Chiens, chats et écureuils contre la grosse bête
Publié dans le magazine Books n° 114, juillet-août 2021. Par Edward Luttwak.
Pourquoi le prestige de Napoléon a-t-il survécu à Waterloo ? En Europe continentale, c’est grâce à l’impact du Code civil, formidable outil de la modernité laïque. L’exceptionnelle intelligence de l’homme n’a cessé d’éblouir les intellectuels, et son génie militaire a fait le reste. Mais celui-ci est fortement surévalué. L’Empereur n’était pas à la hauteur de la stratégie et des atouts de l’Angleterre, il s’en fallait de beaucoup.
« Enfin, Bonaparte met à exécution son projet de descente en Angleterre » (1815). Napoléon exilé à Sainte-Hélène après sa défaite face à Wellington.
Pour autant que je m’en souvienne, je n’ai pas eu beaucoup de discussions houleuses avec mon père, mais je me rappelle très bien notre querelle sur Napoléon. Après deux ans passés dans un pensionnat britannique, j’avais appris ce qu’il faut d’anglais et d’histoire pour mentionner Wellington et Waterloo lors d’un trajet en voiture entre Milan et Bruxelles. À ma grande surprise, mon père s’en prit avec véhémence aux « Anglais », lesquels avaient par égoïsme détruit l’empire de Napoléon. Partout où celui-ci s’était étendu en Europe, la modernité s’était étendue avec lui, mettant à mal l’obscurantisme et les privilèges héréditaires, émancipant les juifs et les serfs de nombreux territoires, accordant la liberté de culte, offrant des possibilités d’avancement aux personnes talentueuses, quelles que soient leurs origines. Je ne me rappelle pas les mots exacts de mon père, mais, même s’il n’a pas formulé les choses comme je viens de le faire, c’est certainement ce qu’il voulait dire. Je me souviens de sa citation sur l’é...