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C’est bien joli de parler dans ces colonnes des éditeurs, des auteurs, des rentrées littéraires et des livres, mais quidde la lecture ? Je me faisais cette réflexion en découvrant récemment de nouvelles statistiques sur les classes d’âge des lecteurs, les ventes en librairie, l’évolution des chiffres d’affaires des différents segments éditoriaux et leurs parts de marché. Depuis que la hiérarchisation des arts et les jugements de valeur sont de plus en plus mal vus, que la quantité est devenue un critère de qualité et que le monde s’appréhende à l’aune exclusive des chiffres, il est de plus en plus périlleux de l’interpréter, mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer.

Comme tout auteur de « littérature » (essais, romans), de surcroît dite « exigeante » par le business lui-même, il y a belle lurette que je me demande qui seront demain mes lecteurs, car, majoritairement d’âge mûr, ceux d’hier et d’aujourd’hui ont fatalement tendance à disparaître. D’où mon inquiétude récurrente, aggravée par le fait que de plus en plus d’adultes nés au XXe siècle passent une part croissante de leur temps sur les supports numériques, quand ils n’écoutent pas des podcasts ou ne visionnent pas des séries. C’est dire si les enquêtes sur la lecture suscitent mon intérêt. Notamment l’édition 2022 du sondage Ipsos « Junior Connect’ » (ah ! ce titre…), publiée en mars dernier et révélant que, si « les 13-19 ans passent de plus en plus de temps sur leurs écrans (90 % d’entre eux possèdent un smartphone), ils ne lisent pas moins qu’avant ». Ah bon ? Et comment cela est-il possible ? Entrer dans les détails a douché mon optimisme car, à y regarder de plus près, les jeunes passent en moyenne « trois heures cinquante par jour sur leurs écrans » et « trois heures quatorze par semaine à lire » (soit treize minutes de lecture hebdomadaire de plus qu’il y a six ans). Est-ce à dire qu’ils ne lisent pas sur leurs écrans ? Ce n’est pas clair. Plus évidents sont les formes et les fonds qui les excitent : soit respectivement les BD, les comics et les mangas (genres qui explosent) dans les catégories dystopie, uchronie, fantasy, fiction postapocalyptique et roman sentimental (pour les filles, qui lisent davantage ?). Pourquoi pas ? C’est très bien, diront ceux pour qui la lecture ne sera jamais ce « vice impuni » dont parle Valery Larbaud et qui préconisent une « attitude décomplexée par rapport à la lecture ». Ce qui signifie ne pas s’interroger sur les trous noirs et les angles morts de l’enquête, comme la lecture des classiques de la littérature hors prescription scolaire ou, en bon français, la non-fiction novel. Mais passons. Autre enseignement intéressant : que l’auteur soit mort ou vivant, si vous voulez vendre des livres à la génération Z (dont les membres sont nés entre 1997 et 2010), mieux vaut que vos œuvres aient fait l’objet d’adaptations audiovisuelles, comme l’ont montré les réimpressions d’Arsène Lupin, de Maurice Leblanc, et des Illusions perdues, de Balzac, après les cartons de la série Netflix et du film de Xavier Giannoli. Mieux encore : inventez une romance de nature à être adaptée en webtoon (BD numérique défilant sur smartphone) et qui, si elle cumule vues et likes, sera imprimée sur papier avant de donner lieu à des films et des séries. Ainsi de la saga After, d’Anna Todd – 12 millions d’exemplaires écoulés dans 30 pays pour un lectorat estimé à 2 milliards. Mais surtout, n’oubliez pas de faire parler de vous sur TikTok et Snapchat. Vous pensiez que la littérature était, par définition, inadaptable en images et, a fortiori, en dessins ? Qu’elle servait à apprendre ce que sont l’existence humaine, l’amour, la mort, le pouvoir, la société, les paysages, les sensations, et toute vie intérieure digne de ce nom ? Vous retardez, ce monde-là n’est plus. Et c’est à se demander pourquoi les jeunes tiennent tant à le fuir dans des fictions qui soit le déforment, le modifient, l’amplifient ou le remplacent, soit rendent ses affects mièvres et mielleux, du genre à faire passer l’eau de rose pour un tord-boyaux. Avouez que cette question, la plus passionnante de toutes, mériterait une autre enquête. 

