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1er août 2017, Patagonie. La gendarmerie réprime férocement une manifestation de la communauté mapuche sur la route 40. L’artisan Santiago Maldonado, présent sur les lieux en appui des revendications des peuples originaux, disparaît. Une question parcourt l’Argentine du président Macri : où est Santiago Maldonado ? Soixante-dix-huit jours d’absence, de silence et de mensonges. Soixante-dix-huit jours où Sergio, son frère, arpente l’Argentine, le cœur serré par l’angoisse et la colère. Dans Olvidar es imposible il raconte, jour par jour, comment la vie a changé depuis le 1er août ainsi que les difficultés rencontrées durant son chemin de pérégrination pour retrouver son frère.
Sergio Maldonado décrit comment un commerçant de thés organiques à Bariloche se retrouve propulsé malgré lui sur le devant d’une scène tragique, se métamorphose d’homme ordinaire en figure de résistance, contraint d’affronter les rouages d’un pouvoir déterminé à étouffer l’affaire.
17 octobre 2017 : le corps de Santiago apparaît sur le fleuve Chubut, bizarrement au même endroit maintes fois fouillé. Beaucoup de questions restent en suspens : Santiago a-t-il été kidnappé et son corps sans vie replacé dans le fleuve ? Pourquoi la ministre de la Sécurité de l’époque, Patricia Bullrich, s’est-elle acharnée à nier l’évidence, à protéger les gendarmes, à transformer la victime en coupable ? Le livre de Sergio Maldonado est aussi un réquisitoire contre l’arbitraire, contre ces disparitions qui, même en démocratie, rappellent les heures les plus sombres de l’histoire argentine.
Sergio Maldonado n’est pas seul : des milliers de voix, en Argentine et au-delà, scandent le nom de Santiago. Des visages inconnus brandissent sa photo à Buenos Aires, à Paris, devant les ambassades. Les réseaux sociaux diffusent des hashtags comme des prières : #DóndeEstáSantiago, #AparecióSantiago. Il constate quotidiennement que les médias conservateurs répètent la version officielle, mais que d’autres, comme Página 12, creusent la vérité, révélant les mensonges, les pressions, les preuves manipulées.
Suite à la pression de Sergio et des associations de défense de droits humains, l’affaire est rouverte. La justice, selon l’annexe à la fin du livre, semble enfin vouloir examiner les zones d’ombre : le pollen sur les vêtements de Santiago, les micro-organismes dans ses organes, les contradictions des gendarmes. Mais l’impunité rôde toujours, et Patricia Bullrich, de retour au ministère de la Sécurité sous la présidence de Javier Milei, incarne cette continuité inquiétante des politiques répressives.
Sergio Maldonado, lui, continue de marcher. Selon Alejandro Bercovich, un des trois préfaciers, son livre, né de la douleur et de l’obstination, est à la fois un journal intime, une enquête méthodique et une catharsis. « Quand j’ai vu le livre dans les librairies, confie Sergio Maldonado au site web Al Margen, j’ai ressenti à nouveau ce que je ressentais lorsque je concevais une petite boîte de thé, que je la laissais dans un supermarché et que je la regardais comme un objet né de moi, transformé par moi. J’espère qu’il circulera, qu’il pourra être lu. »
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Ce que je crains, pense en son for intérieur l’homme de gauche (ou de droite modérée), c’est moins les idées véhiculées par le Front national que la possibilité que ces idées scellent le tronc commun d’une idéologie majoritaire. Ce que je crains, pense l’étudiant ou l’enseignant qui juge légitime d’exercer une police de la pensée en interdisant de parole un conférencier ne partageant pas ses idées, c’est moins le contenu de l’opinion hérétique que la possibilité de voir ce contenu percoler pour former un savoir commun. Dans son nouveau livre, le psychologue et linguiste Steven Pinker met le doigt sur un phénomène psychosocial méconnu et pourtant central, le « common knowledge », un savoir commun qui n’a pas besoin d’être explicite car il repose sur un « je sais quelque chose, chacun sait la même chose et chacun sait que chacun le sait ». La monnaie fiduciaire repose sur ce système psychosocial : le dollar a de la valeur parce que chacun sait que les autres lui en accordent. Les promoteurs des bitcoins en sont bien conscients, qui au lieu de faire de la publicité pour la cryptomonnaie en tant que telle, paient des célébrités pour jouer les role models. Le phénomène de la célébrité repose sur le même principe : je sais que d’autres considèrent cette personne comme célèbre, donc j’adhère à cette idée. Les krachs boursiers reflètent ce processus. Les dictateurs délirants finissent par tomber parce qu’un beau jour tout le monde admet ce qu’hier on niait, à savoir que le roi est nu. Les dictatures intelligentes, comme la Chine de Xi Jinping, repèrent les voix dissidentes et bloquent les possibilités de manifestations collectives. Pinker, qui se dit un « optimiste rationnel », s’exprime comme beaucoup de « philosophes séculiers du moment sur le mode d’une rationalité profondément exaspérée, avec la conviction qu’il existe des positions rationnelles que les personnes sensées ne sauraient sensément rejeter, tout en constatant avec désespoir que ce point de vue est de moins en moins répandu », écrit dans The Guardian le révérend Rowan Williams, ex-archevêque de Canterbury.
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À la suite de l’historien des idées Isaiah Berlin, qui avait emprunté cette image au poète antique Archiloque, le mathématicien Freeman Dyson répartissait les esprits scientifiques en « hérissons », qui ne cessent d’explorer un seul problème fondamental, et « renards », qui s’intéressent à de nombreux sujets. Une distinction plus traditionnelle oppose les théoriciens, catégorie jugée la plus prestigieuse, et les expérimentateurs, qui conçoivent des instruments pour effectuer des observations, mettre en lumière de nouveaux faits ou vérifier une théorie. Luis Alvarez était l’exemple même du renard. Et il était un expérimentateur de génie.
Son nom est surtout associé à une idée qui a transformé la paléontologie, qu’il a présentée et défendue à la fin de sa vie avec son fils : la disparition des dinosaures à la fin du Crétacé est indirectement due à la chute d’une météorite de très grande taille. Avant cela, grâce aux dispositifs qu’il avait imaginés, il avait pourtant joué un rôle clé dans plusieurs épisodes de l’histoire de la physique nucléaire et de la physique des particules. Il avait mis au point des techniques d’importance décisive pour le développement du radar et de la bombe atomique. Et son attrait pour le travail de détective scientifique l’avait fait s’intéresser à des sujets comme l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Sa vie très remplie est racontée en détail, avec beaucoup de brio et de rigueur, par Alec Nevala-Lee, dans une biographie qui donne un aperçu de sa personnalité brillante et controversée.
Grand, blond avec des yeux bleus, Luis Alvarez, né à San Francisco en 1911, n’avait d’hispanique que le nom. Son père, lui-même fils d’un médecin espagnol immigré aux États-Unis, était un médecin renommé devenu un chroniqueur médical populaire. Adolescent, le jeune Luis se distinguait par son intérêt pour les sciences, sa passion pour la technique, son goût des exploits physiques risqués et une propension à l’imprudence qui faillit lui coûter la vie à deux reprises. Lorsqu’il fut temps pour lui d’entrer à l’université, il suivit le conseil de ses professeurs et s’inscrivit à l’université de Chicago, qui s’enorgueillissait alors de la présence de trois prix Nobel en physique.
Il n’y resta pas. Une fois diplômé, peu après s’être marié, il rejoignit à Berkeley l’équipe d’expérimentateurs d’Ernest Lawrence. Elle fonctionnait en tandem avec une équipe de théoriciens dirigée par Robert Oppenheimer. Son principal outil de travail était le premier accélérateur de particules au monde, un cyclotron encore très primitif. Alec Nevala-Lee décrit son aspect rustique et les conditions héroïques dans lesquelles les chercheurs l’utilisaient, en prenant des risques qui seraient aujourd’hui inadmissibles. De 1936 à 1939, Alvarez se livra à une série d’expériences portant notamment sur la capture d’un certain type d’électrons par des noyaux radioactifs, la production de neutrons lents et les réactions de fusion des noyaux aujourd’hui exploitées dans les bombes thermonucléaires et au cœur des travaux de recherche sur la fusion nucléaire contrôlée. Pour les besoins de la cause, il fabriqua de nouveaux équipements, usant du cyclotron selon des manières inédites qui suscitaient l’admiration de Lawrence.
Durant les premières années de la Seconde Guerre mondiale, au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Alvarez mit ses talents au service de la recherche sur les radars. On lui doit notamment l’invention d’un système de radar de précision embarqué à ondes ultracourtes qui facilite le bombardement à travers les nuages, un procédé de réduction du signal qui trompe les sous-marins ennemis en leur faisant croire que l’avion qui les a repérés s’éloigne et un système d’aide à l’atterrissage dans de mauvaises conditions qui était encore utilisé après la guerre, lors du pont aérien de Berlin.
À la demande de Robert Oppenheimer, qui avait été nommé à la tête du projet Manhattan de fabrication de la bombe atomique, il rejoignit ensuite la vaste équipe de recherche qui y travaillait au centre de recherche de Los Alamos. Ses contributions au projet furent ponctuelles, mais l’une d’entre elles fut décisive. Trois bombes furent construites à Los Alamos : une à l’uranium, utilisée à Hiroshima, et deux au plutonium, celle de l’essai Trinity et la bombe larguée sur Nagasaki. Dans la bombe à uranium, la masse critique provoquant la réaction en chaîne est obtenue en projetant simplement une masse de matière fissile sur une autre. Mais le mécanisme de la bombe à plutonium est plus sophistiqué. Il repose sur l’implosion d’une masse de ce métal, comprimée par l’explosion d’une trentaine de charges disposées autour d’elle. Pour que le système fonctionne, les explosions doivent être parfaitement simultanées. Alvarez eut l’idée d’utiliser à cette fin des fils explosifs, garantissant qu’elles détonnent dans un intervalle de quelques dizaines de microsecondes. C’est également lui qui conçut les appareils de détection employés au Nouveau-Mexique, à Hiroshima et Nagasaki pour calculer la puissance des explosions atomiques. Il les utilisa lui-même à bord d’un B-29 d’observation.
Luis Alvarez ne douta jamais que l’anéantissement des deux villes japonaises était justifié, parce que nécessaire pour arrêter la guerre. Contrairement à beaucoup de ses collègues, il n’éprouva aucun remords. Tel n’était pas le cas d’Oppenheimer, qui, lorsqu’il fut question de fabriquer une bombe plus puissante basée sur la fusion nucléaire, fit tout ce qu’il pouvait pour que les autorités américaines renoncent au projet. L’hostilité qu’il suscita lui valut de se faire retirer son habilitation de sécurité pour les matières classifiées. Devant la commission d’enquête qui prit cette décision, Alvarez, tout en louant les grandes qualités scientifiques d’Oppenheimer et le travail qu’il avait accompli à Los Alamos, à l’instar d’Edward Teller et d’Ernest Lawrence, après avoir hésité, témoigna contre son ami, sans doute par crainte de contrarier le principal ennemi d’Oppenheimer, le commissaire à l’énergie atomique Lewis Strauss, qui aurait pu lui reprocher certaines imprudences en matière de sécurité qu’il avait commises.
Les années qui suivirent furent initialement marquées pour lui par plusieurs déceptions. Au moment où la physique des particules prenait son essor, un accélérateur de particules linéaire qu’il passa de longs mois à développer s’avéra de peu d’intérêt face au synchrotron de son collègue Edwin McMillan. Celui-ci, ainsi que plusieurs autres physiciens de Berkeley, obtinrent comme Lawrence et à sa suite le prix Nobel, qu’il resta donc le seul d’entre eux à ne pas avoir reçu. Mais le vent finit par tourner. En 1954, le bévatron entra en service à Berkeley. Ce puissant synchrotron produisait de très nombreuses particules qu’il n’était cependant pas facile de détecter et d’analyser. Développant le concept de « chambre à bulles » proposé par un jeune chercheur nommé Donald Glaser pour l’étude des rayons cosmiques, l’adaptant en remplaçant l’éther, avec lequel l’instrument était censé fonctionner, par de l’hydrogène liquide, il construisit un détecteur extrêmement sensible. Les premiers ordinateurs faisaient à cette époque leur apparition dans les laboratoires. Il fut un des pionniers de leur utilisation. Avec l’aide de l’informatique naissante, l’énergie et la masse des nombreuses particules identifiées à partir des traces photographiques qu’elles laissaient purent être calculées. Pour avoir mis au point l’instrument ayant permis cet exploit, Alvarez obtint finalement en 1968 le prix Nobel qu’il convoitait ardemment depuis longtemps.
Toute sa vie, il continua à travailler pour le gouvernement des États-Unis, une activité qui lui plaisait et lui était utile à plusieurs égards. En 1953, il participa ainsi aux travaux d’un panel chargé d’étudier la question des « objets volants non identifiés » (OVNI). L’objectif des autorités était de calmer les esprits à ce propos, et il mit tout son talent à profit pour discréditer la thèse d’une origine extra-terrestre. Le plaisir qu’il avait à utiliser la science pour résoudre des énigmes, et ses dons en la matière, se manifestèrent à d’autres occasions. Bien que de sensibilité politique conservatrice, il avait de l’admiration pour Kennedy, qu’il avait rencontré à deux reprises. Dans les années qui suivirent son assassinat, il s’employa à disqualifier la thèse de la présence d’un second tireur en plus de Lee Harvey Oswald, qui impliquait l’existence d’un complot, en démontrant que le mouvement en arrière de la tête du président n’était pas causé par l’impact d’une balle venant de l’avant, et qu’aucun quatrième coup de feu n’avait jamais été tiré, comme certains le prétendaient. Ici aussi, sans falsifier les faits, il sut se montrer habilement sélectif dans le choix des données retenues, son objectif étant de valider les conclusions officielles de la commission Warren. Dans un domaine moins chargé politiquement, il consacra beaucoup d’énergie à étudier la pyramide de Khéphren à l’aide de l’analyse de la trajectoire des rayons cosmiques à travers la masse de pierre, dans l’espoir, qui fut déçu, d’y établir la présence de chambres secrètes.
Sa femme lui avait donné deux enfants, un garçon et une fille. Notamment parce qu’il travaillait sans cesse loin d’elle, en 1957, ils divorcèrent. Un an plus tard, il épousa une femme d’une vingtaine d’années plus jeune que lui avec laquelle il eut deux autres enfants et une union plus harmonieuse, parce qu’il l’impliqua énormément dans ses activités. Le fils issu de son premier mariage, nommé Walter comme son grand-père, choisit la carrière de géologue, une discipline que Luis Alvarez ne prenait initialement pas au sérieux. Il changea d’avis au point de publier en 1980 avec son fils et deux chimistes le fameux article qui propose l’hypothèse selon laquelle l’origine de la grande extinction de la fin du Crétacé fut causée par l’écrasement d’une météorite géante sur la Terre à ce moment de son histoire. Dix ans plus tard, on découvrit dans la péninsule du Yucatán, au Mexique, un cratère de très grande dimension qui semble la corroborer. Une hypothèse alternative pour expliquer l’obscurcissement de l’atmosphère et la disparition des dinosaures est un accroissement important du volcanisme en Asie. Mais elle est moins convaincante. Les deux phénomènes pourraient d’ailleurs être liés, le second étant la conséquence du premier.
