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Célèbre auteur de romans en yiddish, prix Nobel de littérature en 1978, Isaac Bashevis Singer aimait raconter que, à sa naissance dans un shtetl polonais, sa mère avait demandé à la sage-femme : « C’est un garçon ou une fille ? » Ce à quoi celle-ci avait répliqué : « Un écrivain ». Cette boutade, qui figure dans un nouveau recueil de dix-neuf essais, presque tous inédits en anglais, « n’aurait pas amusé les pieux parents de Singer », commente The Wall Street Journal. « Fils et petit-fils de rabbin, il a mené “une guerre intime contre le Tout-Puissant”, comme il le disait, en remplaçant la foi orthodoxe par “une sorte de kasha (bouillie) de mysticisme, de déisme et de scepticisme”. » À la mort de Singer, en 1991, des milliers de ses pages manuscrites non publiées, carnets de notes, lettres et photos ont été transférés aux archives de l’Université du Texas, à Austin. « Après un long processus de catalogage, peu d’universitaires ont exploré ces écrits inédits », rapporte The Times of Israël. Raison supplémentaire pour se réjouir de cet ouvrage, fruit de dix ans de travail du spécialiste de la littérature David Stromberg, qui jette un nouvel éclairage sur l’œuvre prolifique de Singer.
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Qu’est-ce qui peut pousser une femme à abandonner ses enfants ? L’adolescent Joseph Masabo est habitué aux absences de son père, qui lutte contre l’apartheid dans l’Afrique du Sud des années 1980. Mais quand sa mère, zambienne, se volatilise de leur domicile à Lusaka, il entame un voyage périlleux en Afrique australe pour la retrouver. Dans une interview au site Newframe.com, Mandla Langa fait remarquer que son protagoniste a 14 ans, l’année qui est considérée dans de nombreuses cultures comme celle de la « transition ». Ainsi, précise-t-il, « The Lost Language of the Soul raconte le passage initiatique d’une vie antérieure à une nouvelle vie ». En chemin, Joseph rencontre « des personnages convaincants, plus vrais que nature », rapporte Jonathan Amid sur le site News24.com : Elias, un tailleur de pierre véreux ; la courageuse Leila et ses chevaux ; le « Camarade Dictionnaire », un ancien prisonnier imbattable au Scrabble ; des trafiquants de pangolins ; et « Jean le Baptiste », qui aide les combattants à traverser le fleuve Zambèze. Pour la romancière écossaise d’origine sud-africaine Zoë Wicomb, « Langa forge une vision de l’humanité à partir de la violence, de l’effusion de sang et de la trahison – caractéristiques de la transition de l’Afrique du Sud vers la démocratie. Ce récit tout en nuances de la lutte pour la liberté est un incontournable. » La critique littéraire Michele Magwood écrit sur Wantedonline.co.za que le roman aurait gagné à être plus court, mais que Langa « mérite désormais sa place auprès des géants de la littérature sud-africaine ».
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En 2017, les journalistes Mikhaïl Fishman et Vera Kritchevskaya réalisaient le documentaire « L’homme qui était trop libre », consacré à Boris Nemtsov, homme politique russe de premier plan assassiné le 27 février 2015. Cinq ans plus tard, ce film a donné lieu à un livre fouillé de plus de 600 pages, signé par Fishman. Sa parution en avril était pourtant incertaine, dans le contexte de la guerre menée par le Kremlin en Ukraine. En dépit de la censure qui sévit, la biographie de ce farouche adversaire de Vladimir Poutine est distribuée dans les librairies. « Ce livre est un voyage à travers l’histoire de la Russie, qui embrasse tous les événements clés depuis la perestroïka de Gorbatchev, lorsque Nemtsov est entré en politique, jusqu’à son assassinat sur le pont Bolchoï Moskvoretski, à Moscou. Fondé sur des centaines d’entretiens et de documents d’archives, il raconte comment la Russie est devenue un pays libre et comment elle a perdu, pas à pas, sa liberté nouvellement acquise », souligne le site Polit.ru.
