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La maladie n’est pas une expérience binaire de type « soit on est malade, soit on est en bonne santé ». La convalescence – un processus essentiel, à la fois physique et mental – est aujourd’hui négligée, car la médecine moderne concentre ses efforts sur le paroxysme de la maladie, avance le praticien écossais Gavin Francis. Le terme de « convalescence » est absent des index des manuels de médecine. Il suffit d’observer les hôpitaux publics du Royaume-Uni pour constater qu’ils « ressemblent à s’y méprendre à des centres commerciaux ou à des aéroports », note Henry Marsh, lui-même médecin, dans The New Statesman : ces lieux n’ont rien d’un havre de paix et de tranquillité.
Avant d’exercer comme généraliste au sein de son cabinet privé d’Édimbourg, Francis a sillonné le globe en qualité de chirurgien et de médecin urgentiste. Dans Recovery, il évoque ses années d’étudiant en médecine, qui l’ont amené à travailler dans deux établissements conçus à l’origine comme des lieux de convalescence. Ces bâtiments spacieux répondaient aux critères de salubrité – accès à l’air frais et à la lumière – prônés au XIXe siècle par Florence Nightin­gale, la pionnière des soins infirmiers modernes. Les établissements de convalescence ont progressivement été vendus et transformés en résidences privées. En tant que praticien, Gavin Francis a pu observer des milliers de personnes luttant pour se remettre d’une maladie. Pour qu’un patient se rétablisse, il lui faut du temps et un accompagnement médical approprié, affirme celui qui se présente comme un « guide dans le paysage de la maladie ». « Je suppose que [Gavin] est le généraliste que la plupart d’entre nous aimeraient avoir », conclut Marsh avant de recommander ce livre « profond » et particulièrement actuel aussi bien aux patients qu’aux médecins. 

[post_title] => Le temps de la guérison [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-temps-de-la-guerison [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:19:41 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:19:41 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120622 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Les récits politiques et sociaux dominent depuis si longtemps la littérature grecque que les livres s’écartant de cette tendance se remarquent. C’est le cas du deuxiè­me roman du jeune Georges Pétrakis, « Les dimanches quand décollent les avions ». Dans la Crète d’aujourd’hui, des personnages en marge de la société se retrouvent à dialoguer avec le dernier tsar de Russie, des membres de sa cour et de son état-major… Farfelu ? Le site culturel Popaganda a été sensible à la « langue d’une simplicité désarmante » avec laquelle sont racontées ces « histoires singulières, prises entre réalisme étrange et fantaisie menaçante ». Face à ces visions hallucinatoires, l’influente critique Lina Padaléon, du quotidien de référence I Kathimeriní, note que « grâce à leurs fantasmes, ces héros parviennent à survivre à leur environnement miteux ». Ces rêveries improbables semblent dessiner un portrait de la Grèce contemporaine, contrainte de se réfugier dans des illusions tant le réel se révèle décevant.

[post_title] => L’asile des chimères [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => lasile-des-chimeres [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-07-03 10:28:00 [post_modified_gmt] => 2022-07-03 10:28:00 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120625 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Dans les huit nouvelles qui composent son premier recueil, la jeune auteure Lin Wen-hsin, remarquée pour sa prose réaliste et sa sensibilité, s’attaque au rapport des femmes à leur corps, notamment à ses fonctions – supposément – les plus inavouables. Dans « Terrain de jeux », une jeune fille rêve de la fois où elle a surpris quelqu’un en train de la regarder déféquer dans des toilettes publiques ; dans « Une femme propre », l’héroïne – à qui sa mère a appris à laver à la main ses culottes tachées de sang – en vient, par souci d’hygiène, à épier les usages de ses camarades pensionnaires ; dans « Gravé dans l’os », un tatoueur, épris du corps d’une de ses clientes, la désire secrètement. Il suffit à Lin de pousser le curseur un cran plus loin pour que ses personnages passent de propres à maniaques ou de désirants à obsédés. Ce ressort narratif, qui fait à l’occasion basculer le récit dans le fantastique, permet de jouer avec la transgression tout en mettant en exergue les attentes que la société nourrit encore aujourd’hui à l’égard des femmes.
