Dérive à l’italienne

À l’aube des années 1990, l’économie italienne faisait jeu égal avec celle de la Grande-Bretagne. Malgré la corruption, la Mafia et l’inefficacité des services publics, le « miracle » italien avait eu lieu. Aujourd’hui, après quinze ans de croissance presque nulle, le pays a dévissé. Pourquoi ? À cause de la « caste », martèlent deux célèbres journalistes italiens, qui fustigent le fonctionnement d’une élite d’abord soucieuse d’elle-même, souvent proche du crime organisé et qui a fait du népotisme le ressort de son pouvoir. Rien là de bien nouveau, nuance l’Américain Alexander Stille. Mais, dans une économie ouverte, le pays paie aujourd’hui au centuple des décennies de mal-gouvernement. Confrontés à ce système qui les étouffe et les protège à la fois, les Italiens hésitent entre la révolte et l’attachement. Silvio Berlusconi incarne leurs contradictions.

Fin avril 2008, l’ancien néofasciste Gianni Alemanno était élu maire de Rome, deux semaines après que Silvio Berlusconi et une coalition de droite furent revenus au pouvoir à la faveur d’une confortable victoire aux législatives. La presse internationale a alors beaucoup glosé sur les foules de jeunes néofascistes faisant le salut romain place du Capitole. Mais le cortège des chauffeurs de taxi jouant triomphalement du klaxon non loin de là était peut-être plus significatif encore. Ils jubilaient moins de l’élection d’une ancienne petite frappe de droite que de la défaite d’une équipe de centre gauche qui avait essayé d’augmenter le nombre des licences : il est devenu notoirement difficile de trouver un taxi à Rome, mais la tentative d’améliorer les transports de la ville s’est heurtée au lobby des propriétaires de médaillon, un précieux pécule dans ce monde incertain. La fête des chauffeurs de taxi témoigne d’un pays extraordinairement divisé, paralysé et dysfonctionnel, mécontent et craintif, profondément insatisfait mais peu disposé à entreprendre la moindre réforme susceptible de menacer les fragiles privilèges de tel ou tel groupe...
LE LIVRE
LE LIVRE

La dérive. Pourquoi l’Italie risque le naufrage de Dérive à l’italienne, Rizzoli

ARTICLE ISSU DU N°6

SUR LE MÊME THÈME

Politique Le wokisme fait toujours recette
Politique L’alphabet, des Phéniciens à Poutine
Politique Les Indonésiens oublient leur histoire

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire