L’accablement du lecteur face au déferlement de livres est un phénomène presque aussi vieux que la lecture. Au IIIe siècle av. J.-C., le sombre rédacteur de l’Ecclésiaste gémit déjà : « On n’en finit pas de faire des livres. » Plus tard, le non moins sombre Schopenhauer confirme : « Ce serait une bonne chose d’acheter des livres, si du moins on pouvait acheter en même temps le temps pour les lire. » Les statistiques lui donnent raison : le nombre de grands lecteurs déclarant lire au moins vingt livres par an a été divisé par deux entre 1973 et 2008.
Pourtant, celui que le découragement concerne le plus directement, ce n’est pas le lecteur mais l’auteur. « La Bovary ne va pas raide, en une semaine deux pages !!! Il y a de quoi quelquefois se casser la gueule de découragement », se lamente ainsi le pauvre Flaubert, surpris au beau milieu d’un de ces coups de mou que Maine de Biran, pourtant peu porté sur le doute, éprouvait aussi : « J’ai eu, au sujet de cet écrit, des alternatives singulières de contentement et de dégoût. »
Un dé...