— Cécile Guilbert est essayiste et romancière. Son dernier livre, Roue libre (Flammarion, 2020), a reçu le Grand Prix de la critique de l’Académie française.

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Kelley Watt est une grand-mère sexagénaire de Tulsa, en Oklahoma. Divorcée, elle gagne sa vie comme unique employée de son agence de nettoyage. Sa passion, dit-elle, a toujours été les enfants. Elle aurait rêvé d’être institutrice, mais, à défaut, elle s’est investie dans des associations de parents d’élèves, tandis qu’elle inscrivait sa fille à des concours de beauté pour mineures et remplissait une page Pinterest de photographies de « beaux enfants ». Depuis une dizaine d’années, cependant, Kelley Watt a découvert sa véritable vocation : harceler les parents des victimes du massacre de Sandy Hook.

Le portrait glaçant de cette femme fait partie du travail d’enquête d’Elizabeth Williamson, journaliste au New York Times, qui a suivi les développements judiciaires de cette tragédie et vient d’en tirer un livre 1. Le 14 décembre 2012 au matin, un jeune homme lourdement armé fait irruption dans l’école primaire Sandy Hook, près de la ville de Newton, dans le Connecticut, après avoir abattu sa propre mère. Il tue vingt enfants âgés de 6 à 7 ans ainsi que six adultes travaillant dans l’établissement, puis met fin à ses jours. Le récit circonstancié des événements de cette journée est à peine supportable : on y suit plusieurs familles entamant une journée comme une autre, préparant leur enfant avant de l’amener à l’école, puis recevant une alerte concernant un « incident », avant de se rendre sur place et d’attendre, entourés d’un important cordon de sécurité et de nombreux journalistes, jusque tard dans la nuit, la confirmation que leur petite fille ou leur petit garçon ne fait pas partie des survivants.

Si l’horreur d’une telle situation est déjà inimaginable, la suite des événements, qui fait le sujet du livre, confine à l’abjection. Non seulement ces familles allaient devoir porter le deuil de leur enfant au milieu des débats ordinaires, aux États-Unis, sur l’accès aux armes à feu, mais elles devraient, cette fois-ci, faire face à une autre calamité : le complotisme. Le drame de Sandy Hook, en effet, constitue la matrice d’une dynamique aujourd’hui bien rodée, qui est le négationnisme systématique des tueries de masse à mesure qu’elles se produisent.

Quelques jours seulement après le massacre, Kelley Watt est en effet tombée sur des vidéos affirmant que personne n’était mort à Sandy Hook. Que les images étaient une mise en scène dont les protagonistes étaient des « acteurs de crise » jouant le rôle de parents éplorés. Et que le but de la manœuvre, une opération « sous faux drapeau » orchestrée par le gouvernement Obama, était d’ébranler le public afin de mieux réformer la loi sur les armes. Un sordide complot, donc.

Sous le nom d’utilisatrice de « gr8mom », Watt a depuis consacré ses journées à « faire ses recherches » et partager son intuition que « ces parents semblent bizarres ». La vieille dame a même pris les choses en main : elle exige que les autorités rendent publics le nom de l’entreprise chargée de nettoyer l’école après le massacre, ainsi que les reçus attenants. Elle veut aussi voir ce que contiennent les cercueils des victimes et réclame donc que les corps soient exhumés. Elle est très fière de ces fulgurances morbides : elle enquête, elle « pose des questions ».

Bien sûr, elle n’est pas seule. Watt est entourée et encouragée par d’innombrables fins limiers anonymes et quelques entrepreneurs cyniques qui veulent faire du « canular » de Sandy Hook une cause célèbre. Ils ont harcelé, insulté, diffamé et menacé les parents des victimes, ils inondent les autorités de requêtes absurdes et inutiles – certains se sont même rendus à Newtown pour débusquer des preuves.

