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C’est l’un des paradoxes des auteurs de science-fiction : ils excellent souvent aussi bien dans la forme courte que dans les grandes sagas. Liu Cixin ne fait pas exception. Sa trilogie entamée avec Le Problème aux trois corps (Actes Sud, 2018) a fait de lui l’auteur chinois de science-fiction le plus connu au monde. Mais c’est aussi un nouvelliste accompli, comme le prouve le recueil L’Équateur d’Einstein, qui vient de paraître en français. Le point commun de tous ces textes qui vont de la nouvelle au bref roman (comme celui qui donne son titre au recueil) ? Peut-être d’interroger la place précaire et angoissante de l’homme dans l’Univers. « Liu Cixin est un homme à idées, à Grandes Idées, remarque Alexis Ong sur le site Tor.com. Beaucoup de ses écrits embrassent des durées de milliers, voire de millions d’années. » Prenez « Terre errante », longue nouvelle qui a donné lieu récemment au premier blockbuster de science-fiction du cinéma chinois (visible sur Netflix) : parce que le Soleil menace de devenir une géante rouge, l’humanité doit quitter le Système solaire. En l’occurrence, la « Grande Idée », aussi géniale que stimulante, de Liu est qu’elle n’abandonne pas la Terre pour autant : elle l’emporte avec elle, grâce à des propulseurs géants. Direction l’étoile la plus proche, Proxima du Centaure. 

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Sa trajectoire avait tout de la success story à l’américaine : des parents immigrés du Mexique, ouvriers agricoles, et lui qui réussit à aller à l’université. Mais voilà, Noé Álvarez ne s’y sent pas à sa place : comment, par exemple, utiliser avec aisance une fourchette et un couteau quand on a toute sa vie mangé avec les doigts ? Il préfère tout abandonner pour courir les 10 000 kilomètres d’un ultratrail qui, tous les quatre ans, traverse l’Amérique du Nord – de l’Alaska à la frontière guatémaltèque – et vise à rendre leur dignité aux communautés indigènes. Son ouvrage se situe « à mi-chemin entre le récit de voyage et l’autobiographie traditionnelle », note Danielle Jackson dans The New York Times. La course est un défi physique et mental : on passe des forêts humides du nord-ouest du Pacifique aux rues de Los Angeles, puis aux déserts du nord du Mexique. Les indications sont réduites au minimum (« En cas de doute, tournez à gauche »), tout comme la nourriture. « La majorité des coureurs sont des toxicomanes en voie de guérison ou en quête de rédemption et, comme beaucoup d’entre eux, Álvarez croit au pouvoir transformateur du sacrifice extrême », rapporte Danielle Jackson. Un premier livre aussi « lyrique » qu’« inégal », conclut-elle.

[post_title] => Courir pour se souvenir [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => courir-pour-se-souvenir [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:40:42 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:40:42 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116745 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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En 1962, le représentant du Mossad au Caire, un matamore pas spécialement efficace, tombe fou amoureux d’une jeune juive allemande, Waltraud, et contre toutes les règles du service, l’épouse (alors qu’il est déjà marié en Israël). À la surprise générale, son chef les maintient en place tous les deux, car il réalise que c’est Waltraud qui fait tourner la boutique (et qu’un couple trompe bien mieux son monde). Les conjoints cumuleront les succès, parvenant à dévoiler un programme égyptien de fabrication de missiles et surtout à décourager des ingénieurs allemands d’y collaborer.
Le Mossad incarne les valeurs des Sabras, les Israéliens d’avant 1948 : patriotisme, ardeur, audace, efficacité – et machisme. Quoique : après Waltraud (et quelques héroïnes qui l’avaient précédée dans la lutte secrète des juifs contre les Turcs, les Anglais, les Arabes), l’agence israélienne de renseignement cessera de cantonner le staff féminin aux tâches subalternes pour l’employer sur le terrain. En 1960, Yehudit Friedman, une lohemet (guerrière), participera pour la première fois à une opération extérieure du Mossad, et pas n’importe laquelle. C’est cette Néerlandaise juive qui assurera en effet la couverture (et le couvert) d’Eichmann et de ses kidnappeurs, bloqués à Buenos Aires avant l’exfiltration finale (elle jouera le rôle de maîtresse de la maison-cachette, mais refusera énergiquement de faire la vaisselle du nazi, « ce représentant de Satan sur Terre » !).
Peu à peu, comme le montrent les documents déclassifiés auxquels Michel Bar-Zohar, un parlementaire devenu écrivain, a pu accéder, les « Ramsad » (directeurs du Mossad) successifs chercheront tous à recruter des femmes jeunes, juives, d’origine étrangère (pour la couverture qu’elles apportent et la connaissance des langues) mais passionnément sionistes, intrépides, sportives (on trouve une coureuse automobile dans le lot), supérieurement intelligentes et de préférence jolies. Attention, pas pour qu’elles usent de « leurs charmes » – juste de « leur charme ». Car le Mossad, plutôt pudibond, n’attend en principe pas de ses agentes qu’elles aillent au-delà du baiser ; en cas d’absolue nécessité, on recourt à des professionnelles en CDD. Mais, à part coucher, une guerrière doit savoir et pouvoir tout faire : espionner, cartographier, communiquer par des moyens de plus en plus sophistiqués, tirer au pistolet, manier des explosifs, faire des filatures, vivre sous légende durant des mois, voire des années, dans des pays hostiles et cruels. Et tuer. Car le Mossad, tandis qu’il s’ouvre aux femmes, passe du renseignement à la lutte contre le terrorisme, bien plus violente. Si bien que, lorsqu’il s’agira d’éliminer un par un tous les auteurs palestiniens de la prise d’otages de Munich en 1972, c’est Sylvia Rafael qui inaugurera la série, jouant un rôle majeur dans l’assassinat d’Abdel Wael Zwaiter à Rome ou du docteur Hamchari à Paris. C’est une de ses consœurs qui permettra d’abattre les trois cerveaux du terrorisme palestinien à Beyrouth en 1973 (Golda Meir, époustouflée, l’embrassera). Plus tard, à Téhéran, c’est une motarde qui collera, en roulant, une bombe magnétique sur la voiture d’un des responsables du programme nucléaire iranien, le docteur Shahriari.
Au fil du temps, le Mossad s’est spectaculairement féminisé, à l’indignation des rabbins les plus orthodoxes, qui oublient le rôle joué dans la Bible par la prostituée Rahab auprès des espions de Josué. « Les femmes égalent les hommes dans presque tous les domaines et les surpassent dans quelques-uns », déclare un Ramsad (comprendre : elles ont tout autant de testostérone, mais un meilleur sens du détail). Aujourd’hui, 40 % des guerriers sont des guerrières, et 26 % des dirigeants sont des dirigeantes, souvent avec un rang de générale. Dans les années 1990, le Mossad avait même pour numéro deux une super-espionne, Aliza Magen. Si la sélection demeure toujours aussi impitoyable, avec des tests live et des simulacres d’enlèvement pour mesurer le sang-froid des candidates, les conditions de travail ont été aménagées. Les agentes peuvent se marier et même avoir des enfants, mais le conjoint doit approuver les activités de son épouse et tolérer ses absences impromptues et incessantes (jusqu’à 150 missions à l’étranger en vingt ans de carrière). D’ailleurs, pour stimuler les candidatures féminines, le Mossad a fait récemment passer cette pub en Israël : « Recherche femmes puissantes – peu importe votre passé, ce qui compte c’est qui vous êtes devenue. » 

— J.-L. M.

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Une bourgade de 8 000 âmes, balayée par des vents à 100 km/h toute l’année et mise sous cloche l’hiver, lorsque les températures dégringolent jusqu’à – 15 °C. Bienvenue à Las Heras, dans la province de Santa Cruz, à l’extrême sud de l’Argentine. Ici, il n’y a ni cinéma, ni kiosque à journaux, ni Internet, mais des bistrots sordides, des cabarets, des bordels. Et des églises – évangéliques, Témoins de Jéhovah – qui se disputent les âmes égarées. C’est dans ce décor inhospitalier que la journaliste argentine Leila Guerriero s’est rendue en 2002 pour enquêter sur une mystérieuse épidémie. Une épidémie de suicides. Entre mars 1997 et décembre 1999, les jeunes du village se sont tués à un rythme effrayant, presque un tous les mois. Ils avaient 17 ou 18 ans, rarement plus de 25, et on les retrouvait pendus à une cage de foot, à la poutre d’une grange, à un lit-mezzanine. À chaque fois, leur geste avait suscité la stupeur générale : « On ne comprend pas », murmurait-on d’une seule voix. C’est précisément pour tenter de comprendre que Leila Guerriero a écrit Les Suicidés du bout du monde. Et, aussi, pour attirer l’attention sur une région méprisée par les habitants des grandes villes : « Même après cette macabre vague de suicides, le village n’a pas fait la une des journaux : Buenos Aires ne se soucie guère de son existence », regrette Verónica Abdala dans le quotidien argentin Clarín.
Fondée en 1911 près d’un important gisement de pétrole, Las Heras a connu une expansion fulgurante dans les années 1970, lorsque la compagnie pétrolière publique YPF embauchait à tour de bras. L’année 1992 marque la fin de cet âge d’or : YPF est rachetée par l’entreprise espagnole Repsol, entraînant une réduction drastique de ses effectifs. Des milliers de gens quittent alors la ville, où le taux de chômage atteint bientôt 25 %. Le village s’enfonce peu à peu dans sa nuit : perspectives d’avenir quasi nulles pour les jeunes, isolement croissant, augmentation des violences conjugales, des grossesses précoces, de l’alcoolisme. Si ces facteurs ont joué un rôle dans la vague de suicides, l’auteure se refuse à donner des explications définitives. « Les mots de Guerriero sont comme un vent violent, ils pénètrent les existences sans détour, sans grandi­loquence […]. On en reste stupéfait », commente Daniel Mecca dans Clarín.
L’enquête de Guerriero date de 2002. Qu’en est-il aujourd’hui ? Dans une interview pour le quotidien péruvien El Comercio en juillet dernier, l’auteure raconte : « Quelques années après la parution du livre, des salles de jeu clandestines ont fait leur apparition à Las Heras. Puis un casino. On peut dire qu’ils ont désormais le combo fatal : prostitution, casino et alcool ». 

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Portée par les vents qui soufflent de l’ouest, la cancel culture a fini par atteindre nos côtes françaises, quoique tardivement et pour le moment avec une vio­lence atténuée. La bien-pensance, monarque plus ou moins éclairé, a certes déjà émis quelques lettres de cachet en France. Mais celles-ci n’atteignent pas – encore – leurs victimes dans leur liberté ; elles ne les privent que de l’accès à leurs tribunes habituelles : réseaux sociaux, pupitres universitaires, plateaux de télévision, journaux, etc.
Les auteurs classiques (tous des hommes en effet, sauf rares excep­tions) qui figurent dans notre canon littéraire n’échappent pas à ces condamnations. Mais ils n’en souffrent pas trop car ils sont presque toujours déjà morts. Les critères de désélection prolifèrent – misogynie, colonialisme, transphobie, racisme, et on en passe –, tandis que les seuils d’alerte ne cessent de baisser. Comme les lecteurs de la « génération snow­flake » ont les nerfs idéologiques à fleur de peau, le moindre passage malencontreux parmi des milliers de pages suffit à (dis)qualifier une œuvre. L’humour et le second degré ne sont plus d’aucun secours et pourraient même devenir des suspects de plein droit. Enfin, les diktats n’émanent pas d’une quelconque autorité culturelle plus ou moins légitime ; ils circulent latéralement sur les réseaux sociaux, à toute vitesse, hors de tout contrôle. Quel auteur, confronté à un tableur listant les critères d’opprobre, ne cocherait pas au moins une case ? En tout cas pas Giraudoux, Anouilh ou les Goncourt : des antisémites notoires. Ni Daudet, Jules Verne ou même le mulâtre Dumas : des racistes. Ni Flaubert, Balzac, Huysmans : de fieffés misogynes… Quant à Voltaire, il est à la fois raciste, sexiste, antisémite, islamophobe et homophobe invétéré. Ce virtuose du politiquement incorrect offense dans ses écrits pratiquement toutes les catégories désormais considérées comme discriminées, et souvent à plusieurs titres à la fois, « intersectionnalité » oblige… Même notre Montaigne, l’humaniste de référence, s’est retrouvé dans le collimateur : n’a-t-il pas écrit, notait impitoyablement Derrida, que les femmes lui semblaient impropres à l’amitié ?
Derrida, justement : s’inquiéter comme Éric Zemmour (voire Emmanuel Macron) des dangers que le « wokisme » venu d’outre-­Atlantique représente pour la culture nationale, c’est occulter la responsabilité d’une partie de l’intelligentsia française dans le décollage du mouvement. Car qui a théorisé l’art et la manière de déconstruire la culture européenne et son inadéquat canon littéraire pour les remplacer par des « contre-corpus » plus PC ? Ce sont Derrida, Barthes, Foucault, Deleuze, Lyotard et autres porte-flambeaux de la French Theory, laquelle a contribué, à la fin des années 1970, à l’essor des « post- » (postmodernisme, postcolonialisme, etc.) et à l’embrasement proto-woke des campus américains. 

