Une seule découverte, plusieurs découvreurs…
Publié le 13 décembre 2019. Par Amandine Meunier.
Le 10 décembre le prix Nobel de chimie a été remis à Stanley Whittingham, John Goodenough et Akira Yoshino pour l’invention des batteries lithium-ion. Mais quelques jours plus tôt seize spécialistes rappelaient dans la Angewandte Chemie, revue scientifique de référence, que plusieurs autres scientifiques ont contribué de manière significative à cette découverte.
Que la paternité d’une invention ou d’une découverte soit débattue n’a rien d’inhabituel. Au XVe siècle, Newton et Leibniz se disputaient celle du calcul infinitésimal. Charles Darwin et Alfred Russel Wallace ont décrit les mécanismes de la sélection naturelle en même temps. Alexander Graham Bell et Elisha Gray ont déposé le brevet de leur téléphone le même jour de 1876. La paternité de l’invention du thermomètre peut être attribuée à six inventeurs différents et celle du télescope à au moins neuf…
En 1922, les sociologues William Ogburn et Dorothy Thomas ont dressé l’une des toutes premières listes de ces découvertes scientifiques majeures à paternités multiples. Ils en ont dénombré 148 et en ont déduit que les avancées qu’elles annonçaient devaient être inévitables. Elles étaient dans l’air, le produit d’un climat intellectuel à une époque et/ou un endroit donné. Ainsi Leibniz et Newton n’ont peut-être jamais travaillé ensemble, mais ils ont fait les mêmes lectures, ont rencontré les mêmes personnes. Darwin et Wallace ont, par exemple, tous deux reconnu s’être appuyés sur l’Essai sur le principe de population de Malthus.
En revanche, pour le premier sociologue des sciences Robert K. Merton, cette théorie du zeitgeist ne peut pas à elle seule expliquer les 264 cas de découvertes multiples qu’il étudie dans The Sociology of Science. Et la présence particulièrement nombreuse de génies dans l’histoire de ces doublons n’est pas non plus une explication valable. Non, selon lui, ces deux théories doivent être combinées aux effets du hasard et de la sérendipité. Quant à l’attribution de la découverte à une personnalité plutôt qu’une autre, Merton note l’influence de ce qu’il appelle « l’effet Mathieu » : la reconnaissance va souvent au scientifique disposant déjà de la plus grande notoriété.
À lire aussi dans Books : Affaires de sérendipité, mars 2012.