Les familles ont contre-attaqué avec succès, et des procès contre ces pratiques obscènes et injustifiées sont encore en cours. Mais plus aucun événement majeur n’échappe désormais à ce schéma. Morts dans leur école sous les balles d’une arme de guerre, les petits enfants de Sandy Hook devront longtemps encore subir les affronts de la stupidité, de la crapulerie, du délire et de l’ignominie d’adultes qui ont décidé de remplacer la réalité, à chaque fois qu’elle leur déplaît, par des acteurs, des sosies et des complots.  

— Sebastian Dieguez est chercheur en neurosciences au laboratoire de sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg, en Suisse. Il est l’auteur de Total Bullshit ! Au cœur de la post-vérité (PUF, 2018).

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On a beau se dire que cela ne nous arrivera jamais, cela finit immanquablement par nous tomber un jour sur le coin du nez : on se sent vieux – ou disons, dépassé. Parmi les phénomènes de société qui, au cours des cinq dernières années, m’ont donné envie de rester assise sur mon rocher tout en criant aux moins de 20 ans : « Allez-y, continuez sans moi ! », on compte le retour des pantalons taille basse (ne jamais commettre deux fois la même erreur), la déferlante K-pop et, enfin, TikTok.

L’application sociale qui permet de poster de (très) courtes vidéos plus ou moins montées m’est complètement passée au-dessus de la tête. Ce réseau s’annonce pourtant comme la plateforme phare de la décennie : la barre du milliard d’utilisateurs dans le monde a été franchie en 2021, avec une croissance de 45 % réalisée sur l’année. En France, Médiamétrie estimait l’an passé à 7 millions son nombre d’utilisateurs actifs quotidiennement, soit quatre fois plus qu’en 2019. C’est par ailleurs la plateforme favorite des ados : ils s’y filment en train de danser, faire du play-back, s’envoyer des blagues, cuisiner, aller au lycée… bref, vivre. L’esthétique y est moins léchée que sur Instagram et laisse une part importante à la spontanéité (dans la mesure du possible pour une activité qui consiste, in fine, à mettre en ligne des images de soi). Les vidéos y sont plus courtes que sur YouTube et ne ressemblent en rien aux discours pontifiants et/ou autopromotionnels qui font désormais la loi sur Facebook – lequel est devenu l’Ehpad des réseaux sociaux, mais est-il besoin de le rappeler ? Fort de tous ces attributs, TikTok est en train de bouleverser le marché de l’édition grâce à un hashtag : #BookTok.

En effet, des dizaines de milliers de tiktokeurs à travers le monde contribuent à cette communauté en partageant en ligne leurs expériences de lecture. D’après le visionnage d’une bonne centaine de vidéos, plusieurs schémas se retrouvent d’un #BookTok à l’autre. Des ados, le plus souvent des filles, se mettent en scène dans leur chambre, si possible à la lueur d’une lampe de chevet évoquant une ambiance quelque part entre Twilight et les peintures de Georges de La Tour. Elles parlent de leur obsession pour un livre, un personnage de fiction, ou partagent des citations sur un fond musical poignant. Ici, ce n’est pas le discours critique au sujet de l’œuvre mais les émotions ressenties à sa lecture qui prévalent. Celles-ci doivent être clairement exprimées, par exemple en lançant le livre contre un mur pour témoigner de son désespoir ou en faisant trembler très fort son menton face à la caméra. Certains utilisateurs mentionnent aussi des expériences plus prosaïques, comme la quête d’un ouvrage à la bibliothèque ou la perte rageante d’une page. Le phénomène #BookTok est fascinant à observer. Cette culture adolescente a explosé pendant le confinement, où elle s’est imposée comme un relais des bons vieux clubs de lecture et conversations de cour de lycée. Mais, en affichant leur rapport à la littérature, qu’il s’agisse de bluettes ou de classiques, ces vidéos sont aussi une manière détournée pour les booktokeurs d’énoncer leur identité et leurs désirs 1.

