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Et si Jésus, enfant, avait été un sale gosse, insolent et violent, qui faisait disparaître ses contradicteurs à coups de malédictions meurtrières ? Et s’il avait fait des miracles plutôt insolites, comme de ressusciter des coqs déjà cuisinés ? Et si l’affaire de sa conception dans le sein d’une vierge était plus complexe qu’il n’y paraît ? Et si… Mais alors qu’il existe au moins une quarantaine de chroniques de la vie de Jésus, sans compter celles qui restent à découvrir ou inventer, le christianisme romain n’a homologué que les récits à peu près homogènes des quatre Évangiles canoniques, occultant tout le reste. C’est ce processus de construction du monopole que retrace la journaliste britannique Catherine Nixey, elle-même fille d’un moine et d’une nonne (défroqués). 

De fait, « pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, le débat a fait rage autour de la personne de Jésus, de ses actions, de son importance réelle », souligne Frank Lawton dans The Spectator. La bataille fut rude pour éliminer la longue série des proto-Jésus, depuis Esculape ou l’empereur Vespasien jusqu’à Apollonios de Tyane. Ce candidat-là cochait beaucoup de cases : ascendance divine (il était fils du dieu Protée), prodiges à la naissance, miracles à l’envi, condamnation par l’autorité romaine, réapparition quelques jours après disparition, doctrine christo-compatible, etc. Par-dessus le marché, certains concepts phares de la chrétienté, l’enfer ou la résurrection des morts notamment, étaient déjà présents chez Plutarque (l’histoire de Thespésius, ressuscité après être volontairement tombé du haut de sa maison). Et Pythagore et Platon prônaient si bien le culte de la vertu que Clément d’Alexandrie les accusera de plagiat (Platon ayant, selon lui, découvert le message de Moïse lors d’un voyage en Égypte !). 

Pour ne rien arranger, l’exclusivité revendiquée par le christianisme allait à contre-courant des fluides habitudes religieuses d’une époque où les multiples cultes puisaient les uns chez les autres, s’échangeant sans vergogne divinités, rites ou croyances. Mais la chance a voulu que des empereurs romains, Constantin en tête, aient compris les avantages d’une croyance centralisatrice et qu’ils aient assisté les chrétiens dans leurs efforts pour éliminer manu militari les tentations centripètes des « hérétiques » – c’est-à-dire, en grec et en gros, « ceux qui voulaient choisir ». 

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Ce roman historique démarre en 1888, quand le consul d’Espagne à Bordeaux, Joaquín Pereyra, s’apprête à expatrier le corps du célèbre peintre espagnol Francisco de Goya, mort en exil soixante ans plus tôt. Mais une découverte inattendue met fin à ses plans : en ouvrant la crypte, il s’aperçoit que le squelette du peintre n’a plus de tête. Qui a profané la tombe et pourquoi ?

Le roman est basé sur un fait réel : le crâne de Goya a effectivement disparu. Son auteur développe deux intrigues parallèles. La première est située à Bordeaux en 1828. Le vieux Francisco de Goya, exilé à cause de la répression des libéraux par Ferdinand VII, sait que la fin de sa vie approche. Un fonctionnaire corrompu de la couronne espagnole engage le meilleur espion d’Europe pour l’assassiner à des fins de vengeance personnelle. La seconde intrigue se déroule en 1888, quand le consul Pereyra engage le meilleur détective de Paris pour découvrir où se trouve le crâne de Goya afin de pouvoir mener à bien sa mission de rapatriement des ossements du peintre. 

La partie du roman située en 1828 permet au lecteur d’entrer dans l’intimité de Goya. On y croise d’autres exilés espagnols opposés à Ferdinand VII, ainsi que son dernier amour, Leocadia Zorrilla, et sa fille Rosario. Figurent également deux jeunes gens qui ont aidé le peintre à accomplir ses dernières volontés : Juliet, une gouvernante aussi passionnée qu’indépendante, et Diego « El Niño », un courageux garde du corps qui a protégé la vie d’un Goya devenu sourd et presque aveugle, « sans cependant jamais cesser, écrit l’éditeur du livre, d’être ce génie brillant et charismatique qui attirait toutes sortes d’intérêts contradictoires, de tueurs à gages aux époux trompés… »

Dans un entretien avec le portail Valencia Plaza, l’auteur évoque la théorie la plus vraisemblable expliquant la disparition du crâne de Goya. La fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle sont marqués par la vogue de la phrénologie (la connaissance des crânes), une pseudo-science d’après laquelle les principaux caractères sont localisés avec précision dans le cerveau et soutenant que la forme du crâne reflète ces localisations. On croyait ainsi possible de localiser le génie. Il s’en est suivi un trafic de crânes. Des tombes ont été profanées, des personnes vivantes se sont même vu proposer l’achat de leur crâne (« quand tu mourras, ta tête sera à moi et je te l’achète maintenant »). Comme celui de Goya, le squelette du compositeur Haydn a été retrouvé sans son crâne. Une enquête de police menée en 1820 a permis d’identifier les voleurs : deux adeptes de la phrénologie. 

