Comment l’ido a tué l’espéranto
Publié le 27 juillet 2015. Par La rédaction de Books.
Les passionnés d’espéranto tiennent en ce moment leur congrès mondial à Lille. Volontiers moquée aujourd’hui, cette langue construite a été prise très au sérieux au début du XXe siècle, notamment dans le domaine scientifique.
Michael D. Gordin le rappelle dans Scientific Babel : l’espéranto a été créé par un médecin polonais en 1887. Avant elle, il y avait eu le solresol, que l’on pouvait chanter et le volapük, qui était apparu en songe à un prêtre.
A l’époque, le latin a depuis longtemps perdu son statut de lingua franca. Les publications scientifiques sont dominées par l’anglais, l’allemand et le français. Mais les savants écrivent aussi en danois, en italien, en russe… Les traductions prennent du temps et ne sont pas toujours fiables. De nombreux scientifiques plaident alors pour une langue universelle. Mais laquelle ? En 1907, quand un comité international est dédié à la question à Paris, l’espéranto semble avoir toutes les chances. En 1904, une revue scientifique a vu le jour dans cette langue. Elle compte parmi ses parrains Henri Poincaré, ainsi que deux prix Nobel. Mais un matin, les membres du comité se voient présenter une toute nouvelle langue : l’ido. Ils débattent, palabrent et se séparent indécis.
Selon Gordin, c’est le président du comité lui-même, Wilhelm Ostwald, qui a saboté le projet. Le chimiste allemand a soutenu en sous-main l’ido, car il le trouvait mieux adapté à sa discipline. Il donne même la dotation de son Prix Nobel pour le promouvoir. La Première guerre mondiale rebat finalement les cartes : alors que l’allemand est quasiment rayé des publications scientifiques et que l’anglais s’impose, l’ido disparaît ou presque et l’espéranto est relégué au rang de loisir.
En savoir plus : Et si Darwin avait parlé le Volapük ?, Books, juin 2015.