Lorsqu’il approchait de la fin de sa septième décennie de vie, Alvarez éprouva le besoin de rédiger son autobiographie. Un millier de pages dictées à un ancien étudiant se révélèrent impubliables. Elles furent confiées à l’historien Richard Rhodes, qui en coupa une bonne partie et réorganisa le tout en ajoutant une section sur l’affaire Oppenheimer, qui n’était pas mentionnée dans le manuscrit. Dans cet ouvrage, Alvarez se présente comme un homme aimable. Pourtant les témoignages concordent : capable de se montrer généreux avec quelques collaborateurs à qui il inspirait une grande loyauté, il était aussi souvent très brutal avec d’autres et méprisant avec ses contradicteurs. Aux dires d’un de ses amis, ce trait de caractère faisait de lui le physicien le plus haï du laboratoire de Lawrence à Berkeley. Son formidable ego le poussait de plus à de constantes vantardises.
Luis Alvarez est mort en 1988 d’un cancer de l’œsophage à l’âge de 77 ans. Au cours de ses dernières années, il lui est arrivé de regretter l’époque où « un expérimentateur seul pouvait tout faire dans son propre laboratoire ». Tout en reconnaissant à quel point la physique expérimentale de cet âge révolu pouvait être parfois inefficace, il doutait que le travail de recherche accompli au sein de structures de collaboration gigantesques dans un environnement bureaucratique puisse engendrer autant de satisfactions que celles qu’on pouvait connaître dans de petites équipes. La spécialisation croissante du travail scientifique lui semblait néfaste, tout comme la réticence grandissante à concevoir des expériences un peu folles. Il attribuait ses succès à son courage de s’aventurer dans des territoires inconnus prometteurs. Conscient que beaucoup d’idées se révèlent rapidement fausses, il conseillait à ses collègues de s’arranger pour en avoir une bonne par semaine, dans l’espoir d’en trouver tous les quelques mois une qui vaille la peine d’être poursuivie.
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Sacrées bestioles. On connaît aujourd’hui leur évolution depuis un demi-milliard d’années. Les requins ont survécu aux cinq grandes extinctions de masse, à commencer par celle qui, voici 444 millions d’années, a décimé 85 % des espèces. Se réfugiant dans des marécages, c’est à ce moment qu’ils ont développé (avec l’aide de leur dieu) leur incroyable mâchoire, ou plutôt l’incroyable chair jouxtant leurs mâchoires, générant des dents en continu. Le requin blanc actuel a sept rangées de 300 dents et perd jusqu’à 30 000 dents au cours de sa vie. Après avoir traversé la terrible extinction de la fin du Permien, vers 252 millions d’années (95 % des espèces marines et 75 % des espèces terrestres), ce en se réfugiant dans la profondeur des océans, les requins ont tranquillement assisté à l’apparition puis à la disparition des dinosaures. Le très savant auteur de ce livre, le paléontologue américain John Long, en tire de prudentes leçons sur les ressorts d’une saine résilience : cela dépend de « où vous vivez, de votre mobilité et de ce que vous mangez » ; et encore : « soyez opportunistes, non spécialisés ; adaptez vos ressources à votre taille ; déplacez-vous, si vous le pouvez, vers une zone à l’abri du chaos ». Hélas, les requins ne peuvent pas grand-chose contre les pêcheurs chinois qui leur coupent les ailerons avant de les rejeter à la mer.
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El color y la herida n’est pas le genre de livre auquel on s’attendrait de la part d’une jeune écrivaine espagnole. Le récit se passe à Neukölln, un quartier de Berlin. Octogénaire, un peintre allemand nommé Rüdiger Keller vient s’y installer. Il élit domicile dans l’appartement laissé par sa sœur Erika, morte récemment. Celle-ci y avait emménagé après la chute du Mur. Elle avait vécu en Allemagne de l’Est. Keller est tombé en disgrâce après des déclarations malheureuses au sujet d’un peintre réputé. Son univers est désormais ce Berlin où les restaurants végétaliens et les hipsters côtoient les immigrants et les réfugiés syriens. Sa seule compagnie est Husserl, un vieux berger allemand qui continue d’espérer le retour d’Erika. Il prépare une rétrospective, peut-être la dernière de sa vie. À travers la peinture, il tente de reconstituer l’histoire d’Erika. Suite aux menaces qu’il continue de recevoir, Brod, son agent, un des rares juifs retournés en Allemagne après la guerre, décide d’installer un système de vidéosurveillance dans l’immeuble. Cela amène Keller à voir des choses qu’il n’aurait jamais pensé voir.
Le mot « blessure » du titre permet à García Nieto d’articuler magistralement trois niveaux de traumatisme explique Recaredo Veredas dans la revue espagnole República de las Letras. « Il y a la blessure individuelle : Keller porte le poids d’une histoire familiale marquée par la guerre et la division allemande. Sa sœur Erika représente la confrontation directe avec ce passé traumatisant. Puis il y a la blessure collective : l’héritage de l’Holocauste qui imprègne le récit comme une présence constante conditionnant les relations, les silences et les formes de mémoire dans la société allemande. Enfin, la blessure historique : la Stasi et les conséquences de la réunification qui se manifestent à travers les personnages et leurs destins brisés. »
Le livre de García Nieto fonctionne comme un thriller psychologique, une méditation artistique et une réflexion historique sur les mécanismes de la mémoire et de l’oubli. « La description du système de la Stasi sabotant des expositions et payant pour obtenir des critiques négatives fait écho à la dynamique actuelle des réseaux sociaux et à la cancel culture, explique Recaredo Veredas, car le roman propose aussi une critique dévastatrice du marché de l’art et de ses relations avec le capital et la spéculation. » Avec en toile de fond cette question : la beauté esthétique peut-elle coexister avec l’horreur historique ? La romancière est docteure en psychologie.