Selon Wu Hsiao-le dans le magazine en ligne Okapi, « Lin Wen-hsin tend à écrire des romans denses mais économes, un art dans lequel elle excelle. Le foisonnement et la diversité se voient au premier coup d’œil, comme si le texte était un meuble dont tous les tiroirs étaient ouverts ». Un clin d’œil aussi au talent qu’a l’auteure pour révéler ce qui reste habituellement caché. 

[post_title] => Jeux transgressifs [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => jeux-transgressifs [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:19:29 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:19:29 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120628 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Le loup-garou est une figure familière et omniprésente de la culture du divertissement, aux côtés des vampires, zombies et autres démons. Ce que l’on sait moins, c’est à quel point son origine est ancienne. Pour son livre The Werewolf in the Ancient World, Daniel Ogden, professeur de lettres classiques à l’Université d’Exeter, au Royaume-Uni, a remonté les siècles à l’affût de la moindre trace laissée par un loup-garou dans la culture mondiale. Se voulant exhaustif, l’ouvrage va de la mythologie grecque aux textes chrétiens du Moyen Âge, des sagas islandaises aux contes des frères Grimm, des histoires de fantômes de l’époque victorienne aux délires de lycanthropie dans les hôpitaux psychiatriques (lorsque le patient se croit transformé en loup).
« Le fantasme du loup-garou et ses multiples ramifications sont au cœur de cette étude savante et souvent amusante », commente The New York Review of Books. Et le magazine de citer l’une des plus belles descriptions de lycanthrope : celle qui se trouve dans le Satyricon de Pétrone, dans l’épisode du « Festin chez Trimalcion ». Les éléments narratifs indissociables de cette créature hybride – la pleine lune, les errances nocturnes, les hurlements, la transformation et la marque du coupable – y sont déjà bel et bien présents. 

[post_title] => Tout sur le loup-garou [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => tout-sur-le-loup-garou [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:19:23 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:19:23 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120665 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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S’il s’est grandement tari, le flot d’ouvrages consacrés au meurtre, en 1986, du Premier ministre suédois Olof Palme peut toutefois remplir une bibliothèque. Le dernier en date, paru en février, « est d’un autre calibre », estime le quotidien Svenska Dagbladet. D’abord, il ne cherche pas à imposer une hypothèse quant à l’identité de l’assassin et à ses motifs. Et, surtout, il donne « pour la première fois un aperçu complet de l’enquête » tout en fournissant « des explications effrayantes à son échec ». Le livre est l’œuvre de l’ancien secrétaire de la commission d’enquête chargée de comprendre pourquoi la police n’a pas réussi à résoudre une telle affaire – autant de travaux dans lesquels l’auteur a puisé pour rédiger cette somme de 450 pages. Dans un « style clair et élégant », selon Dagens Nyheter, Hans-Gunnar Axberger décortique les ratés qui se sont accumulés dès les minutes suivant le drame, survenu sur un boulevard de Stockholm. Le commissaire chargé de l’enquête « avait une expérience très limitée du minutieux travail de policier. Il s’intéressait plutôt aux grandes lignes. De quoi égarer les esprits ». À partir de là, note le quotidien suédois, « l’enquête s’est mise à ressembler à une baleine échouée, pourrissant lentement ». Autre raison de l’enlisement de l’enquête : « La conviction que le meurtre d’une personnalité politique comme Palme devait avoir des causes politiques à la hauteur de sa réputation mondiale. » En 2020, la justice suédoise a fini par classer l’affaire, non sans désigner un homme seul – un obscur graphiste mort vingt ans plus tôt – comme le tueur présumé. Mais sans apporter de preuves… Décidément, il s’agit de « l’enquête la plus embarrassante du monde », raille Aftonbladet, journal proche du Parti social-démocrate dont Palme était une grande figure. 

