Publié dans le magazine Books n° 12, mars-avril 2010. Par Werner von Koppenfels.
En se suicidant à l’âge de 18 ans, Thomas Chatterton est devenu l’archétype du héros romantique. Mais a-t-il vraiment mis fin à ses jours ? Un livre met en doute la légende et dresse le portrait d’un ambitieux faussaire et débauché.
Le 24 août 1770 au matin, on découvrit le cadavre du poète Thomas Chatterton sur le lit de sa mansarde à Holborn, l’un des quartiers les plus mal famés de Londres ; sur le sol, des pages manuscrites, et, dans un verre, des traces d’arsenic. Celui qui venait de mourir si jeune – il n’avait pas 18 ans – et dans des conditions si misérables n’était pas un inconnu. Durant son apprentissage dans un cabinet d’avocats de Bristol, il s’était illustré par la diffusion de textes du bas Moyen Âge – des documents municipaux et des poèmes, des drames, et même une épopée – qu’il prétendait avoir trouvés dans un coffre poussiéreux, au fin fond du grenier d’une vieille église.
Naissance d’un mythe
Les poèmes, à l’orthographe irrégulière ancienne mais d’une étonnante force expressive, dataient – selon leur découvreur – du XVe siècle, et ils étaient signés d’un prêtre, poète à ses heures, du nom de Thomas Rowley. Les habitants de Bristol tirèrent fierté de ces trouvailles, qui eurent un retentissement considérable, au-delà de la ville, et é...