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Mystère Cavafy : une biographie de plus. Pourtant les derniers en date de ses biographes, Gregory Jusdanis et Peter Jeffreys, reconnaissent d’emblée que la vie du poète grec à Alexandrie au début du XXe siècle n’a « strictement rien de remarquable ». Mais Cavafy, font-ils valoir, a toutefois « changé le destin de la poésie en Grèce et dans le monde » – pas moins. De fait, rarement la trame d’une vie, aussi terne fût-elle, s’est à ce point insérée dans la texture même d’une œuvre poétique. De ce matériau sans intérêt ont magiquement surgi des images prégnantes et des vers libres mélodieux qui ont transformé à la fois la littérature et la langue grecque modernes. En plus de 60 ans Cavafy n’aura produit que 154 poèmes « canoniques », inspirés du symbolisme. Mais ce faisant il aura revivifié dans l’imaginaire grec le monde hellénistique un peu décrié (on préférait la Grèce classique à celle d’Alexandre le Grand), et donné aussi un coup de jeune à l’élitiste « katharevousa » (la « langue pure » encore assez proche du grec ancien) en l’entremêlant de « démotique », la langue de tous et de tous les jours.
De cette vie, que peut-on tout de même retenir ? Qu’après avoir connu de bons débuts (comme petit dernier de six garçons d’une famille opulente de courtiers alexandrites basée en Angleterre), Cavafy a vécu une brutale dégringolade financière à la mort de son père. Puis après un séjour à Constantinople, il s’en est retourné à Alexandrie, à l’âge de 22 ans. De là et jusqu’à sa mort en 1933, il ne bougera pratiquement plus. Célibataire (mais longtemps couvé par sa mère Héraclia), il habitera toujours le même petit appartement sombre du décati quartier grec et vivra d’un maigre salaire d’employé (durablement subalterne) de l’administration anglo-égyptienne. Voilà pour les journées. Mais après le bureau, tout change. Cavafy passe d’abord la soirée au centre d’un petit cercle d’admirateurs auxquels il fait la grâce de lire ou de distribuer ses derniers poèmes (jamais diffusés autrement de son vivant). Puis, tard dans la nuit, le bureaucrate-poète se change et part rasant les murs vers les quartiers louches du port, propices aux rencontres – dans son cas avec des matelots ou des garçons du cru. Il lui faut être discret car le seul capital commercial dont dispose encore sa famille ruinée est sa bonne réputation – pas question que le petit dernier vienne ternir ce fragile vernis social !
Juste revanche du sort, cette pratique forcée de la dissimulation va déterminer toute la poésie cavafienne, lui conférant puissance évocatrice et originalité. La beauté des (jeunes) corps masculins, la force du désir, le poète les dira donc sans les dire tout en les disant (une aussi bonne définition qu’une autre de la poésie, non ?), portant au point de perfection l’art de faire naître une image du clair-obscur (« Une chandelle suffit… ») ou de ciseler une expression troublante (« ρόδινα, υπέροχα μέλη τής απόλαυσης » : « les merveilleux membres roses du plaisir »). Mais Cavafy ne sera pas l’Oscar Wilde grec ni un proto-emblème LGBT. « En dehors de sa poésie, il n’existait pas » dira son disciple, le poète Georges Séféris. Pas de revendications politiques ou sociales. Ni héroïsme ni honte. Juste la mobilisation d’émotions souterraines et lointaines, légèrement enfouies sous une ou deux couches de significations plus immédiates. Il préférera aussi, résume Scott Bradfield dans The New Republic, « évoquer les derniers moments d’une culture plutôt que ceux qui les ont précédés ; et contempler les splendeurs du passé plutôt que subir les vicissitudes d’avoir à en produire de nouvelles ». Ce qui n’empêchera pourtant pas beaucoup de futurs grands écrivains et poètes (anglo-saxons surtout) de considérer celui que Lawrence Durrell appelait « le vieux poète d’Alexandrie » comme un phare de la modernité.
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« Faire du net zéro carbone un succès exige que nous distinguions entre ce que nous désirons être vrai et ce qui est vrai », écrit Tim Gregory. Le jeune physicien nucléaire britannique explique en détail le fonctionnement de cette énergie et expose les mythes qui continuent de la grever. Les milliers de victimes de Fukushima ne sont pas dues aux radiations mais à l’évacuation de masse qui a suivi l’accident. La mortalité due au nucléaire équivaut à celle causée par les éoliennes et le solaire. La totalité des déchets nucléaires des réacteurs de la planète tiendrait dans un cube de trente mètres de côté. Surtout, il s’agit d’une énergie verte, en ce qu’elle n’émet presque pas de gaz carbonique. Tourner le dos au nucléaire après Tchernobyl a été la plus désastreuse décision des États en fait de politique énergétique. « On aurait évité l’émission de près de 29 gigatonnes de CO₂. La production de 900 centrales à charbon pendant 30 ans », commente Tone Langengen, du Tony Blair Institute for Global Change, dans la Literary Review. « Atteindre le net zéro serait peut-être possible sans le nucléaire, ajoute-t-il, mais celui-ci est bien plus viable et bien moins coûteux, sur le plan économique et environnemental. » Pour Tim Gregory, « décarboniser le monde avec l’énergie nucléaire devrait être le programme Apollo du XXI e siècle ». Il plaide en faveur des surgénérateurs, qui transforment les déchets en combustible, et pour les petits réacteurs modulaires, qui peuvent être construits plus vite et sont plus flexibles que les centrales nucléaires.
