Publié dans le magazine Books n° 94, février 2019. Par Thierry Grillet.
En 1958, le court roman d’un jeune Nigérian inconnu, Chinua Achebe, parvient à une maison d’édition londonienne. Tout s’effondre sera un formidable best-seller. Et un symbole, celui d’un Africain exprimant à la perfection, dans la langue du colonisateur, la tragédie de la colonisation.
«Tant que les lions n’auront pas leur historien, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur », écrivait Chinua Achebe. Il poursuivait : « Quand j’en ai pris conscience, je me suis dit qu’il me fallait devenir écrivain. Je devais être cet historien. Ce n’est pas le travail d’un seul homme, d’une seule personne. Mais c’est une tâche que nous devons mener à bien, de telle sorte que l’histoire de la chasse donne à voir aussi l’angoisse, la douleur, la bravoure s’il le faut même, des lions. » Inventeur de ce proverbe désormais célèbre, Chinua Achebe l’a mis à exécution. C’est que l’écrivain nigérian anglophone, décédé en 2013, peut, à juste titre, être considéré comme le premier à avoir glorifié les lions ou, au moins, à leur avoir redonné une place. Le premier à avoir écrit le récit de la colonisation du point de vue des Africains, là où prévalait jusqu’alors le regard du Blanc.
Sans doute y a-t-il eu d’autres écrivains africains, mais, avec
Tout s’effondre, celui que l’on surnommait « le Dictionnaire » à l’école n’écrit pas seulement, en 1958,...