupart des nations occidentales étaient terrassées par une ingénierie financière tape-à-l’œil mais en fin de compte fragile, ce pays réputé pour sa base industrielle stable et solide semblait jouir d’une enviable sécurité. Pendant que les autres avaient bâti des châteaux de cartes fondés sur la dette, l’Allemagne avait épargné prudemment. Tandis que la plupart des pays d’Europe semblaient mal armés pour faire...