Le hashtagrassemblait en juin 2021 plus de 10 milliards de vues, et quelques secondes d’un visage adolescent visionnées sur un écran de téléphone portable peuvent aujourd’hui avoir plus d’influence qu’une émission d’Oprah Winfrey. Les listes des best-sellers s’en ressentent, et les grands acteurs du monde du livre ont flairé le bon filon. Les romans les plus cités par cette communauté sont dotés d’un bandeau #BookTok en magasin, la chaîne de librairies américaine Barnes & Noble a lancé cet été un #BookTok Challenge, et les agents littéraires approchent désormais les jeunes qui animent les comptes les plus populaires. Encore un peu et les auteurs seront sommés d’écrire des intrigues adaptées aux codes de la plateforme et de promouvoir leur travail en se filmant depuis leur chambre à coucher. Les grandes maisons y gagneraient quelques parts de marché tandis que les booktokeurs y perdraient ce qui a fait leur succès : l’expression originale d’une sincérité de lecteur. 

— Floriane Zaslavsky est sociologue. Elle a publié avec la journaliste Célia Héron Dernier Brunch avant la fin du monde (Arkhê Éditions, 2020).

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« Ushi, mon cher patron, est  l’heure enfin échue de chuchoter à quel point vous me faites chier. » D. P.

Ushi (籔), « l’heure du bœuf » en japonais, entre 1 heure et 3 heures du matin, est le meilleur créneau horaire pour lancer une malédiction.

Aidez-nous à trouver le prochain mot manquant :

Existe-t-il dans une langue un mot pour désigner ce que l’on peut mettre sur une tranche de pain – ou entre deux tranches pour faire un sandwich ?

Écrivez à

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Daté de 7,175 millions d’années, un fossile grec pourrait bien être notre plus lointain ancêtre. P. 13

La Méditerranée était entourée d’une immense savane entre – 9 millions et – 6 millions d’années. P. 15

636 120 combinaisons de symptômes peuvent être attribuées à un « trouble de stress post-traumatique ». P. 18

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont fait intervenir des psychiatres dans leurs hôpitaux de campagne. P. 22

La plupart des souffrances liées à un traumatisme sont vécues à travers le prisme déformant de la psychologie. P. 27

En 1980, le DSM-III statua que l’homosexualité ne devait plus être considérée comme une maladie. P. 35

La fabrication d’un pain au levain nécessite l’équivalent d’environ 5,5 cuillerées à soupe de diesel. P. 59

En France, les 13-19 ans passent en moyenne trois heures cinquante sur leurs écrans. P. 63

Certaines mouches sont capables de maintenir une activité sexuelle pendant cinquante-six heures. P. 64

Une idée est une pensée inattendue, surprenante, tout sauf banale. P. 86

Un graal était un grand plat à poisson. P. 92

TikTok a franchi en 2021 la barre du milliard d’utilisateurs. P. 95

Les legs importants sont plus nocifs que bénéfiques pour les récipiendaires. P. 97

HSBC a gelé les comptes des politiciens hongkongais prodémocratie. P. 98

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Le palmarès publié par l’Union du livre russe est une photographie fidèle du marché du livre, mais aussi un baromètre de l’état d’esprit des Russes. Or, ce qui peut surprendre dans la compilation des données des quatre principales librairies du pays pour le premier semestre 2022, c’est qu’on n’y trouve aucun écho de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine le 24 février. En première position trône le livre de développement personnel de la journaliste biélorusse Olga Primatchenko, « Être tendre vis-à-vis de soi-même ». Faut-il y voir une quête de douceur en réaction à la violence des derniers mois ? 

Le succès du roman « L’été en foulard rouge » est plus inattendu. Il relate une romance naissante entre un jeune pionnier(membre d’une organisation de jeunesse communiste) et un animateur dans un camp de vacances du temps de l’URSS. Sorti en 2021, ce récit est vite devenu culte auprès des jeunes. Il faut dire que, depuis la loi de 2013 interdisant la « propagande homosexuelle » auprès des mineurs, la publication d’un tel livre n’a rien de banal. Une députée a saisi le Roskomnadzor, un organe de régulation des médias, afin de faire interdire ce roman qui, selon elle, discrédite le mouvement des pionniers. 