Né en 1959, ce physicien de formation connaît une ascension fulgurante à partir de 1986. Gouverneur réformateur de la région de Nijni Novgorod, au centre de la Russie européenne, il entre au gouvernement sur l’insistance de Boris Eltsine en 1997, comme ministre de l’Énergie, puis vice-président du gouvernement. Costume sans cravate, chaussettes blanches, Nemtsov est grand, beau, téméraire, excellent orateur et un véritable tombeur. Connu pour son franc-parler, il n’aime rien tant que le contact direct avec les gens et se montre toujours à l’aise, qu’il ait en face de lui Thatcher, Eltsine ou des mineurs en grève. Eltsine le bichonne comme un fils et voit en lui son successeur, avant d’opter… pour un officier du KGB, toujours en poste. L’ère est aux privatisations sauvages et Nemtsov le paiera au prix fort. Lors du scandale lié à la vente de la compagnie de télécommunications Svyazinvest, il se met notamment à dos les oligarques Boris Berezovsky et Vladimir Goussinski qui mènent alors le bal et déclenchent, dans les médias qu’ils détiennent, une cinglante campagne de dénigrement visant Nemtsov.
Dès lors commence sa lente éviction des cercles du pouvoir, alors que la Russie, sous la houlette de Vladimir Poutine, s’éloigne du modèle démocratique. Ce même Poutine que Nemtsov soutiendra pourtant en tant que chef de file du parti libéral Union des forces de droite, avant de devenir son détracteur le plus acerbe.
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Vus d’Europe, les marbres du Parthénon ou les Cyclades évoquent peu l’empire du Milieu. Et pourtant, mondialisation oblige, les Chinois ont depuis quelques années une place importante en Grèce – qu’ils soient touristes, immigrés ou investisseurs. Il existe un quartier chinois à Thessalonique, et le port du Pirée appartient aujourd’hui à l’armateur chinois Cosco. Cette présence de plus en plus affirmée a conduit le journaliste Andónis Iordánoglou à se pencher sur ce nouvel « autre » en rassemblant en un ouvrage plusieurs péripéties chinoises en Grèce, toutes issues de faits réels. Cette somme a attiré l’attention du quotidien national de centre droit I Kathimeriní, qui y voit « comme une tentative d’anthropologie amateur qui se pencherait sur les Chinois, dont les aventures en Grèce ont quelque chose d’à la fois tendre et humoristique ». Entre autres histoires, citons celle d’un couple dont la visite de Santorin tourne au cauchemar, ou encore celle d’un guide égaré entre le mandarin et le grec moderne…
Dans ces récits de voyage inversés, les Grecs se demandent : « Comment peut-on être chinois ? » – et réciproquement. Tout repose sur l’ambivalence des rapports entre les deux peuples, à l’image du titre, jouant sur la polysémie du terme μαρτύρια, à la fois « témoignage » et « calvaire, martyre ». Lui-même guide touristique, l’auteur note que « les voyageurs chinois vivent de petites odyssées en Grèce, sans comprendre quoi que ce soit à notre pays, à sa culture et à ses habitants ».
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La Suède, modèle de la lutte contre les inégalités sociales ? Si cette idée, fondée sur une réalité apparue après-guerre, persiste, y compris dans un certain discours politique suédois, la lecture de cet essai a de quoi lui tordre le cou. La démonstration est d’autant plus frappante qu’elle est l’œuvre d’un journaliste ayant travaillé pour plusieurs journaux clairement pro-capitalistes avant de rejoindre Aftonbladet, quotidien proche du Parti social-démocrate, actuellement au pouvoir.
« Si l’on exclut certains paradis fiscaux, la Suède est le pays qui compte le plus de super-riches par habitant au monde », constate Svenska Dagbladet (SvD, conservateur). De 28 milliardaires (en dollars) en 1996, on est passé à 542 en 2021. « Aucun pays n’a autant fait pour ces dieux richissimes que la Suède, renchérit Dagens Nyheter (DN, libéral). Nous avons supprimé les impôts sur les successions, les donations et les biens immobiliers. La Banque centrale a gonflé les prêts en ramenant les taux d’intérêt à un niveau négatif. Et les inégalités économiques se sont creusées à une vitesse record », ce que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont souligné.
Oubliez le dicton qui veut que « le travail acharné paie », lance Aftonbladet. « Andreas Cervenka montre que rien n’est plus rentable que de posséder des capitaux et des actifs financiers, d’endetter son entreprise, d’acheter des actions puis de les oublier pendant plusieurs années. » En outre, reprend SvD, « nous avons sauvé à plusieurs reprises les banques en crise. L’État et le capital sont dans le même bateau ». Et ce, à l’image de ces leaders sociaux-démocrates ou conservateurs qui « ont ouvert la voie » en contribuant à la déréglementation de pans entiers de l’économie suédoise avant de « devenir eux-mêmes multimillionnaires », assène DN.
