Publié dans le magazine Books n° 78, juillet-août 2016. Par Maya Jasanoff.
Traverser le monde à bord d’un porte-conteneurs, c’est découvrir une zone de non-droit où le code du travail est une blague et où la justice ne peut s’exercer. Une activité qui nuit à l’environnement et fait courir des dangers aux hommes, mais représente 90 % du commerce mondial.
Imaginez l’Empire State Building. Maintenant, renversez-le sur le côté, poussez-le doucement dans l’Hudson et emmenez-le jusqu’à la mer. Voilà la taille de la chose que je contemplais, bouche bée, un jour de novembre 2013 : l’immense coque du CMA CGM
Christophe-Colomb, l’un des plus grands porte-conteneurs du monde, s’étendant à perte de vue devant et au-dessus de moi sur un quai de Hongkong. Long de plus 600 mètres, le
Christophe-Colomb est plus gros qu’un porte-avions et dépasse en longueur les plus grands paquebots de croisière. Mais l’immense espace est chez lui tout entier dévolu à des boîtes. Le navire a une capacité de 13 344 EVP (« équivalent vingt pieds », la taille d’un conteneur standard, même si la plupart font aujourd’hui 40 pieds de long). Ils sont empilés par sept sur le pont, et par six à huit dans la cale. Leur joyeux camaïeu turquoise, bordeaux, bleu marine, doré, vert, fait penser à un jeu de Lego conçu pour un enfant géant.
Comme je tentais de découvrir par où monter à bord de ce monstre, j’ai fini par trouver une passerelle d’aluminium très...