Pourtant, ce nouvel engouement du public russe pour la littérature homoérotique est confirmé par le succès du livre de Mo Xiang Tong Xiu, une auteure chinoise de « danmei », un genre centré sur la romance entre deux personnages masculins. Introduits en Chine dans les années 1990, ces romans bravent la censure et sont lus majoritairement par des femmes hétérosexuelles, notamment parce qu’ils ne mettent pas en scène le corps féminin et présentent les partenaires sur un pied d’égalité.

Dans un tout autre genre, l’essai historique de Boris Akounine nous ramène au début du XXe siècle. Il diagnostique « les raisons qui ont poussé le monde dans la Première Guerre mondiale et la Russie dans l’abîme révolutionnaire », selon Novaïa Gazeta. L’incurie du pouvoir russe, pour l’auteur, vient de l’« hypercentralisation » qui étouffe tout développement. Et d’appeler de ses vœux une gouvernance « horizontale ». On est tenté de mettre cet ouvrage en parallèle avec le roman La Grève, de la libertarienne Ayn Rand. En Russie, il figure parmi les livres les plus lus depuis la crise financière de 2008. « D’une société selon Marx, qui tentait de construire le bien commun, nous sommes passés à une société selon Darwin, où seuls survivent les plus forts », se désole Sergueï Medvedev sur le site Forbes, expliquant ainsi l’engouement des élites au pouvoir pour ce « livre médiocre ». 

[post_title] => Le grand refoulement [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-grand-refoulement [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:56 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:56 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121813 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Les traumatismes ont leurs mérites, en littérature du moins. Les traumatisés ont en effet besoin de se raconter, et les lecteurs ont besoin d’histoires. Et quel meilleur réceptacle d’histoires que le divan du psychothérapeute, ce confessionnal horizontal ? Pourtant, sauf le psychanalyste qui est payé pour ça, personne ne voudrait se pencher sur les troubles et interminables ruminations d’autrui à l’état brut. On connaît certes quelques tentatives de restitution de cures sous une forme allégée, à commencer par celles de Freud par lui-même ; ou, mieux encore, celles de Freud que Mikkel Borch-Jacobsen a décrites à son tour avec plus de verve et d’impertinence (il communique tout de même l’impression que les patients de Freud, qui sont surtout des patientes, sortaient en général de leur analyse plus perturbés qu’avant et à peu près ruinés) 1.  

Mais le récit de cure demeurerait pur plaisir d’initié sans les ouvrages d’Irvin Yalom, psychothérapeute californien ultraréputé, devenu dans la seconde moitié de sa très longue vie romancier à succès. À coups de best-sellers, Yalom apporte la preuve qu’on peut faire à la fois le bonheur du patient et celui du lecteur. Son secret ? Yalom approche – et restitue – chaque cas « avec un sentiment d’émerveillement face au récit qui va se déployer » 2. La forme de cure qu’il pratique se focalise non pas sur le passé du patient mais sur son présent, et plus précisément sur la relation qui se noue là, en direct, dans le cabinet. De surcroît, au mépris de toutes les règles, Yalom lui aussi se dévoile. Si bien que se dessine devant le lecteur une véritable intrigue – un pas de deux amoureux à base de transfert et contre-transfert, plein de suspense. L’attirance réciproque thérapeute/patient(e) aura-t-elle raison de la déontologie ? Pas impossible : Carl Jung lui-même était bien tombé dans les bras de sa patiente Sabina Spielrein… Pour Yalom, voyez par vous-même. Et puis une autre intrigue, policière celle-là, vient s’ajouter à la première. Il s’agit de la quête subtile et pleine de fausses pistes du thérapeute traquant la vérité du patient et la source cachée de ses maux. Habilement narrée par Yalom, cette enquête palpitante fait aussi jaillir sur la page les grandes angoisses de ses personnages/patients – crainte de la mort, de l’abandon ou du deuil, qui est le cumul des deux. Les mots mis par Yalom sur leurs maux permettront au lecteur de détecter des afflictions familières. Il se trouvera moins seul et, comprenant autrui, se comprendra mieux lui-même, tout en s’amusant au passage. Quelle meilleure publicité pour la lecture ? 