[post_title] => Chronique d’un fiasco judiciaire [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => chronique-dun-fiasco-judiciaire [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:19:17 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:19:17 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120670 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Chaque révolution scientifique et technologique s’accompagne d’un élan de spiritisme romantique, observe Igor Gouline dans les pages du quotidien Kommersant. « Nous savons, par exemple, combien les débuts de la radio étaient étroitement liés aux tentatives pour entendre la voix des morts. » Avant qu’Internet ne soit accessible au grand public, dans les années 1990, l’idée d’un réseau de communication parcourant le monde a travaillé les esprits les plus brillants et les plus farfelus pendant plusieurs décennies, notamment du côté de l’URSS. C’est la thèse du livre « L’archéologie de l’Internet russe », de l’historienne des médias Natalia Konradova. « Les événements [décrits] couvrent pratiquement tout le XXe siècle, des utopies avant-gardistes de la “science universelle de l’organisation” d’Alexandre Bogdanov jusqu’au cosmisme de Nikolaï Fiodorov en passant par les fantaisies de l’écrivain Andreï Platonov sur la capacité de l’électricité à transformer le monde physique. Ces idées presque hérétiques ont eu un impact direct sur les cybernéticiens soviétiques de l’ère du dégel », poursuit le critique. Le plus célèbre d’entre eux, l’académicien Viktor Glouchkov, est le père de l’Ogas, une sorte de version informatisée de la planification socialiste de l’économie qui n’a pas pu être mise en œuvre. Il avait également rêvé à la préservation de l’individu sous forme numérique après sa mort biologique. Autre fait insolite rapporté par Konradova : le détournement de lignes téléphoniques non attribuées par des hippies, des traficoteurs et d’autres marginaux dans les années 1970. Sous le couvert de pseudonymes, ils menaient des discussions interminables et passaient de la musique tout en échappant au contrôle de l’État. 

[post_title] => Prémonitions d’Internet [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => premonitions-dinternet [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:19:10 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:19:10 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120673 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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La cinéaste Věra Chytilová, figure de proue de la nouvelle vague tchèque, avait l’habitude de parvenir à ses fins. Quitte à faire des scènes mémorables, comme lorsqu’elle interrompit une conférence de presse du chef du département culture du Comité central parce que les communistes l’avaient censurée. Ou encore lorsqu’elle s’invita, menaçante et vociférante, dans le bureau du directeur des studios Barrandov, à Prague, pour tâcher de le convaincre de la laisser travailler. « Grâce à mon mauvais caractère, à ma grande irascibilité, on n’a pas réussi à me briser », affirmait la réalisatrice des Petites Marguerites dans une interview au quotidien Lidové noviny en 2009.
Mais Věra Chytilová est morte en 2014, à 85 ans, sans avoir réussi à mener à bien son grand projet, pour lequel elle s’était battue la moitié de sa vie : réaliser le biopic de l’écrivaine Božena Němcová (1820-1862). Cette femme engagée et émancipée, qui bouscula les idées reçues de son époque, est notamment l’auteure de Babitchka (ZOE, 2008), le premier grand roman de la littérature tchèque, objet d’un véritable culte dans le pays. La ­vallée où se déroule l’intrigue a été rebaptisée la « vallée de Babitchka » et le livre a connu 350 éditions. Que le film n’ait pas pu se faire est vu comme une grande perte pour le cinéma tchèque par les spécialistes et la presse, qui peuvent toutefois se consoler avec le scénario : écrit par Chytilová à la fin des années 1960, il vient d’être publié. 