Pour Dagens Industri, le quotidien économique qui naguère employait Cervenka, cet ouvrage est « ambitieux ». Mais il oublie un peu trop vite que les riches sont des entrepreneurs qui prennent des risques. « Bien sûr, notre capitalisme a beaucoup de défauts », admet-il. Mais « la plupart s’accordent à dire que l’économie suédoise s’est beaucoup mieux développée ces dernières décennies que depuis longtemps et que, contre toute attente, nous avons bien géré les crises récentes. En outre, le pouvoir d’achat s’est renforcé », du moins jusqu’à la crise née de l’invasion de l’Ukraine.
« D’une certaine manière, Cervenka prend la défense du capitalisme, estime Aftonbladet. En effet, bien que ce système semble complètement absurde dans son livre, il continue à rêver qu’il pourrait fonctionner. » Et le journal de regretter que « la menace climatique soit à peine mentionnée, car, même pour le “bon capitalisme” de Cervenka, la croissance reste l’objectif. Et comment pourrait-il en être autrement ? »
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Pour la critique littéraire du Zeit Iris Radisch, c’est « peut-être son meilleur roman ». Dans Der Spiegel, l’écrivaine Eva Menasse ne tarit pas non plus d’éloges à propos du dernier ouvrage de Yasmina Reza, Serge, paru en Allemagne au début de l’année et qui s’y est très vite hissé en tête des meilleures ventes. « Il faut cacher la profondeur. Où ça ? À la surface », disait Hugo von Hofmannsthal, cité par Menasse. Reza, à l’en croire, y excelle. D’un côté, son livre est « léger comme une plume » et semble parler « de tout et de rien ». De l’autre, il s’agit d’« un coup de tonnerre existentiel qui ne capte rien de moins que le sentiment de vie d’au moins deux générations européennes d’après-guerre ». Reza s’y révèle aussi une maîtresse de l’ambivalence, marque des plus grands romanciers, selon Menasse : « Le tour de force consiste à présenter des conflits banals de telle sorte qu’on suit leurs rebondissements avec fascination et que l’on ne peut choisir son camp, car subjectivement, tout le monde a raison, bien sûr. » Le roman aborde un sujet délicat, puisqu’en son centre on trouve une visite des principaux protagonistes à Auschwitz. « Ce serait pourtant une erreur de le cataloguer comme un roman sur Auschwitz, avertit Menasse. Il y est question d’autre chose, plus subtil. » Auschwitz y est plutôt une simple « toile de fond ».
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Edgar Degas était-il un vieux pervers ne peignant que des prostituées, des baigneuses dénudées et ces jeunes personnes aussi légères de corps que de mœurs, les danseuses ? Ou bien était-il un grand bourgeois limite aristo qu’un vif sentiment de culpabilité sociale incitait à focaliser son talent sur la classe des travailleurs ? Ces questions et bien d’autres semblent tarauder le monde anglo-saxon de l’art, à en juger par l’impressionnante quantité d’ouvrages en anglais consacrés au plus mystérieux des impressionnistes 1. Peut-être parce que Degas a passé quelques mois à La Nouvelle-Orléans. À moins que ce ne soit parce qu’il incarne les débuts de l’impressionnisme, auquel les Américains portent un vif intérêt, et les à-côtés de la (pas si) Belle Époque… Quoi qu’il en soit, la récente publication d’une édition bilingue de 1 240 lettres écrites par Degas dans les années 1850 et 1860 va permettre d’assouvir (partiellement) la curiosité des uns et des autres. Ce luxueux ouvrage bardé d’annotations, qui a coûté vingt ans de travail au spécialiste américain Theodore Reff, comporte pourtant de nombreux trous. Comme le fait remarquer Colin Bailey dans The New York Review of Books, la correspondance de Degas fait petit bras par rapport à celle d’autres impressionnistes, épistoliers frénétiques (on connaît plus de 2 000 lettres de Pissarro, 3 000 de Monet, 1 700 de Renoir). Mais l’on peut espérer que les missives encore enfouies dans des archives familiales resurgiront tôt ou tard pour venir s’agréger au site web que Theodore Reff entend leur consacrer.