[post_title] => Ne canonnez pas le canon [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => ne-canonnez-pas-le-canon [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:40:24 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:40:24 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116770 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Professeur à l’École des hautes études en sciences sociales, Emanuele Coccia se focalise dans son essai sur la maison, lieu peu exploré par la philosophie, qui s’est traditionnellement concentrée sur la cité, considérée comme l’espace public par excellence. Partant de son expérience – trente déménagements –, il consacre chaque chapitre à une pièce ou à un meuble. Il en résulte un « petit livre éclairant, qui allume la lumière dans toutes les pièces et fait comprendre ce qu’elles sont et ce qu’elles représentent », s’enthousiasme La Repubblica.
L’auteur s’intéresse à la façon dont on « fait maison » : comment, en s’entourant de personnes et d’objets spécifiques, on transforme un lieu impersonnel en un endroit à notre image. Cependant, avec l’omni­présence d’Internet dans nos vies, des relations et des événements autrefois seulement possibles dans l’espace public sont entrés dans les foyers. Ils « élargissent notre expérience domestique », note Coccia dans Il Manifesto, et mettent fin à la forme que prend traditionnellement la maison. Si bien que, annonce-t-il en allant beaucoup plus loin, c’est à présent une « maison-monde » que nous devons penser, où « nos colocataires […] sont aussi des pingouins, des phoques, des lions, des bactéries et des virus ». 