« Ce livre est une nouvelle occasion de célébrer Chytilová, mais cette fois-ci en tant qu’écrivaine. Elle savait aussi bien exprimer ses points de vue par l’image que par les mots », juge ainsi Radio Praha, célébrant une « œuvre biographique sans pareil ». Au-delà du genre unique de ce « conte cinématographique », marqué selon Radio Vltava par une « mise en scène rapide, au rythme presque infernal », il s’agit surtout d’un jeu de miroirs entre l’auteure et son alter ego. Une « rencontre entre deux personnalités exceptionnelles, deux femmes hors du commun qui ont marqué la société et la culture de leur pays », selon Radio Praha.
Němcová voulait écrire, militer, aimer comme elle l’entendait, n’en déplaise à la morale hypocrite du XIXe siècle. Dans les années 1960, Chytilová aura eu raison, sans même parler des obstacles politiques, d’un monde cinématographique phagocyté par les hommes, les préjugés et la peur de la modernité. 

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Victor Hugo, on le sait, n’était pas seulement un immense écrivain. Il dessinait merveilleusement. Même chose pour Cocteau, qui se défendait presque aussi bien le crayon que la plume à la main. Le grand compositeur Arnold Schoenberg, quant à lui, peignait avec un tel talent que ses toiles furent exposées aux côtés de celles de Kandinsky. Notre époque est à l’hyperspécialisation ; la polymathie y est suspecte. Pourtant, note Christine Brinck dans Die Zeit, « elle n’est pas nécessairement synonyme d’amateurisme », au contraire. Un ouvrage collectif, paru outre-Rhin, rassemble une cinquantaine d’essais sur ces sommités ayant excellé dans plusieurs domaines à la fois. Outre les figures déjà citées, il y est aussi bien question de Goethe, homme universel s’il en fut, que d’Andersen, l’auteur des fameux contes, dont Brinck rapporte qu’il fabriquait avec ses ciseaux « de véritables chefs-d’œuvre de papier découpé ». Loin d’être un handicap, la coexistence de plusieurs talents a tendance à créer des synergies, l’un étayant l’autre. Reste qu’il faut aussi parfois choisir ce que l’on veut privilégier : Angelika Kauffmann hésita longtemps entre la peinture et la musique – un vrai dilemme –, tout comme Ingres, qui faillit ­abandonner le pinceau pour l’archet de son violon. 

[post_title] => Heureux les touche-à-tout [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => heureux-les-touche-a-tout [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:18:52 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:18:52 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120681 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Le sens du mot « apothéose » – l’élévation de quelqu’un au rang de dieu – n’a cessé d’évoluer au fil de l’Histoire. Dans la mythologie grecque, il signifiait l’admission d’un mortel parmi les dieux de l’Olympe ; les Égyptiens vénéraient les pharaons comme des divinités ; et, « dans la Rome antique, l’apothéose était facile, bien que bureaucratique : le Sénat a fait de Jules César un dieu simplement en adoptant une série de lois », observe The New Yorker.
Quid de l’époque contemporaine ? Dans son essai Accidental Gods, la chercheuse Anna Della Subin s’intéresse à l’apothéose depuis les grandes découvertes jusqu’à nos jours. L’exemple le plus connu est celui du navigateur James Cook. En 1779, alors qu’il commande sa troisième expédition en quête du passage du Nord-Ouest, il accoste aux îles Hawaii, après y avoir fait une première escale un an plus tôt. Son arrivée coïncide avec la célébration annuelle du Makahiki, une grande fête donnée en l’honneur du dieu de la fertilité Lono. Y voyant l’accomplissement d’une prophétie, les insulaires l’assimilent à Lono et commencent à lui vouer un culte. Mais cette promotion tourne au vinaigre : les Hawaïens finissent par tuer Cook et, selon l’une des versions, le rôtir. « La question de savoir qui peut créer un dieu est aussi fascinante que celle de savoir qui peut en tuer, et Anna Della Subin tente de répondre aux deux », commente l’hebdomadaire.