En attendant, que révèlent ces 1 240 lettres-là ? D’abord, que Degas était tout sauf l’érotomane misogyne de la légende. Célibataire endurci, quoique avec quelques regrets tardifs, il a entretenu avec certaines femmes des amitiés durables, et avec Mary Cassatt une connivence professionnelle qui traverse les décennies. Hélas, la correspondance Cassatt-Degas, certainement très fournie, n’a pas été retrouvée ; en revanche, celle qu’il a échangée avec une autre grande amie, Hortense Howland, permet de constater que « cet homme intensément privé » (dixit Colin Bailey) se livrait plus volontiers à ses amies qu’à ses amis.
On ne trouve rien dans ce recueil sur les frasques supposées de Degas – juste une demande adressée à Giovanni Boldini pour qu’il se munisse, en prévision d’un voyage que les deux confrères allaient faire en Andalousie, de préservatifs de chez Milan, « maison que Degas semblait fort bien connaître », note Colin Bailey. Le lecteur à l’affût de grivoiseries devra s’en tenir à ce que Van Gogh écrivait à Émile Bernard en 1888 : « Pourquoi dites-vous que Degas a du mal à avoir des érections ? Il vit comme un notaire et dédaigne les femmes, sachant que s’il les aimait et les baisait beaucoup, il deviendrait malade du cerveau et serait incapable de peindre. » Qu’on se rassure pourtant : on connaît au fameux misogyne au moins une liaison de jeunesse – avec une danseuse !
Degas n’était pas non plus ce patricien surprivilégié qu’en a fait la légende, en raison des opulentes origines créoles de la famille « de Gas ». En réalité, Edgar s’était vite brouillé avec son grand bourgeois et banquier de père ; et, pour financer une vie de bohème à peu près confortable, il lui fallait absolument vendre ses « articles », d’où le vif souci de ses intérêts économiques qui traverse toute sa correspondance. Lorsque les revenus de sa peinture commenceront à devenir conséquents, il devra en utiliser une partie pour secourir ses proches ruinés par la faillite de la banque familiale.
Riche ou pas, Degas possédait une vive sensibilité sociale. Sa peinture « réaliste » fait la part belle aux petites mains et aux laissés-pour-compte du capitalisme naissant – prostituées, lavandières, vendeurs, artisans –, et lui-même se considérait comme l’un des leurs. Pourtant, son image d’élitiste lui collera à la peau jusqu’à la fin de sa vie, quand il ne sera plus qu’un vieillard solitaire, pauvre et dépenaillé. Et cette impression sera renforcée par la complexité de son art, jugé inaccessible au tout-venant.
Degas n’était pas non plus un théoricien de la peinture, et ses lettres le révèlent aussi « intensément privé » sur ces questions-là que sur sa vie personnelle. Même s’il était l’un des fondateurs de l’impressionnisme, il ne s’appliquait jamais le qualificatif à lui-même, préférant se décrire comme « réaliste », « naturaliste », ou encore « indépendant ». Ses principes artistiques, tels qu’il les exprima dans une lettre à son ami Henri Rouart, demeuraient assez vagues : « Je rêve de créer quelque chose de bien fait, un tout bien ordonné (dans le style de Poussin) ou comme Corot dans sa vieillesse » ; « Si je ne refais pas dix fois les personnages au premier plan, que Dieu me damne. » Colin Bailey le décrit comme « un perfectionniste compulsif » qui prônait « la répétition du même sujet dix fois, cent fois. En art, rien ne doit paraître accidentel, même pas le mouvement ». Comme Balzac reprenant ses textes jusque chez l’imprimeur, Degas voulait continuellement retoucher les toiles déjà exposées ou vendues : on raconte qu’Henri Rouart avait fait visser un tableau au mur afin qu’Edgar, qui dînait souvent chez lui, ne puisse le reprendre subrepticement pour le retravailler.
Peu prolixe sur son art ou sa vie, Degas l’était beaucoup plus sur ses opinions – un antisémitisme débridé (doublé d’un étrange antiprotestantisme) et un anti-étatisme viscéral. Le premier le conduira au moment de l’affaire Dreyfus à rompre des amitiés anciennes, notamment avec la famille Halévy, chez qui il dînait chaque semaine depuis quinze ans. Même l’un de ses vendeurs, Bernheim, se verra enseveli sous les invectives (« Comment peut-on bavarder avec des gens comme ça ? Voyons, avec un juif belge naturalisé français ! »). Il faut dire que Degas avait été financièrement éprouvé par le krach, en 1882, de l’Union générale, supposément provoqué par les spéculations des banques juives… Tout aussi fantasmagorique était sa haine de l’État, notamment lorsque celui-ci se mêle d’éducation, d’art (les Salons officiels !) ou des deux à la fois. Degas s’étranglera en découvrant que le commandement militaire entendait faire visiter le Louvre à de jeunes recrues parisiennes conduites par un officier – une initiative « honteuse », bien entendu imputable aux juifs et aux protestants… Comment, donc, s’étonner qu’ait épaissi au fil des ans sa réputation de vieux ronchon misanthrope, misogyne et un peu cinglé !