[post_title] => Parlez-moi de vous – et de moi [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => parlez-moi-de-vous-et-de-moi [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:32:50 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:32:50 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121896 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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En Occident, la description des souffrances psychiques remonte au moins à Homère et à la Bible. Elle prend un nouvel essor lors du romantisme européen – que l’on pense à Goethe ou à Goya. Vers le milieu du XIXe siècle apparaît un phénomène nouveau : la reconnaissance d’une souffrance durable venue s’ajouter à la souffrance engendrée par un traumatisme initial – d’abord dans le sillage de ce dernier, après un accident grave ou l’épreuve du feu, puis, sous l’influence de la psychologie et de la psychanalyse, avec un effet retard significatif. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la psychiatrie en vient à introduire, puis à banaliser, la notion de stress post-traumatique. 

Aujourd’hui, le « trauma » a complètement envahi notre paysage mental. Mis à toutes les sauces, il résonne sur les réseaux sociaux, dans les romans, le cinéma, le théâtre, les séries, les procès, les commémorations, la politique. Le premier article de notre dossier s’interroge, avec quelque impertinence, sur son impact dans la littérature et le septième art. Le deuxième évoque l’avalanche de best-sellers produits sur le sujet par des « psys » qui nous veulent du bien. Le troisième, plus acide, met en cause les effets jugés pervers de cette profession. Le dernier apporte le recul de l’historien et propose un surprenant retour sur une inquiétude exprimée par Goethe. En quête d’explications, nos auteurs formulent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. À vous de juger. 

Dans ce dossier :

[post_title] => L’ère du traumatisme [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => lere-du-traumatisme [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2022-09-01 06:49:46 [post_modified_gmt] => 2022-09-01 06:49:46 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=121609 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Le poète élisabéthain John Donne a été « particulièrement gâté par ses biographes », note l’hebdomadaire The Spectator – à commencer par son ami Izaak Walton, qui fut le premier à écrire le récit de sa vie. Parmi les ouvrages qui ont fait florès, on compte John Donne: A Life (Oxford University Press, 1970) de R. C. Bald, John Donne: Life, Mind and Art (Faber & Faber, 1981) de John Carey ou, plus récent, John Donne: The Reformed Soul: A Biography (W. W. Norton & Company, 2007) de John Stubbs. À cette liste est venu s’ajouter, au mois d’avril, l’ouvrage de Katherine Rundell, universitaire, spécialiste de John Donne et auteure de livres à succès pour enfants, qui a immédiatement séduit les lecteurs britanniques (sa parution aux États-Unis est prévue pour septembre). C’est « un des best-sellers les plus inattendus de l’année », assure The Sunday Times, qui l’a placé en tête de son influent palmarès des meilleures ventes. Quant aux critiques, ils évoquent une biographie « habile », « sensible », « pleine d’esprit », « rafraîchissante ». « Super-Infinite, de Katherine Rundell, est un livre merveilleusement donnien, salue ainsi The Spectator. Il s’inscrit dans une longue lignée de travaux bienveillants et érudits sur le poète, tout en saisissant avec une intelligence rare la variété et la richesse de son sujet. »

Né en 1572, Donne aura été tour à tour étudiant en droit, poète, soldat, député, pirate, essayiste, courtisan et prédicateur. De confession catholique, la famille de Donne subit de plein fouet les persécutions religieuses qui suivent le schisme anglican (son frère meurt en prison pour avoir hébergé un prêtre). Après de brillants passages à Oxford (où il est privé de diplôme en raison de sa religion) et à Cambridge, il rejoint Londres pour étudier le droit à Thavie’s Inn, puis à Lincoln’s Inn. 