Parmi les hommes (et quelques femmes) qui ont été vénérés comme des dieux, on croise au fil des pages d’autres explorateurs (Colomb, Cortés), des administrateurs coloniaux (Horace Cro­cicchia, John Nicholson), le roi d’Éthiopie Haïlé Sélassié, le penseur indien Jiddu Krishnamurti, le général MacArthur… Certains ont protesté contre l’adulation dont ils faisaient l’objet, d’autres ont joué le jeu. C’est le cas du prince Philip, qui apprend dans les années 1970 qu’on lui voue un culte sur l’île de Tanna, dans l’archipel de Vanuatu, alors administré conjointement par la France et la Grande-Bretagne. Il envoie aux villageois des photos dédicacées et accepte en retour des cadeaux cérémoniels, provoquant l’ire des Français qui l’accusent d’exploiter la situation à des fins politiques…
« Bien qu’aucun de ces cultes n’ait évolué vers un mouvement religieux majeur (excepté le rasta­farisme), ils jettent une lumière nouvelle sur la dynamique du colonialisme et les malentendus entre les Occidentaux et les régions du monde qu’ils cherchaient à dominer, ou du moins à comprendre et à contrôler », note The Washington Post. Le quotidien salue une narration habile, non sans émettre un regret : Subin inscrit son ouvrage dans le paradigme cher à Michel Foucault « qui tend à réduire les phénomènes religieux et culturels à une histoire de pouvoir, généralement un pouvoir racialisé ». Ce cadre réducteur ne lui permet pas toujours de répondre aux questions qu’elle soulève, mais invite à une réflexion plus large sur les paradoxes du sentiment religieux. 

[post_title] => Divine comédie [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => divine-comedie [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-06-30 07:18:44 [post_modified_gmt] => 2022-06-30 07:18:44 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=120685 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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En 1924 surgit à Lhassa, pour Mönlam – la grande fête du Nouvel An tibétain –, une vieille pèlerine accompagnée de son lama de fils. La créature, qui ne paie pas de mine et parle un tibétain rugueux, passe inaperçue dans la foule. C’est pourtant une importante personnalité lamaïste, peut-être même une dakini, l’incarnation d’une divinité féminine ; et son jeune fils serait lui-même un tulkou, c’est-à-dire la réincarnation d’un lama. Mais attirer l’attention, voilà précisément ce que la vieille femme ne souhaite pas : c’est en effet une Parisienne et la première Européenne à mettre les pieds dans la cité interdite de Lhassa, aussi dangereuse d’accès pour les Occidentaux que Tombouctou au siècle précédent. Pour gagner la ville sainte, Louise David, alias Alexandra David-Néel, a effectué un périple épouvantable de plu­sieurs mois par un itinéraire détourné, encore jamais exploré. Malgré quelques chaudes alertes, elle n’a jamais été reconnue, sauf par un lama (un voyant !) qui saura rester discret. Le récit qu’elle donnera de son exploit deviendra un best-­seller1 qui la propulsera directement sur le podium des grandes auteures-exploratrices-aventurières de l’Histoire.
Comment une petite Française quinquagénaire et rondelette, obsédée de propreté au point de ne voyager d’ordinaire qu’avec une minuscule baignoire portative, s’est-elle ainsi retrouvée à Lhassa avec juste la peau sur les os – une peau crasseuse, noirâtre et parcheminée de vieille Orientale ? Comme toujours, par l’effet combiné du hasard et de la nécessité.
