Publié dans le magazine Books n° 17, novembre 2010. Par Hervé Le Bras.
Comme le montrent les auteurs de The Spirit Level, beaucoup d’indicateurs de bien-être sont corrélés au niveau d’inégalité sociale. Mais ils ont tort de faire des inégalités la cause unique du mal-être des sociétés. Ils ont même tort d’y voir une cause tout court. En amont des inégalités, il faut analyser la nature de l’État-providence.
Books : Les auteurs de The Spirit Level pensent avoir démontré que les sociétés où l’on vit le mieux sont les moins inégalitaires. Cependant, la corrélation qu’ils établissent entre le niveau d’inégalité sociale et les indicateurs de qualité de vie a fait l’objet de critiques. Par exemple, le Japon et la Finlande, les deux pays les plus égalitaires, sont aussi les deux pays où le taux de suicide est le plus élevé [voir « Contre-exemple : le suicide »]. Que vous inspire cet argument ?
Hervé Le Bras : Si tout phénomène économique et social dépendait d’une cause unique, les sciences sociales pourraient fermer boutique. En réalité, chaque phénomène combine de manière originale plusieurs facteurs. Le suicide en est un bon exemple. En s’inspirant de la théorie du suicide de Durkheim, on peut même éclairer le fait que sa fréquence n’augmente pas avec l’inégalité. Durkheim a établi le rapport entre le suicide et la rupture du lien social ou familial....