Publié dans le magazine Books n° 61, janvier 2015. Par Peter Green.
Pendant mille ans, le sanctuaire attira d’innombrables visiteurs venus de toute la Méditerranée. Mais comment ce site reculé a-t-il pu devenir un centre diplomatique et politique majeur, à la richesse inouïe ? La réponse passe par la figure énigmatique de la pythie, l’oracle d’Apollon : une femme en transe, juchée sur un trépied, qui adressait à ceux qui la consultaient quelques mots ambigus que tout le monde respectait. Supercherie ? Non : vapeurs d’éthylène.
Delphes est l’une des
success stories les plus extraordinaires, les plus paradoxales et, pour bien des rationalistes, les plus embarrassantes de la Grèce ancienne. Le sanctuaire était le centre, l’
omphalos (« nombril ») du monde civilisé et jouissait, si l’on en croit la tradition, de la protection spéciale d’Apollon. Avec Olympie, Némée et l’isthme de Corinthe, il accueillait l’une des quatre principales fêtes sportives panhelléniques. Les diplomates trouvaient là, comme dans la Suisse d’aujourd’hui, un lieu de rencontre fort utile pour échanger des informations politiques et mener des négociations secrètes. Les riches offrandes et les trésors déposés par les dirigeants de la Méditerranée entière, de Chypre à Marseille (1), attiraient par milliers les célébrités, les « consultants » de l’oracle et les visiteurs. Mais c’est sa fonction divinatoire unique qui valut à Delphes, durant près d’un millénaire, son statut, qui donna au site sa raison d’être. Une fonction remplie par une prêtresse, la pythie, qui agissait au sens propre comme la
vox dei, en prononçant ce qui se...