Le hasard, c’est lui qui l’entraîne de rencontre en rencontre depuis le conservatoire de Bruxelles jusqu’au casino de Tunis via l’Opéra de Hanoï, avant que, dûment et très dignement mariée, elle ne prenne le chemin aventureux des ashrams de l’Inde puis des lamaseries tibétaines. Car, malgré toute son énergie et un joli filet de voix, Alexandra voit sa carrière de cantatrice plafonner et doit se contenter de la direction artistique d’un casino des colonies. Mais voilà : à la Belle Époque, une femme ne peut parvenir au succès sur scène qu’en manifestant en coulisse toutes sortes de talents, comme Alexandra l’affirme et surtout le démontre, amples détails à l’appui, dans plusieurs ouvrages 2. Or elle-même n’est pas une aventurière dans tous les sens du terme, et le « rut » la dégoûte au moins autant que la « prostitution artistique ». Ardente féministe, elle n’est d’ailleurs pas plus indulgente envers la « prostitution légale », alias la « profession maritale ». Mais, surprise, à Tunis elle sombre à son tour dans l’« esclavage matrimonial » en épousant un riche aristocrate, Philippe Néel de Saint-Sauveur, coureur invétéré de jupons de surcroît. Une fin ? Pas vraiment – à peine une halte de quelques années d’embourgeoisement (et de neurasthénie) avant de s’élancer vers l’Asie, grâce aux subsides de son mari mais sans lui. Une escapade de quatorze ans au total, sans divorce (elle s’y refuse obstinément) et même adoucie d’un torrent de lettres très affectueuses. Car Alexandra aime son mari, mais à distance uniquement.
Quant à la nécessité, c’est ce qui pousse une jeune fille de bonne famille à explorer non seulement les recoins les plus insolites de la planète mais aussi, et surtout, ceux de la pensée humaine. Dès l’enfance, elle cherche à voir plus loin, derrière. Une même énergie anime et maintient en perpétuel mouvement un corps (vigoureux) et un esprit plus vigoureux encore. Celle « qui a su courir avant de marcher » fait sa première fugue a 5 ans – au bois de Boulogne, où elle abandonne sa gouvernante pour partir en quête de « son » arbre. À 15 ans, elle quitte la Belgique – et un foyer confortable mais maussade – pour aller à vélo aussi loin vers le sud que ses fonds le lui permettent (en l’occurrence, jusqu’en Espagne). À 17 ans, elle se lance dans la traversée des Alpes à pied pour voir ce qu’il y a de l’autre côté.
Quant à ses explorations intellectuelles, au moins aussi hardies, elles l’entraînent quasiment vers tous les -ismes qui ont cours à l’époque. Après avoir d’abord adhéré au catholicisme intransigeant de sa mère (jusqu’à lorgner en direction du Carmel) elle fait volte-face et se rallie au protestantisme de son père, un Français d’origine huguenote. Car entre sa mère, riche femme d’affaires belge ardemment monarchiste, et son père, athée, républicain, franc-maçon et pauvre, ce n’est pas le grand amour, et le cœur d’Alexandra est dans le camp paternel. Bientôt, son inépuisable quête spirituelle la pousse vers l’ésotérisme, le spiritisme, le gnosticisme, puis dans l’exploration philosophique – stoïcisme d’Épictète, néoplatonisme, unitarisme –, l’étude du judaïsme et de la Bible (surtout l’Ecclésiaste, mais aussi la Kabbale), et même du Coran ou du soufisme. Elle migre ensuite du mysticisme et de l’ésotérisme au rationalisme sous toutes ses formes : athéisme, matérialisme, scientisme, déterminisme, positivisme, darwinisme… Seul point à peu près fixe parmi toutes ces divagations, une adhésion au syncrétisme des néothéosophes (Helena Blavatsky, Henry S. Olcott) qui lui permet d’amalgamer commodément tout un assortiment de croyances et lui procure l’assise d’un réseau fidèle. Politiquement, Alexandra n’est pas moins ductile, oscillant entre socialisme et anarchisme avant de devenir franc-maçonne, mais toujours animée d’un farouche féminisme, son autre allégeance indéfectible.