Le livre plaît moins au journaliste Dorian Lynskey, qui dans The Guardian, tout en saluant le talent de vulgarisateur de Gregory, dénonce son « optimisme effréné ».
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Sergio Leone a souvent déclaré qu’Il était une fois en Amérique était son meilleur film. Ce n’est pas un film de gangsters, disait-il, mais « un film sur le temps, la mémoire et le cinéma ». Méditation sur l’enfance, le souvenir et l’amitié, réflexion, aussi, sur la trahison, l’échec et le rêve américain, qui ne reste souvent qu’un rêve, il est en même temps un hommage à la littérature américaine (Chandler, Dos Passos, Hammett, Hemingway, Fitzgerald) qui fascinait Leone, et plus encore au film noir et au cinéma en général. « Il était une fois en Amérique, observait-il, est un film autobiographique à deux niveaux : ma vie personnelle et ma vie de spectateur des films américains. »
Le film est basé sur un livre intitulé The Hoods, récit autobiographique d’un ancien gangster juif new-yorkais qui écrivait sous le nom de Harry Grey. Un petit gangster qui avait travaillé sous les ordres de Frank Costello à l’époque de la prohibition – on est loin des légendes du banditisme juif que furent Meyer Lansky, Bugsy Siegel et Dutch Schultz. Entre le moment, au milieu des années 1960, où Leone découvrit l’ouvrage, et celui où le film fut projeté pour la première fois, en 1984, près d’une vingtaine d’années s’écoula au cours de laquelle il déploya des efforts obstinés pour concrétiser son idée de porter cette histoire à l’écran, déclinant même une proposition de tourner Le Parrain. Lorsque le film sortit en salle, il n’en avait pas réalisé d’autre depuis treize ans.
L’histoire de la conception, de la préparation et du tournage d’Il était une fois en Amérique fait l’objet d’un très riche chapitre de la biographie de Leone par Christopher Frayling, publiée en 20001. Piero Negri Scaglione y consacre un livre entier, largement basé sur des entretiens avec une série de personnes qui ont pris part à l’aventure. Le titre reprend une des phrases les plus célèbres du dialogue. « Qu’as-tu fait durant toutes ces années ? » est ce que Fat Moe demande à son ami d’enfance David Aaronson, surnommé « Noodles » (Nouilles), lorsqu’il le voit resurgir après 35 ans d’absence dans le bar qu’il tient, où ils se sont connus lorsqu’ils étaient adolescents et qui servit plus tard de quartier général à la bande de truands que formaient Noodles et quatre amis.
Le film raconte la complicité des cinq garçons, devenue celle de quatre jeunes hommes après qu’un d’entre eux a été tué par le chef d’une bande rivale ; la passion douloureuse et sans avenir de Noodles pour Deborah, la sœur de Fat Moe – et son amitié violente pour Max, l’autre forte personnalité du groupe, qu’il finit par trahir en le dénonçant à la police pour un simple transport d’alcool, afin de lui éviter de se faire tuer lors d’un cambriolage de banque particulièrement téméraire. Ceci entraîne apparemment la mort de Max et de ses deux autres amis, et Noodles doit fuir loin de New York pour échapper aux commanditaires de la bande.
La plupart des anecdotes contenues dans The Hoods apparaissent dans le film, mais complétées par des développements inédits et dotées d’une signification et d’une portée nouvelles, parce qu’elles s’insèrent à présent dans une histoire conçue comme une « fable pour adultes ». Le récit fait des allers-retours constants entre trois époques : 1922, le moment où la bande se forme, 1933, année de leurs derniers exploits peu avant la fin de la prohibition, et 1968, qui voit Noodles revenir à New York et retrouver Max, en réalité encore vivant. Il a épousé Deborah et, devenu sénateur, il est sur le point d’être accusé de corruption. Se sachant fini et menacé d’être assassiné, il lui demande le service de le tuer, lui offrant ainsi l’occasion de se venger de celui qui l’a trompé, lui a pris son argent, la femme qu’il aimait et 35 ans de son existence. Noodles s’y refuse. Certains critiques ont suggéré que la partie de l’histoire se déroulant en 1968 est en réalité un rêve fait par Noodles sous l’emprise de l’opium qu’on le voit fumer dans la première et la dernière séquence – une interprétation que Leone n’exclut pas, sans pour autant la cautionner.