[post_title] => Abattre les cloisons [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => abattre-les-cloisons [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:40:18 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:40:18 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116785 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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La tête d’Oskar Ed ressemble à un œuf, ou à un ballon de baudruche. Blanche, lisse, elle est dénuée d’oreilles, de joues, de nez, de sourcils et de cheveux. De ce masque ne ressortent qu’une bouche et des yeux qui laissent passer un torrent d’émotions dévastatrices. Oskar Ed est le héros du jeune auteur de bande dessinée slovaque Branko Jelinek. Entre 2003 et 2006, celui-ci avait publié trois tomes des aventures de l’Oskar adulte : une œuvre de jeunesse. Puis, en 2015, sortit Mon plus grand rêve, l’histoire d’Oskar Ed enfant : un accom­plissement couronnant huit ans de travail, une « œuvre monumentale » mar­quée par une « maî­trise absolue », selon les cri­tiques slovaques et tchèques (Jelinek vit à présent en République tchèque), persuadés de tenir leur Chris Ware ou leur Charles Burns (bi)na­tional. Les comparaisons avec Franz Kafka, ou encore avec les réalisateurs David Lynch, David Cronenberg et Jan Švankmajer, vont aussi bon train. « Ce livre surpasse toutes les œuvres contem­poraines tchèques et slovaques en termes de richesse et de conception graphique, estime ainsi le quotidien slovaque Denník N. La profondeur dramatique et le dessin en noir et blanc happent immédiatement le lecteur dans le monde surréaliste où Oskar se débat avec ses tourments intérieurs. Cela redonne au lecteur adulte la capacité de comprendre la souffrance et l’impuissance auxquelles un enfant peut être exposé. »
Deux mondes s’entremêlent donc dans Mon plus grand rêve. Le monde réel d’abord, celui d’un enfant d’une douzaine d’années, malheureux, incompris, rejeté car pas comme les autres, et qui, faute d’avoir réussi à se faire accepter, décide que la solitude peut finalement faire l’affaire. Embarqué malgré lui dans un road-trip à l’arrière de la voiture familiale, tout ça pour rejoindre une destination inconnue alors qu’il préférerait se recroqueviller dans sa chambre, il devient l’otage des interminables disputes de ses parents, de la méchanceté de son père, manipulateur et absent sauf quand il s’agit de l’accabler, et de la tristesse de sa mère, trompée, humiliée, sur qui est retombée la charge du « fardeau » prénommé Oskar. Persuadé de n’être bon à rien, si ce n’est à décevoir ses parents, le jeune garçon se laisse assaillir par de drôles de pensées (« Vous croyez que si on est découpé en petits morceaux, on a mal à chacun des morceaux ? »). Jusqu’à perdre contact avec la réalité pour sombrer dans ce fameux monde sur­ré­a­­liste mouvant et suintant, peuplé de créatures abominables, d’horreurs organiques, de matières visqueuses, tentaculaires, parfois grotesques mais tou­jours menaçantes, qui finissent souvent par l’absorber, l’engloutir, le faire disparaître. À son plus grand sou­la­gement ?
« Au fil des kilo­mètres, les épisodes fan­tasmagoriques et le riche réseau de métaphores finissent par dessiner une histoire cohérente et intime », écrit A2. Jusqu’au final bouleversant, fruit d’un « travail architectu­ral hors pair », mais aussi, comme le note le magazine Respekt, d’une grande « finesse psychologique ». 