De cette époque datent ses premiers poèmes, empreints d’une sensualité exubérante et d’irrévérence à l’égard des puissants. Pour Rundell, le jeune Donne n’était pas le libertin qu’on a l’habitude de dépeindre, relève l’hebdomadaire New Statesman : « Il est indéniable, en revanche, que sa poésie est profondément charnelle, d’une complexité intellectuelle et métaphysique quasi démente. » « Les premiers chapitres donnent corps à un Donne sexy, nous faisant revivre l’émotion de la première rencontre avec sa poésie amoureuse lorsque nous étions adolescents », commente de son côté The Times Literary Supplement, avant de citer le poème « La puce », l’un des plus emblématiques.

En 1596 et 1597, John Donne prend part à l’expédition britannique commandée par Robert Devereux, 2e comte d’Essex, à Cadix et aux Açores. À son retour, il entre au service de sir Thomas Egerton, garde des Sceaux, dont, en décembre 1601, il épouse en secret la nièce, Ann More, âgée de 16 ans, au péril de sa carrière. Le poète ne peut en outre se retenir de signer son audace d’un jeu de mots en écrivant au père de la jeune mariée : « It’s irremediably done », « C’est sans appel » (done sonnant comme Donne), rappelle The Spectator. Destitué de son poste, un temps emprisonné, il plonge dans la précarité alors même que sa famille s’agrandit : Ann More, dont la figure occupe une place importante dans l’ouvrage de Rundell, lui donnera douze enfants en seize ans (six mourront en bas âge).

Le parti pris stylistique risque de faire tiquer certains lecteurs, prévient cependant The Times Literary Supplement. La biographe dépeint ainsi Donne en jeune homme fringant, arborant un chapeau « assez grand pour y faire naviguer un catamaran ». Ou écrit que « sa beauté aurait mérité une musique d’accompagnement, un luth rock’n’roll ». Elle raconte même que le grand sceau d’Angleterre était conservé « dans une bourse brodée de complexes entrelacs de perles d’or, le genre d’accessoire que les lycéennes rêvent d’exhiber en soirée ». Malgré ces anachronismes inopinés, « il y a des passages moins clinquants à savourer », relativise le journal, notamment lorsque l’auteure s’interroge sur les raisons de la conversion de Donne à l’anglicanisme, ou encore lorsqu’elle « nous émeut en décrivant un Donne qui affronte l’adversité, la souffrance physique, les malheurs et le désespoir, un mortel obsédé par sa propre finitude ». À la fin de sa vie, les écrits de Donne prennent une teneur de plus en plus dévote. En 1621, il est nommé doyen de la cathédrale Saint-Paul de Londres, où ses prêches connaissent un formidable succès. Les fidèles s’y pressent « simplement pour le voir prêcher depuis la chaire, pour éprouver l’énergie émanant de ses paroles », note le New Statesman. À l’instar de Donne, Rundell affirme que son livre est « un acte d’évangélisation ». Mission accomplie pour cette prosélyte qui voulait convertir les lecteurs d’aujourd’hui à la poésie quadricentenaire de Donne. 

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« Un dauphin qui écholocalise un humain est capable de percevoir sa forme extérieure, mais aussi ce qu’il a à l’intérieur. Les embryons de grenouille arboricole peuvent détecter les vibrations d’un prédateur et dissoudre l’enveloppe qui les abrite, ce qui leur permet de s’échapper », égraine Jennifer Szalai dans The New York Times. Le nouveau livre d’Ed Yong, journaliste scientifique pour The Atlantic, foisonne de faits étonnants sur la perception animale. « Le fait que j’aie été si souvent surprise à la lecture de An Immense World […] témoigne des dons de conteur d’Ed Yong », poursuit Szalai. Propulsé rapidement au rang de best-seller, l’ouvrage est structuré autour d’une succession de stimuli associés aux sens correspondants, depuis l’odorat jusqu’à la capacité de certains animaux à détecter le champ magnétique terrestre. Guère porté sur le jargon, l’auteur recourt au terme allemand Umwelt (« environnement »), qui avait été utilisé par le pionnier de l’éthologie Jakob von Uexküll pour désigner le monde perceptif d’un animal – sa bulle sensorielle. Ed Yong « nous rappelle que, “en dépit de notre intelligence tant vantée”, notre Umwelt n’est qu’un parmi des millions d’autres », commente The New Yorker

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