Publié dans le magazine Books n° 98, juin 2019. Par Margaret Talbot.
Contrairement à un mythe tenace, les marbres grecs et romains n’étaient pas blancs. Les archéologues le savent depuis le XVIIIe siècle, mais les musées ont longtemps occulté ce fait aux visiteurs. Les initiatives se multiplient aujourd’hui pour restituer aux œuvres leur polychromie d’origine.
© Stephan Eckardt, Georg-August-Universität Göttingen, Archäologisches
Institut - ARTOTHEK
Lorsqu’il fut découvert, en 1887, le sarcophage dit d’Alexandre avait conservé des teintes vives. Voici une reconstitution de la polychromie d’origine, réalisée en 2007.
Mark Abbe a eu la révélation de la couleur en 2000, alors qu’il effectuait des fouilles dans la cité grecque antique d’Aphrodisias, dans la Turquie actuelle. À l’époque, il étudiait les beaux-arts à New York et, pour lui comme pour la plupart d’entre nous, les statues de marbre grecques et romaines étaient forcément d’un blanc immaculé.
Aphrodisias abritait une communauté d’artistes talentueux jusqu’à ce qu’un tremblement de terre détruise la ville, au VIIe siècle. Les archéologues y ont commencé des fouilles systématiques en 1961 et ont conservé des milliers de fragments de sculptures dans des dépôts. À son arrivée sur le site, quelques décennies plus tard, Abbe s’est mis à fureter dans les dépôts et a découvert avec stupéfaction que beaucoup de statues présentaient des taches de couleur : des pigments rouges sur les lèvres ou noirs dans les cheveux, des dorures sur les membres.
Depuis des siècles, les archéologues et les conservateurs de musée nettoyaient ces restes de couleur avant de donner à voir les statues et les reliefs au public. « Imaginez que vous voyiez par terre,...