Ce scénario sophistiqué est le produit d’un travail collectif. À la suite de plusieurs rencontres avec Harry Grey, Leone, après avoir sollicité Leonardo Sciascia, puis le scénariste Ernesto Grimaldi, confia un travail de rédaction à Norman Mailer, qui produisit un texte inutilisable. Il se tourna alors vers quatre collaborateurs. Piero Negri Scaglione reconstitue avec patience la longue suite d’esquisses de scénarios, de « traitements » et de scripts qui finit par donner lieu à l’histoire telle que nous pouvons la voir, en s’employant à attribuer à chacun ce qu’on lui doit. C’est Max qui fait revenir Noodles à New York : cette idée, qui a véritablement fait démarrer la mise au point du scénario, est par exemple à mettre au crédit de Franco Arcalli (décédé en 1978). L’atmosphère « proustienne » du film et la logique de l’enchaînement des épisodes sont l’apport d’Enrico Medioli, scénariste de Luchino Visconti, pour lequel il avait écrit une adaptation d’À la recherche du temps perdu. Leonardo Benvenuti et Piero De Bernardi, qui avaient souvent travaillé ensemble, couvrirent plus particulièrement la partie consacrée à l’enfance. Franco Ferrini fut chargé de polir le scénario. Approché en raison de sa connaissance du yiddish parlé dans le milieu juif new-yorkais, l’auteur des dialogues en anglais, Stuart Kaminsky, réécrivit cinq fois l’ensemble, en faisant une série de suggestions dont certaines furent retenues.
Peu après avoir découvert le livre de Harry Grey, Leone apprit que les droits d’adaptation à l’écran étaient détenus par un producteur nommé Dan Curtis. Celui-ci, après avoir refusé à plusieurs reprises de les céder, finit par les vendre à Alberto Grimaldi, qui les céda à son tour au jeune producteur Arnon Milchan à la demande de Leone, suite à un différend avec Leone. Celui-ci affirma plus tard qu’il portait sur une question d’argent, mais il semble qu’en réalité Grimaldi était farouchement opposé au maintien d’une scène qu’il trouvait choquante, alors que Leone l’estimait indispensable : celle dans laquelle Noodles, lorsque Deborah lui annonce son intention de partir faire carrière à Hollywood, ivre de dépit et pris d’un accès de rage autodestructrice, la viole brutalement dans le taxi qui les ramène du restaurant au bord de l’océan où ils venaient de dîner absolument seuls, dans un décor qu’on dirait sorti de Gatsby le Magnifique.
La liste des acteurs envisagés pour les principaux rôles comprend quasiment tout Hollywood. Au départ, l’idée était de faire interpréter les principaux personnages aux trois moments de l’histoire par des acteurs différents. À l’époque où Leone était en rapport avec un producteur français, les noms de Gérard Depardieu et de Jean Gabin furent ainsi cités pour incarner respectivement Max jeune et âgé. Cette piste fut finalement abandonnée. Joués par des adolescents dans les séquences se passant en 1922, Noodles, Max, Deborah et plusieurs personnages secondaires sont interprétés par les mêmes comédiens dans les scènes situées en 1933 et 1968. Ce changement d’approche fut rendu nécessaire par la volonté de Robert De Niro, choisi pour incarner Noodles, d’interpréter son personnage aux deux âges. Le choix de De Niro se révéla particulièrement heureux. Entre lui et Leone, la connivence fut immédiate. Formé aux techniques de l’Actors Studio, il parvient à évoquer avec subtilité les facettes d’une personnalité difficile à saisir et se glisse de manière très convaincante dans la peau d’un sexagénaire. Pour Max, Leone voulait un visage neuf. Ce fut celui de James Woods, à qui ce film offrit son meilleur rôle. Impressionné par De Niro, et se sentant en compétition avec lui, il laissa la tension créée par cette situation nourrir celle qui existait entre leurs deux personnages. Les beaux visages d’Elizabeth McGovern (Deborah) et Tuesday Weld (Carol, la maîtresse de Max) sont souvent filmés en très gros plans, dans le style du cinéma muet.
Pour définir l’esthétique du film, Leone avait rassemblé une documentation considérable. On retrouve dans les images des échos des toiles d’Edward Hopper, des illustrations de Norman Rockwell et des photos des quartiers populaires de New York au début du XXe siècle par le journaliste danois Jacob Riis. On perçoit d’abondantes références à des scènes d’autres films, notamment d’Orson Welles, de Charlie Chaplin et de toute une série de films noirs. Le tournage fut une opération complexe. Le quartier juif de Lower East Side ayant profondément changé, les scènes censées s’y passer furent tournées à Brooklyn, de l’autre côté du Manhattan Bridge. Une grande partie des éléments de décor furent fabriqués à Rome et transportés à New York en bateau. De nombreuses scènes furent tournées à Cinecittà, d’autres à Venise et au lac de Côme, celle où la bande apprend la fin prochaine de la prohibition en Floride, plusieurs à Montréal et dans le New Jersey. La gare d’où Deborah part pour Los Angeles, supposée être le Grand Central de New York, est en réalité la gare du Nord de Paris.
Sergio Leone et une bonne partie de son équipe parlaient mal l’anglais, ils communiquaient avec les acteurs avec l’aide d’interprètes et par gestes. Comme il en avait l’habitude, Leone, lorsqu’il ne tournait pas en son direct et dans les moments de pause, faisait diffuser la musique du film sur le plateau, pour aider les acteurs à se mettre en condition. Écrite par son compositeur attitré, Ennio Morricone, elle contribue de manière essentielle à créer l’atmosphère du récit. Il en émane une impression de grande mélancolie, accordée au mélange de tristesse et de beauté qui sourd du film, en dépit de la violence dont se montrent capables les jeunes hommes immatures qu’il met en scène.
