Homme d'influence
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Clarence Darrow, premier avocat star


Les avocats de Salah Abdeslam renoncent à le défendre. Le seul survivant du commando terroriste du 13 novembre avait pourtant à ses côtés deux véritables stars du barreau. Les avocats n’ont cependant pas toujours été des célébrités, même aux Etats-Unis. C’est dans les années 1920 que l’un des tout premiers, Clarence Darrow, se fait connaître. Il est alors « le défenseur des damnés », comme le dit le sous-titre d’une récente biographie par John Farrell. Un livre lui avait d’ailleurs été consacré dès 1931. Et Hollywood lui avait prêté les traits d’Orson Welles (en 1959) et Spencer Tracy (en 1960), rien de moins.

C’est l’effervescence politique et sociale des années 1920 qui explique ce passage du prétoire aux médias, souligne l’historien Florent Bonaventure dans « La naissance de l’avocat médiatique aux Etats-Unis ». En filigrane, la fascination de l’époque pour le crime, la transformation de la presse et l’émergence d’une culture de la célébrité.

D’abord avocat villageois, Darrow voit sa carrière décoller lorsqu’il devient juriste pour la municipalité de Chicago, puis conseiller d’une grande entreprise ferroviaire. Mais c’est ensuite qu’il lui imprime un tournant, en prenant la défense de syndicalistes, qui lui assure un vrai début de notoriété. La célébrité monstre ne vient cependant qu’après une nouvelle bifurcation, quand Darrow entreprend de défendre les criminels en tous genres, et combat farouchement la peine de mort. Son heure de gloire sonne en 1924 : la forte somme proposée par les parents de Nathan Leopold et Richard Loeb le convainc de défendre ces deux jeunes gens de bonne famille accusés d’avoir tué un adolescent pour éprouver le frisson du crime parfait. Le « procès du siècle », selon la presse de l’époque, lui offre une tribune nationale. Darrow se livre à une plaidoirie chargée d’émotion où il présente la peine de mort comme le crime d’une société vengeresse assoiffée de sang. Ses clients évitent l’échafaud. L’avocat devient une star, et l’« expert » favori des chroniqueurs judiciaires. Darrow parachève son statut en 1925, en décidant de défendre gratuitement un instituteur : John T. Scopes a volontairement enfreint la loi du Tennessee en présentant en classe la théorie de l’évolution. S’il perd le procès, Darrow entre « dans le folklore américain comme le pourfendeur de la bigoterie et de l’intolérance religieuse ». Et gagne définitivement sa place au firmament médiatique.

LE LIVRE
LE LIVRE

Clarence Darrow: Attorney for the Damned de John A. Farrell, Doubleday, 2011

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