Pourtant, ronchon, Degas avait quelques raisons de l’être. En vieillissant, il deviendrait photophobique, au point de ne plus pouvoir peindre en extérieur, puis perdrait la vue d’un œil et finirait avec un embryon de vision périphérique d’un seul œil… Dans ses dernières années, ses problèmes oculaires le rendraient amer, dépressif et suicidaire. Claude Monet et Mary Cassatt connaissent eux aussi l’épreuve de la cécité progressive, la plus grande tragédie pour un peintre. Comment y faire face ? En multipliant les opérations inutiles et pénibles, comme Cassatt ? En s’y refusant, comme Monet, qui ne cédera que sous les objurgations de Clemenceau ? (Mais il refusera de porter des lunettes, car cela le ferait peindre, plaidait-il, « comme Bouguereau ».) Degas préférera finasser : lunettes noires, confinement en atelier… La cécité provoque chez « les trois peintres impressionnistes une réaction artistique différente, résume le site thearticle.com : Cassatt abandonnera la peinture, Monet dissoudra la sienne dans l’abstraction et Degas altérera sa technique ».
Degas avait heureusement plus d’une corde à son arc : la sculpture, qui lui permettait d’utiliser ses mains pour détailler ses modèles ; la photographie, pour laquelle il s’était enflammé, comme pour la gravure. Et enfin, encouragé par ses amis Stéphane Mallarmé et Paul Valéry, la poésie. Ces diversifications procuraient un exutoire à sa créativité et à ses émotions, et lui offraient la possibilité de continuer à rendre compte d’un monde que, visuellement, il ne percevait presque plus. Mais sa correspondance, elle, se tarira au fil des décennies : il lui était de plus en plus difficile d’écrire, et il avait de moins en moins de gens à qui écrire. Ces 1 240 lettres permettent tout de même, résume Tobias Grey dans The Wall Street Journal, « de découvrir Degas sous un nouvel angle. Un épistolier aussi passionné ne pouvait pas être le misanthrope grognon dont on a gardé l’image ». On doit respirer mieux dans les musées d’outre-Atlantique.
— J.-L. M.
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Hormis peut-être Cléopâtre, aucune femme n’a autant ni aussi durablement fasciné poètes, romanciers et cinéastes. Aliénor d’Aquitaine serait née « vers 1122 » et, à l’occasion de cet anniversaire approximatif, la critique Elisabeth von Thadden a déployé dans Die Zeit un panégyrique en règle. Celle qui fut deux fois reine (en épousant d’abord le roi de France Louis VII, puis, quelques semaines après son divorce, le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt) et donna naissance à deux rois (Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre) – voire trois si l’on compte Henri le Jeune, couronné mais mort avant son père – a aujourd’hui la réputation d’une grande protectrice des arts. Pour Thadden, qui s’appuie notamment sur la biographie de référence signée Ralph Turner, celle-ci tiendrait en partie du mythe : « C’est son grand-père, Guillaume IX, surnommé le Troubadour, qui est devenu célèbre grâce à son œuvre littéraire ; c’est aussi son mari, plutôt qu’elle-même, qui a fait prospérer les arts à la cour d’Angleterre ; c’est enfin sa fille, Marie de Champagne, qui, en tant que mécène, a inspiré le sujet de Lancelot au premier romancier français Chrétien de Troyes (entre 1176 et 1181). » Reste un point sur lequel le mythe tient bel et bien la route : « son don pour le pouvoir », qui ferait d’elle, selon Thadden, la digne « héritière des grandes reines carolingiennes ».
