Dans les pas de l’insatiable Égérie
Publié dans le magazine Books n° 120, juillet-août 2022. Par Pauline Toulet.
L’un des tout premiers récits de voyage date du IVe siècle, et il est l’œuvre d’une femme. En 381, une certaine Égérie s’embarque pour un long périple en Terre sainte, qu’elle raconte dans une série de lettres. De nombreux mystères entourent sa biographie, mais pour les historiens
son témoignage est inestimable.
En 1884, un érudit italien nommé Gian Francesco Gamurrini découvre quelque chose d’étrange en étudiant un codex médiéval dans la bibliothèque d’Arezzo, en Toscane : certaines pages semblent ne pas correspondre les unes aux autres. Gamurrini s’aperçoit vite qu’il s’agit en fait de manuscrits différents. Une partie du codex est constituée d’un texte de saint Hilaire de Poitiers, le reste s’apparente à un récit de voyage, sous forme de lettres, écrites par une femme. Ladite voyageuse raconte sur trente-sept folios ses tribulations autour du bassin méditerranéen, de la péninsule Ibérique jusqu’à Alexandrie en passant par Constantinople, l’ancienne Palestine et une partie de la Mésopotamie : au total, quelque 5 000 kilomètres parcourus en un peu moins de quatre ans. Ce témoignage, daté du IVe siècle et intitulé Itinerarium ad Loca Sancta, « Carnet de voyage en Terre sainte », a d’abord été attribué à Silvia d’Aquitaine, une pèlerine de la même époque. Ce n’est qu’en 1903 qu’un historien français, Marius Fé...