Echange sang contre billet de concert
Publié le 20 juillet 2015. Par La rédaction de Books.
Crédit : THE KOBAL COLLECTION / HAMMER
Un festival de musique électronique en Roumanie offre l’entrée à quiconque donnera son sang. Plus efficace que la simple satisfaction morale d’aider son prochain ? Les organisateurs l’espèrent. Les économistes Lorenz Goette et Alois Stutzer auraient tendance à leur donner raison. A partir d’une vaste enquête menée en Suisse, ils ont constaté qu’offrir des billets de loterie augmentait la participation au don du sang.
Poussant encore plus loin le raisonnement, le futur prix Nobel d’économie Kenneth Arrow affirmait au cours d’une conférence en 1972 que, si un domaine peut être inclus dans le système marchand, il faut agir en ce sens. Selon lui, l’altruisme est une denrée rare, qu’il vaut mieux préserver pour les cas où le marché ne peut vraiment rien : « Les économistes comme moi pensent que l’altruisme est un bien précieux et rare qu’il faut épargner, expliquait-il. Mieux vaut le faire en imaginant un système qui satisfait les désirs en tablant sur l’égoïsme des individus, et garder cet altruisme pour notre famille, nos amis et les nombreux problèmes sociaux que le marché ne peut pas gérer. »
Un point de vue démenti par The Gift Relationship : From Human Blood to Social Policy, paru en 1970. Son auteur, le sociologue britannique Richard Titmuss, a comparé le don du sang au Royaume-Uni, complètement gratuit, à celui pratiqué aux Etats-Unis, où les donneurs, souvent pauvres, sont rémunérés. Son constat : le système altruiste est le plus efficace. Richard Titmuss en conclut que « la monétarisation des relations entre le receveur de sang et le donneur réfrène l’expression de l’altruisme » et « érode le sens de la solidarité ».