Ennio Morricone raconta un jour au réalisateur Giuseppe Tornatore ce que furent pour lui les longues années de préparation d’Il était une fois en Amérique. « Leone était content d’avoir réussi à exprimer certains thèmes […] mais continuait à être agité de doutes. Souvent, il m’appelait et plus souvent encore il venait chez moi. » (À cette époque, ils habitaient à quelques minutes à pied l’un de l’autre.) Après avoir parlé au compositeur, Leone se sentait rassuré, mais jamais pour longtemps : « Il ne parvenait pas à se libérer de ses doutes, il en éprouvait sur tout, et aussi sur lui-même. » La veille de la présentation du film au Festival de Cannes de 1984, il écrivait dans Il Corriere della Sera que sa réalisation avait été de loin « l’expérience cinématographique la plus personnelle et profonde » de sa carrière.
Acclamé par la critique à Cannes dans une version longue de 229 minutes (celle préparée par Leone en faisait 269, quatre heures et demie), le film, contre la volonté de Leone, ne fut projeté aux États-Unis que dans une version mutilée de 139 minutes, remontée dans l’ordre chronologique. Ce bouleversement de la construction l’appauvrissait terriblement, la suppression de nombreuses scènes clés le rendait incompréhensible et il fut éreinté par la critique. Cette version a disparu. Il en existe aujourd’hui une de 251 minutes très proche de la version originale, reconstituée grâce aux efforts de Martin Scorsese. Sergio Leone est décédé en 1989 d’une crise cardiaque à l’âge de 60 ans, sans avoir commencé à tourner le film sur le siège de Leningrad qu’il projetait de réaliser. Sept ans auparavant, les médecins avaient diagnostiqué chez lui une anomalie cardiaque. On lui avait conseillé d’éviter le stress. Mais peu de temps après, il s’engagea dans un litige avec son producteur et Hollywood au sujet d’Il était une fois en Amérique. Sa mort précoce renforce le caractère testamentaire de son film le plus remarquable.
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Pratique immémoriale, l’esclavage est béni par le Coran et les hadiths et a constitué un trait essentiel de la civilisation musulmane depuis les origines. Justin Marozzi, déjà auteur de deux livres sur l’histoire de l’islam, se concentre ici sur l’esclavage arabe et turc. Parlant l’arabe, il a pu interviewer d’anciens esclaves qui décrivent le maintien de cette tradition au Mali et en Mauritanie, jusqu’en 2024. Le roi Hassan II avait une cohorte d’esclaves pour ses services domestiques et sexuels. Marozzi cite le clerc saoudien Sheikh Saleh al-Fawzan, présenté comme un « grand savant » sur les sites islamiques, qui déclarait au début des années 1980 : « L’esclavage fait partie de l’islam. Il fait partie du jihad, et le jihad persistera tant que l’islam perdurera. » Un marché d’esclaves a été décrit en Libye en 2017 et l’on sait que Daesh, s’appuyant sur les textes sacrés, a organisé un trafic d’esclaves yézidis. Pour autant, Marozzi « prend soin de ne pas faire de son livre une polémique anti-islam », écrit Gerard Russell dans le Financial Times. Si le commerce des esclaves dans le monde musulman a été d’ampleur comparable à la traite des Noirs organisée par les Européens, il s’en distingue par plusieurs aspects. Il ne concernait pas que des Noirs et n’était pas incompatible avec l’accession d’esclaves à un haut statut social, davantage même que dans l’Antiquité grecque. La moitié des grands vizirs étaient d’anciens esclaves.
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« Je suis obsédé par l’origine des fortunes et le fonctionnement du capitalisme », déclare au journal de son pays El Milenio l’écrivain mexicain Guillermo Arriaga, ravi de voir queles 15 000 exemplaires imprimés de son épais roman ont été écoulés avant même de venir en librairie. Ce roman, cela fait vingt-cinq ans qu’il le construit, après l’échec d’un scénario de film sur le même thème. Le récit, qui s’égrène sur plus d’un siècle, se déroule dans un territoire frontalier où se jouent des conflits entre Mexicains, Américains et Apaches. C’est un roman choral, à six voix. Au centre, le succès emblématique de Henry Lloyd, un homme d’affaires américain pour qui la fin justifie tous les moyens. Il y a Jack Barley, qui à 11 ans se fraye un chemin dans la vie en commettant des meurtres. Il y a Rodrigo, un jeune Mexicain qui vit dans un ranch au Texas et qui affronte les Apaches dans un contexte violent. « C'est une étude, en quelque sorte au ras du sol, de la façon dont le capitalisme s’est développé », dit Arriaga. Le roman aborde aussi le thème peu connu des esclaves noirs fuyant les États-Unis pour le Mexique, où l’esclavage avait été aboli, s’installant dans l’État de Coahuila. C’est « un narrateur unique, écrit l’écrivain Gabri Rodenas sur le portail littéraire espagnol Zenda. Le roman captive le lecteur dès la première page et ne le lâche plus. Les personnages sont fascinants. Les chapitres, courts, invitent à poursuivre la lecture. Les histoires, hypnotiques, brutales et magistralement écrites, attisent le désir d’avancer. »
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