Mais d’où viennent les « petits Blancs » ?
Publié le 2 novembre 2016. Par La rédaction de Books.
La course à la Maison Blanche 2016 a beaucoup mis en scène l’« Amérique profonde » et ceux qu’on appelle les « White Trash », « Rednecks » et autres « Hillbillies », volontiers stigmatisés par le stéréotype du Blanc rural, pauvre, ignorant, raciste et brutal, avec pour seul horizon la reproduction à l’identique du mode de vie au sein duquel il est né. Dans White Trash, l’historienne Nancy Isenberg, retrace l’apparition de ce cliché, importé du Royaume-Uni dès la colonisation. L’image s’enracine dans la conception britannique de la classe ouvrière comme race distincte des autres, réputée stupide et paresseuse par nature, condamnée à une pauvreté que l’on se transmet génétiquement. Cette population miséreuse et les préjugés associés ont traversé l’Atlantique. La colonisation permettait aux Britanniques de se débarrasser des « personnes superflues, jetables », soutient Isenberg. « La plupart des colonies implantées dans l’Amérique britannique des XVIIe et XVIIIe siècles reposaient sur les privilèges et la subordination, et non sur une quelconque forme de protodémocratie », écrit-elle. L’Amérique n’est pas la nation de l’égalité des chances qu’elle s’imagine être. Elle a importé la hiérarchie des classes, et elle a continué d’entretenir l’idée qu’il existe des personnes pauvres par nature.
Aujourd’hui la misère des Blancs est perçue par l’élite comme particulièrement honteuse, assure J. D. Vance dans Hillbilly Elegy. Ce fils de « petit Blanc » du Kentucky a réussi à s’en sortir – en passant par l’armée – et travaille à présent dans la Sillicon Valley. Il raconte dans ses mémoires le gouffre qui existe entre les Hillbillies et les élites. Il se dit fier d’appartenir à cette culture qui valorise la loyauté, l’honneur, le travail, la famille, le patriotisme et la justice. Cela ne l’empêche pas de mesurer l’écart entre les valeurs ainsi prêchées, d’un côté, la situation et le comportement réels des « petits Blancs », de l’autre. Selon lui, le pessimisme qui mine cette population est aussi toxique pour elle que le dédain dont la couvre la bonne bourgeoisie urbaine. « Si appartenir à l’élite, c’est n’être pas un hillbilly, les hillbillies auront moins tendance à essayer de rejoindre le gratin… et d’élire ses membres. »
En savoir plus : On manipule bien les White Trash, Books, en kiosque.