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Connaissez-vous Marie Aymard ? Il y a peu de chances. Elle vivait à Angoulême au XVIIIe siècle et ne quitta jamais cette ville. Elle eut huit enfants. Si elle a attiré l’attention de l’historienne de Cambridge Emma Rothschild, c’est parce qu’en 1764 elle se rendit chez un notaire afin que l’on enquête sur le sort de son mari, parti aux Caraïbes onze ans plus tôt et qui y aurait fait fortune avant d’y mourir. « Marie Aymard, nous apprend Lynn Hunt dans The New York Review of Books, ne reçut jamais d’héritage, mais elle laissa derrière elle une longue lignée de descendants dont les destins variés constituent cette “histoire infinie” » (titre de l’ouvrage d’Emma Rothschild). Ce qui fascine Hunt, c’est la manière dont une famille on ne peut plus ordinaire et provinciale peut se retrouver propulsée dans le vaste monde. « L’époux de Marie ne fut pas le seul à aller tenter sa chance au loin ; son plus jeune fils quitta Angoulême avec sa femme en 1777 et ouvrit un magasin à Haïti. En 1795, après des années de révoltes d’esclaves, il revint en métropole, ruiné. À l’autre bout de la ligne narrative, l’arrière-arrière-petit-fils de Marie, Charles Martial Allemand-Lavigerie, fut nommé archevêque d’Alger en 1867, puis cardinal en 1882 et archevêque de Carthage en 1884. »
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Si, pour Victor Hugo, le grand modèle fut Chateaubriand (« Je veux être Chateaubriand ou rien »), pour Émile Zola, ce fut assurément Balzac. Comme lui, il se lança dans l’écriture d’un grand cycle de romans connectés entre eux, avec pour ambition de rendre compte de tous les aspects d’une époque (Balzac s’était intéressé à la Restauration, lui voulut reconstituer le Second Empire). Il prit tout de même soin de distinguer son approche de celle de son illustre devancier dans un document intitulé « Différences entre Balzac et moi » : Balzac avait été un romancier « social », lui se voulait « scientifique ». Contrairement à l’auteur de la Comédie humaine, il suivrait les membres d’une vaste famille, les Rougon-Macquart, sur plusieurs générations, et démontrerait ainsi le rôle implacable de l’hérédité dans le destin individuel.
La principale différence, il ne la mentionne pas : Balzac n’avait échafaudé l’organisation globale de ses romans qu’a posteriori, n’ayant l’idée géniale de les lier qu’une fois un bon nombre d’entre eux déjà écrits. Venant après lui, Zola peut se permettre le luxe d’une conception a priori, bien plus méthodique et rigoureuse.
Le premier paradoxe est qu’en voulant dépasser le maître il se fait bien plus lourd et didactique que lui. Le second est que, s’il s’est imposé comme le plus important romancier français du dernier quart du XIXe siècle, il ne le doit pas à ses méthodes scrupuleuses et à ses certitudes scientifiques ; « il y est plutôt parvenu en dépit d’elles », juge Aaron Matz dans The New York Review of Books.
Plusieurs romans de Zola ont récemment été retraduits en anglais, et c’est l’occasion pour Matz de s’interroger sur le talent spécifique de Zola – et ses limites. Le critique s’appuie pour l’essentiel sur Son Excellence Eugène Rougon, « le roman le plus ouvertement politique que Zola ait écrit », La Faute de l’abbé Mouret, où l’auteur « nous inflige des descriptions d’arbres et de fleurs si longues qu’elles entravent le récit », et Nana, « qui traite de sexe comme Son Excellence Eugène Rougon traite de politique ». Zola, constate Matz, a beau prétendre à la scientificité, il fait rarement preuve de la distance qu’elle suppose : « Sa tendance moralisatrice se heurte à toute prétention d’observation détachée et naturaliste. » Rien chez lui de l’ascétisme d’un Flaubert, ni même de sa détestation de son époque. Il critique, il dénonce, il « accuse ». Mais, justement, son époque le stimule autant, sinon plus, qu’elle ne le révulse : « Il est clair qu’il appréciait d’avoir un adversaire aussi utile. »
Quand, dans Nana, il évoque son héroïne, prostituée « mangeuse d’hommes », on sent bien son « intérêt fervent, voire lubrique […] pour sa chair », mais aussi sa difficulté à évoquer la sexualité féminine. De fait, dans ses romans, l’appétit (de sexe, d’argent, de pouvoir) est plutôt l’apanage des hommes et, dans Nana « comme dans des volumes ultérieurs tels que La Terre et La Bête humaine, il semble souvent gêné, incapable d’entrer dans la tête des femmes qui ont envie de sexe », préférant se focaliser sur leur aspect extérieur. Dans le cas de Nana, ses seins, ses cuisses et les fameux poils dorés de ses aisselles.
[post_title] => J’accuse (et j’aime ça)
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