Publié dans le magazine Books n° 104, février 2020. Par Jean-Louis de Montesquiou.
À la fin du XVe siècle, les inquisiteurs allemands Henry Institoris et Jacques Sprenger publient un traité à l’intention de leurs collègues chasseurs de sorcières. Y transparaissent les fantasmes de l’époque.
Il faut plaindre les inquisiteurs de l’Église : quoique primordial, leur travail – la chasse aux sorcières et aux hérétiques (peu ou prou la même chose) –, n’était vraiment pas facile. Heureusement, l’ un des leurs, l’érudit allemand Henry Institoris, un dominicain (étymologiquement, « chien de Dieu »), rédige en 1486 avec son collègue Jacques Sprenger un manuel pour assister leurs confrères dans leurs inquisitions. En l’occurrence, un petit volume que l’on peut cacher sous la table du tribunal et consulter quand les choses prennent une tournure difficile – c’est-à-dire souvent.
Ce qu’Institoris fournit en effet à ses partenaires, sous forme d’une soixantaine de questions-réponses, c’est un guide pour identifier les interventions du diable dans le monde, lesquels prennent (à l’époque) essentiellement la forme de relations sexuelles avec ses acolytes humaines, les sorcières. Grâce à son immense expérience et aux innombrables procès qu’il a instruits, Institoris a recueilli la matière première d’une jurisprudence démonologique très précise : les formes des « esprits mauvais », leur organisation hiérarchique (incubes, succubes et tutti quanti), leurs déplacements à l’intérieur des « provinces...