D’un exode l’autre
Publié dans le magazine Books n° 34, juillet-août 2012. Par Robert Paxton.
On l’oublie souvent, l’exode de 1940 s’est nourri de la mémoire collective des déplacements de population qui s’étaient déjà produits en 1914. Mais la débâcle reste un événement unique. En jetant plus de huit millions de réfugiés sur les routes de France, en pleine désintégration de l’État, elle a définitivement discrédité la IIIe République.
Étrange exode, sans Terre promise ni Moïse. Pourtant, en ce mois de mai 1940, le terme d’« exode » s’est immédiatement imposé en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Il paraissait sans doute le mieux à même de rendre les proportions bibliques de cette marée humaine. L’historienne Hanna Diamond parle à cet égard du plus important déplacement de population jamais observé jusqu’alors. Dès le 10 mai, au premier jour de l’offensive hitlérienne contre la France et le Benelux, les civils ont commencé à fuir les zones de combat potentielles. Et, au plus fort de la crise (entre la fin mai et la mi-juin 1940), il y avait environ 8 millions de réfugiés français, néerlandais, belges et autres sur les routes, même si aucun chiffre précis n’a jamais pu être établi. En comptant les témoins, les familles des déplacés et ceux qui leur ont porté secours, c’est la majorité de la population française qui fut directement ou indirectement concernée. L’embouteillage monstre qui se forma à partir de la mi-mai dans l’ouest de la France, mêlant piétons épuisés, charrettes bondées, tacots...
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