La drogue, un business comme un autre
Publié le 15 février 2019. Par La rédaction de Books.
Joaquín Guzmán, dit El Chapo, le 19 janvier 2017 / US Department of Homeland Security
Le parrain mexicain de la drogue Joaquín Guzmán, dit « El Chapo », a été reconnu coupable de narcotrafic par la justice américaine mardi 12 février. Sa capture en janvier 2016 puis son extradition l’année suivante vers les États-Unis n’ont cependant pas empêché la production d’héroïne destinée au marché américain d’augmenter de 37 % au Mexique, selon The New York Times.
C’est la première fois qu’un jury américain se voyait expliquer les détails du financement et de la logistique d’un des cartels qui inondent les rues américaines d’héroïne, de cocaïne, de marijuana et de drogues de synthèse.
Grande distribution
Des éléments que les autorités feraient bien d’analyser pour adapter leur lutte contre le trafic de stupéfiants, estime le journaliste Tom Wainwright dans Narconomics.
Ce correspondant de The Economist au Mexique a constaté que les cartels qui contrôlent le trafic de stupéfiants ont un modèle économique semblable à celui des enseignes de la grande distribution. Ils sont en situation de monopsone, c’est-à-dire d’acheteurs uniques, avec leurs « fournisseurs » (les producteurs de coca colombiens ou les cultivateurs de pavot mexicains), ce qui leur permet d’imposer leur prix.
Marché inélastique
Ne pas prendre en compte ce fonctionnement conduit à plusieurs erreurs dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Se concentrer sur l’offre en est une. Mener de grandes opérations pour détruire les plantations à coup d’épandage d’herbicides ne dissuade ni les cartels ni les consommateurs. Les trafiquants font peser la perte sur les producteurs. Ils ne réduisent pas leur marge et n’augmentent pas leurs prix. D’ailleurs une augmentation des prix n’aurait que peu d’incidence sur la consommation. La drogue est en effet un marché inélastique. La demande ne dépend pas du prix, les toxicomanes n’arrêtent pas de consommer parce que les doses sont plus chères.
Il serait plus efficace et moins coûteux, assure Wainwright, de jouer directement sur la demande en encadrant la consommation, en mettant l’accent sur la prévention. Certains pays s’y essaient. Le journaliste cite la Nouvelle-Zélande qui a autorisé un nombre limité de stupéfiants et la République dominicaine qui a mis en place un programme de formation professionnelle pour les trafiquants repentis.
À lire aussi dans Books : Faut-il légaliser les drogues dures ?, septembre 2010.