[post_title] => Dans la tête d’Oskar [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => dans-la-tete-doskar [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-02-24 08:40:13 [post_modified_gmt] => 2022-02-24 08:40:13 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=116789 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Il y a un mystère suisse. Tous ceux qui aiment comparer les pays le savent bien, à chaque fois ou presque qu’on croit avoir dégagé une loi universelle permettant d’expliquer la réussite des uns et l’échec des autres, on bute sur une exception, et cette exception, en général, c’est la Suisse. Voilà un pays dont au moins un quart du territoire est improductif en raison de son relief montagneux, qui ne dispose ni d’accès direct à la mer, ni de richesses naturelles et que n’unit aucune homogénéité linguistique. Selon tous les critères valables ailleurs, un tel pays devrait au mieux être pauvre et arriéré, au pire ne même pas exister. Or la Suisse existe, et elle est si prospère que son aisance matérielle est presque devenue identitaire. Elle a longtemps affiché le revenu moyen par habitant le plus élevé de la planète et, contrairement à une idée reçue ou, plutôt dépassée, elle ne doit pas l’essentiel de cette insolente prospérité à ses banques peu regardantes quant à l’origine de l’argent qui leur est confié ou à sa politique fiscale accommodante pour les riches résidents étrangers. Il est peu de pays qui, à taille équivalente, comptent autant de grandes multinationales leaders dans leur secteur : Nestlé domine l’agroalimentaire, Swatch est la plus importante société d’horlogerie du monde ; en 2013, sur les cinq plus grosses entreprises de l’industrie pharmaceutique, deux étaient suisses – dont la première du classement, Novartis, qui coiffait au poteau le géant américain Pfizer.
Il est facile de s’arrêter à l’image lisse et tranquille que la Suisse aime donner d’elle-même, d’étouffer un bâillement dès qu’on l’évoque. Jonathan Steinberg l’a constaté à ses dépens. Dans le cadre d’une série de cours sur l’histoire de l’Europe au XIXe siècle, cet universitaire américain (récemment décédé) avait un jour annoncé qu’il consacrerait la séance suivante à la guerre civile suisse. Lorsqu’arriva la séance en question, la moitié de son auditoire habituel avait disparu : « Même une guerre civile, pour peu qu’elle soit suisse, devient ennuyeuse », note-t-il, désabusé, au début de Pourquoi la Suisse ?, ouvrage qui vise précisément à montrer à quel point ces élèves absents avaient tort de bouder son cours.
Paru en 1976, actualisé à plusieurs reprises jusqu’en 2015, Pourquoi la Suisse ? vient seulement d’être traduit en français grâce aux bons soins de l’éditeur genevois Markus Haller. Le titre n’a rien de trompeur. Il s’agit bien d’expliquer un « pays improbable ». Fort logiquement, Steinberg commence par en retracer l’histoire qui, seule, selon lui, peut rendre compte d’une existence qu’aucun déterminisme géographique ne laissait présager. Il est vrai que « la Suisse est dépourvue de frontières naturelles », puisque « les montagnes et les vallées des Alpes se prolongent à l’est et à l’ouest jusqu’en Autriche et jusqu’en France, et au sud jusqu’en Italie », que certaines régions comme le Vorarlberg autrichien ou la ville (allemande) de Constance pourraient être suisses, mais ne le sont pas, qu’il existe d’étranges enclaves allemandes en Suisse et suisses en Allemagne. Faire tout reposer sur de simples contingences historiques est néanmoins un peu excessif : difficile de croire que les Alpes n’aient joué aucun rôle dans l’émergence de la Suisse. Steinberg rappelle lui-même que la Rhétie (qui correspond à l’actuel canton des Grisons) comporte 150 vallées distinctes et que l’immense majorité de ses communes sont situées au-dessus de 700 mètres d’altitude : « Dans les conditions militaires du Moyen Âge », écrit-il, cela en faisait une zone « tout simplement impossible à contrôler ». La Suisse n’est pas faite que de montagnes, ses principales villes sont, bien entendu, bâties sur des plaines. Mais la possibilité qu’ont toujours eue ses habitants d’aller se réfugier dans des zones inaccessibles a grandement contribué à garantir leur indépendance.
Ce fut, du reste, encore le cas lors de la Seconde Guerre mondiale. Après l’effondrement de la France, les frontières suisses deviennent indéfendables en cas d’agression allemande. L’armée prend alors position dans un « réduit national » inexpugnable, au cœur des Alpes. L’objectif est de montrer à Hitler, qui a des vues sur la Suisse, qu’elle combattra jusqu’au bout. « Elle est prête à voir Zurich, Bâle, Berne, Lausanne, Genève, Bienne et toutes les basses terres tomber aux mains des Allemands, mais elle ne capitulera jamais », raconte Steinberg. On ne saura jamais si c’est cette stratégie qui dissuada le régime nazi d’attaquer la Suisse ou si c’est la politique conciliante du pays – il contribua à l’effort de guerre allemand, reçut d’importants dépôts d’or et accepta de refouler les juifs traqués qui cherchaient asile chez lui.
La protection des montagnes permit, de toute évidence, à un certain nombre de communautés d’échapper à l’emprise des grands États territoriaux qui se constituèrent en Europe à partir du XIVe siècle. Et Jonathan Steinberg montre bien que la singularité suisse tient, au bout du compte, au fait qu’elle a conservé des formes d’organisation et de gouvernement qui ont disparu ailleurs, à son anachronisme donc : elle est comme « un morceau du Saint Empire romain germanique qui [aurait] survécu à l’essor […] de l’État centralisé moderne ». D’où un système administratif et politique incompréhensible pour le commun des mortels : des bizarreries territoriales, des chevauchements de juridictions, un mode de scrutin d’une complexité telle qu’il n’est pas rare que les publications officielles elles-mêmes comportent des erreurs. Tout électeur est, par exemple, autorisé à modifier les listes présentées par les partis en votant deux fois pour le même candidat ou en biffant un nom sur telle ou telle liste pour le remplacer par un nom pris sur une autre !
Les principes qui sous-tendent cette complexité sont une décentralisation et une démocratie plus poussées que dans n’importe quel autre pays au monde. Chaque commune jouit du maximum de souveraineté au sein du canton, qui lui-même jouit du maximum de souveraineté au sein de la Confédération. Contrairement aux régions à la française, cette décentralisation se traduit par de réels moyens d’action budgétaires : en 2009, l’ensemble des communes avait un revenu de plus de 42 milliards de francs suisses, l’ensemble des cantons un revenu de près de 76 milliards et la Confédération un revenu de 68 milliards. D’une certaine façon, aucune nation ne respecte davantage la souveraineté populaire que la Suisse, où la Constitution elle-même est provisoire, pouvant sans cesse être amendée au gré des référendums. Quand en 2014 le « Souverain », comme on désigne le peuple en Suisse, a approuvé de justesse une initiative populaire visant à limiter l’immigration, et ce à l’encontre des traités signés avec l’Union européenne en 1999, qui obligent à maintenir les frontières ouvertes, que s’est-il passé ? Le gouvernement suisse s’est-il assis sur ces résultats comme l’a fait le gouvernement français après le référendum sur la Constitution européenne de 2005 ? Bien au contraire. L’initiative du 9 février 2014 est devenue l’article 121a de la Constitution fédérale, qui impose à la Confédération de mettre en place des mesures limitant le droit des citoyens européens à entrer en Suisse. Et, malgré la pression de l’UE, le Conseil fédéral a mis en œuvre la loi de la nation. « Le peuple est réellement souverain, au-dessus du gouvernement, au-dessus du Parlement et, dans ce cas précis, au-dessus d’un traité international signé de bonne foi avec l’Union européenne », conclut Jonathan Steinberg.
L’un des derniers chapitres du livre s’intitule « Pourquoi la Suisse italienne ? ». On peut s’étonner que Steinberg consacre autant de pages à une minorité qui ne représente que 8 % de la population. En réalité, répondre à la question de ce chapitre revient à répondre à la question du livre. Ce que Steinberg suggère, c’est que, sans Suisse italienne, il n’y aurait sans doute pas de Suisse du tout. Les italophones désamorcent le face-à-face entre germanophones (les deux tiers de la population suisse) et francophones (un peu plus de 20 %). Sans eux, la Suisse ne serait sans doute pas restée multilingue : « Un pays composé d’un cinquième seulement de francophones pour quatre cinquièmes de germanophones aurait moins bien résisté à la force centrifuge d’un nationalisme linguistique et culturel. » 