À mesure que s’écoulent ses jeunes années, le cerveau et l’âme d’Alexandra se polarisent géographiquement et spirituellement vers l’Orient. Elle suit des cours au Collège de France et ailleurs, se penche sur les grands textes indiens et, pour y accéder sans intermédiaire, apprend le sanskrit et le pali comme jadis le grec et le latin. Elle se rend évidemment en Inde, mais l’hindouisme la déçoit. Ce polythéisme débridé offense son rationalisme émergent, et l’affreuse injustice sociale qu’il entraîne la heurte au plus profond. En revanche, Bouddha, qu’elle rencontre pour ainsi dire en personne via une statue du musée Guimet, va gagner tous ses suffrages. Alexandra devient officiellement son adepte en 1921 et le servira sa longue vie durant avec toute la détermination, la rigueur intellectuelle et la force de travail stupéfiante dont la nature l’a dotée. Bientôt, elle abandonne l’enseignement des orientalistes pour dispenser le sien propre dans un déferlement d’articles, de conférences et surtout de livres.
Puis un nouveau séjour en Inde suscite l’apparition d’un tropisme encore plus précis, cette fois vers le sommet orographique et spirituel de l’Asie : l’Himalaya tibétain. Alexandra y gagne d’emblée l’appui spontané – sans doute est-ce l’effet de ses vies précédentes et exemplaires en Asie – de grandes personnalités spirituelles ou temporelles : le 13e dalaï-lama, qui l’invite à apprendre le tibétain ; le jeune maharadjah du Sikkim, Sidkéong Tulku Namgyal, qui la prend sous son aile (et peut-être dans ses bras) ; et surtout le très vénérable gomchen (abbé) du monastère de Lachen, qui devient son maître spirituel (ils échangent aussi des cours de langue : tibétain contre anglais). Elle passera ensuite plus de deux ans au monastère de Kumbum, en Chine – seule Occidentale parmi près de 4 000 lamas.
En Occident, Alexandra David-Néel est bien vite reconnue comme une lumière du boud­dhisme, en tout cas sa promotrice la plus active. Elle consacre à cette sagesse une bonne trentaine d’ouvrages, sur un total de plus de quarante (sans compter ceux qui n’ont pas encore été publiés). Mais son irrécusable compétence cache aussi – on s’en serait douté – une vision du bouddhisme plutôt personnelle et peut-être même contestable. C’est du moins ce que soutient l’anthropologue Marion Dapsance3, pour qui le bouddhisme laïque, éclectique et « antispirituel » de l’aventurière française reflète surtout un antichristianisme forcené doublé de rationalisme et même d’élitisme. Aux yeux d’Alexandra, et peut-être dans son cœur, deux bouddhismes coexistent en effet.
Celui des grands maîtres, détenteurs d’une sagesse péni­blement acquise dont ils ne partagent le secret qu’avec de rarissimes égaux (dont elle) – une sagesse dégagée de toute transcendance et parfaitement compatible avec la science moderne – n’a rien à voir avec la religion des masses ignorantes d’Asie, pétrie de surnaturel, de superstitions et de ridicules rituels prébouddhiques. Alexandra se situe résolument dans le camp moderniste et rationaliste, même si elle laisse une petite place à l’irrationnel, qu’elle définit comme ce que la science n’a pas encore expliqué. Elle donne ainsi crédit à la métempsychose ou encore à la technique tantrique du toumo, qui permet de transformer la pensée en chaleur, chose bien utile dans les frimas de l’Himalaya.
Mieux encore, poussée par son absolutisme, et peut-être aussi par ses origines protestantes, l’aventureuse néophyte entreprend carrément de réformer le bouddhisme dégradé, imprégné de magie et d’alcool, qu’elle voit sévir autour d’elle en Asie. Au Sikkim, elle allie ses efforts à ceux de son ami Sidkéong Tulku Namgyal ; mais hélas, le maharadjah meurt prématurément, possiblement empoisonné par ses rétrogrades sujets. Ayant échoué à troubler la sérénité du bouddhisme asiatique, la tempétueuse Alexandra se créera un mini-monastère à Dignes-les-Bains, face au « petit Himalaya » des Alpes, depuis lequel, assistée de son fils adoptif Aphur Yongden devenu Albert, elle répandra sur l’Occident un bouddhisme plus conforme à ses goûts. À 100 ans passés, elle fera toutefois renouveler son passeport, au cas où. 

