Publié dans le magazine Books n° 100, septembre 2019. Par Lynn Hunt.
Il prônait la « hardiesse dans l’esprit ». Il se voyait comme un Socrate des temps modernes, mais à connaître après sa mort. Ses ouvrages les plus audacieux ne furent publiés qu’après la Révolution. Il fut le penseur le plus radical du XVIIIe siècle.
Denis Diderot (1713-1784), le penseur le plus radical du XVIII
e siècle, n’est pas à proprement parler tombé dans l’oubli, mais il a longtemps été éclipsé par ses contemporains Voltaire et Rousseau, que la droite française a rendu immanquablement responsables de tous les maux. Les expressions « C’est la faute à Voltaire » et « C’est la faute à Rousseau » étaient devenues si courantes que, dans Les
Misérables, Victor Hugo les mit facétieusement dans la bouche de Gavroche : « Joie est mon caractère,/ C’est la faute à Voltaire,/ Misère est mon trousseau,/ C’est la faute à Rousseau. » Voltaire et Rousseau ont été parmi les premiers à être enterrés au Panthéon. Diderot ne l’est toujours pas, en dépit d’une initiative lancée en ce sens à la veille du 300e anniversaire de sa naissance, en 2013.
Diderot était un homme à la fois trop de son temps et trop en avance sur son temps. Il consacra les meilleures années de sa vie, entre 1751 et 1772, à compiler, réviser et rédiger un grand nombre des 74 000 articles de l’
Encyclopédie. Ce vaste inventaire de connaissances composé de 17 volumes de...