— B. T.

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« “Si l’on admet qu’un pessimiste est un optimiste bien informé, le pessimum devrait être le sommet des abysses”, déclarai-je après mûre réflexion. Mais, le lendemain, en comptant les bouteilles et en relevant ma chaise, Emily se souvint que ma voix était un peu pâteuse. » D. P.

Pessimum, antonyme d’optimum, n’existe pas en français ; le mot est pourtant couramment utilisé en anglais et en allemand. Curieux quand on sait que, d’après les enquêtes, les Français sont le peuple le plus pessimiste d’Europe.

Aidez-nous à trouver le prochain mot manquant :

Existe-t-il dans une langue un mot pour désigner un voyage extravagant ? 

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Stefano Mancuso, botaniste et chercheur à l’université de Florence, où il enseigne la neurobiologie végétale, passionne les lecteurs de tous horizons pour sa discipline. Après L’Intelligence des plantes et La Révolution des plantes (Albin Michel, 2018 et 2019), le voici de retour en librairie avec Nous les plantes. Son essai se présente comme la Constitution de la nation des plantes, déclinée dans huit articles défendant « le respect universel des êtres vivants actuels et de ceux des générations à venir », explique La Repubblica. Les plantes – qui représentent 85 % de la biomasse terrestre, alors que les animaux, hommes compris, ne comptent que pour 0,3 % – n’ont peut-être pas de cerveau, mais elles ont leur intelligence, car « elles résolvent des problèmes, sont capables de s’adapter aux changements climatiques et d’inventer des stratégies pour leur survie », développe Il Manifesto. Le botaniste les imagine voler au secours de l’humanité face au réchauffement climatique : il suffirait d’en planter d’immenses quantités pour faire baisser rapidement le taux de CO2 dans l’atmosphère. Par ailleurs, souligne encore Il Manifesto, les plantes « raisonnent en tant qu’espèce et non en tant qu’individu ; elles privilégient l’adaptation permanente ». Les hommes feraient bien d’en prendre de la graine, suggère l’ouvrage.

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