— J.-L. M

Extrait :

« Ce n’est pas que les Tibétains, en général, soient dénués de principes moraux, mais leurs principes ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux adoptés dans nos pays. Par exemple, la polyandrie souvent jugée si sévèrement en Occident ne leur paraît nullement blâmable, mais, par contre, le mariage entre parents, alors même que les époux seraient des cousins très éloignés, leur semble la pire des abominations, tandis que nous n’y voyons aucun mal. Si des Tibétains se montrent parfois prodigues d’hommages envers un homme dont les imperfections apparaissent au premier coup d’œil, en bien des cas, leur conduite n’est pas causée par l’aveuglement. Pour bien comprendre leur attitude, il faut se rappeler combien les notions concernant le “moi” qui ont cours en Occident sont différentes de celles auxquelles les Bouddhistes adhèrent. Alors même qu’ils ont rejeté la croyance en une âme immatérielle et immortelle considérée comme leur véritable “moi”, la plupart des Occidentaux continuent à imaginer une entité homogène qui dure au moins de la naissance à la mort. Celle-ci peut subir des changements, devenir meilleure ou pire, mais ces changements ne sont pas supposés devoir se succéder de minute en minute. Ainsi, négligeant d’observer les manifestations qui coupent la continuité de l’aspect habituel de l’individu, l’on parle d’un homme bon, mauvais, austère, dissolu, etc. Les mystiques lamaïstes dénient l’existence de ce “moi”. Ils affirment qu’il n’est qu’un enchaînement de transformations, un agrégat dont les éléments matériels comme mentaux agissent et réagissent les uns sur les autres et sont continuellement échangés avec ceux des agrégats voisins. Aussi, l’individu, comme ils le voient, est semblable au courant rapide d’une rivière ou à un tourbillon présentant de multiples aspects. Les disciples avancés savent reconnaître, parmi cette succession d’individualités se montrant dans leur maître, celle de qui des leçons et des avis utiles peuvent être obtenus. Afin de s’en assurer le bénéfice, ils supportent les manifestations d’ordre inférieur qui leur apparaissent dans ce même lama, tout juste comme ils attendraient patiemment, parmi une foule vulgaire, le passage d’un sage. Un jour, je racontai à un lama l’histoire du Révérend Ekai Kawaguchi qui, pendant son séjour au Tibet, désireux d’apprendre la grammaire, s’était rendu chez un maître de renom. […] Cependant, après être demeuré quelques jours chez lui, l’élève découvrit que son professeur avait transgressé la règle du célibat et était le père d’un petit garçon. Ce fait lui inspira un profond dégoût, il emballa ses livres et ses hardes et s’en alla. Quel benêt ! s’exclama le lama, lorsqu’il eut entendu l’anecdote. Le grammairien était-il moins savant en grammaire parce qu’il avait cédé aux tentations de la chair ? Quel rapport existe-t-il entre ces choses et en quoi la pureté morale de son professeur concernait-elle l’étudiant ? L’homme intelligent glane le savoir partout où il se trouve. N’est-il pas un fou celui qui refuse de prendre un joyau déposé dans un vase malpropre, à cause de la saleté adhérant au vase. Les lamaïstes éclairés envisagent la vénération témoignée au guide spirituel d’un point de vue psychique. En fait, ils considèrent toutes espèces de culte de la même manière. Tout en reconnaissant que la direction d’un expert en matière spirituelle est extrêmement précieuse et utile, beaucoup d’entre eux inclinent à attribuer au disciple lui-même la plus large part de responsabilité dans le succès ou l’échec de son entraînement spirituel. Il ne s’agit pas, ici, du zèle du néophyte, de son attention ni de son intelligence. Leur utilité va de soi. Mais un autre élément est jugé nécessaire et même plus puissant que tout autre. Cet élément est la foi. »

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