Pour aller plus loin : https://www.books.fr/un-regard-noir-au-service-des-rois/

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Si certains en doutaient encore, la guerre d’Ukraine leur a dessillé les yeux : la parenthèse ouverte au début des années 1990 par la désintégration de l’URSS est refermée. Fini le fantasme d’une planète se convertissant tout entière à la démocratie libérale sous le patronage bienveillant de l’Amérique. À quoi le nouvel ordre mondial va-t-il ressembler ? Le dernier ouvrage d’Herfried Münkler paru à l’automne dernier aide à s’en faire une idée. 

Professeur de science politique à la retraite, Münkler jouit outre-Rhin d’une solide réputation de géopoliticien et d’historien des idées (on lui doit aussi une somme remarquable sur la guerre de Trente Ans, pour laquelle Books l’avait interviewé en 2018). Dans « Un monde en ébullition » (c’est le titre), il acte la fin de la toute-puissance américaine et annonce l’émergence d’un monde multipolaire. Jusque-là rien de bien original. Ce qui l’est davantage, c’est quand Münkler avance que ce monde multipolaire devrait être une « pentarchie ». Autrement dit, il y aura à l’avenir cinq puissances dominantes : outre les deux qui s’imposent d’emblée à l’esprit (les États-Unis et la Chine), la Russie, l’Inde et l’Union européenne. Concernant cette dernière, Münkler reprend une thèse qu’il développait déjà en 2015 dans un livre dont nous nous étions fait l’écho : pour lui, l’Europe doit devenir un acteur majeur et cela passe par une Allemagne qui ose assumer son rôle d’hegemon du Vieux Continent.

Ce monde à cinq ne court-il pas, cependant, le risque de l’instabilité ? Pas nécessairement. Münkler constate que, dans l’histoire européenne, la tendance à la pentarchie a été courante et loin d’être une mauvaise chose. De la même façon, à l’échelle du globe, cinq pourrait se révéler le chiffre d’or : comme le rapporte Oliver Weber dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, « un plus petit nombre de grandes puissances serait trop rigide et trop coûteux par rapport aux coûts de production de l’ordre mondial, tandis qu’un nombre plus élevé induirait instabilité et parasitisme. En outre, le nombre de puissances doit être impair : c’est le seul moyen de faire pencher la balance et de garantir l’équilibre du système. »

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En 1944, dans son petit livre Qu’est-ce que la vie ?, le physicien autrichien Erwin Schrödinger, s’autorisant une excursion en dehors de sa discipline, énonçait une idée appelée à connaître une grande fortune : si les organismes vivants sont capables de se reproduire (une des propriétés fondamentales qui les caractérisent) tout en se développant en tissus très différents, c’est que les gènes, support matériel de l’hérédité, constituent une sorte de code. Formulée en termes encore vagues, cette intuition fut une source d’inspiration pour un groupe de biologistes et de physiciens convertis à la biologie. Parmi les premiers, James Watson ; au nombre des  seconds, Francis Crick et Maurice Wilkins. Tous les trois furent récompensés en 1962 par le prix Nobel de physiologie ou médecine pour la découverte de la structure « en double hélice » de l’ADN. Dans son livre de souvenirs, Watson, qui avouera plus tard avoir inventé l’anecdote, met en scène Crick, au moment où ils sentaient qu’ils avaient atteint leur but, proclamant devant la clientèle d’un pub où les deux scientifiques avaient leurs habitudes qu’ils venaient de « découvrir le secret de la vie ». Avec des mots plus grandiloquents encore, le président américain Bill Clinton, le 26 juin 2000, lors de l’annonce de l’achèvement du vaste projet international de cartographie du génome humain lancé en 1990, n’hésita pas à saluer l’occasion ainsi offerte « d’apprendre le langage dans lequel Dieu a créé la vie ». 

Plutôt qu’une telle image biblique, c’était en réalité une comparaison technique qui avait guidé le projet. Le génome était en effet vu comme une sorte de programme d’ordinateur comprenant toutes les informations et les instructions nécessaires pour le développement et le fonctionnement des organismes, selon un mécanisme rigide unidirectionnel : transcription de l’ADN en ARN dit « messager », puis translation de celui-ci en protéines. Vingt-cinq ans après, ainsi que le montre brillamment Philip Ball dans un livre au titre délibérément moins philosophique et ambitieux que celui de Schrödinger, on s’aperçoit que les choses sont plus compliquées que cela. 

Une des premières surprises auxquelles a donné lieu l’analyse du génome humain est le petit nombre de gènes qu’il contient : quelque 20 000, soit à peu près autant que celui du ver ou de la souris. La plus grande partie de l’ADN composant le génome ne code de surcroît pas pour des protéines. Elle est largement constituée de séquences régulantl’expression des gènes, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’ARNs d’un autre type que les ARNs messagers, à l’aide d’une série de mécanismes dits « épigénétiques ». Contrairement à ce que l’on pensait, les protéines codées par les gènes existent, d’autre part, sous la forme de très nombreuses variantes. Et parce qu’elles ont souvent des contours désordonnés, ces protéines interagissent de manière beaucoup plus aléatoire et diverse que par le simple mécanisme « clé-serrure » qu’on imaginait. Dans l’ensemble, on se trouve face à un système d’une exceptionnelle complexité, organisé en une série de niveaux superposés allant du gène à l’environnement au sein duquel vit l’organisme, qui interagissent et rétroagissent de multiples manières. De la biologie du développement (embryologie) à la « biologie des systèmes » qui étudie les organismes de manière « holistique » (globale), en passant par l’étude du repliement des protéines et de leur conformation spatiale, Philip Ball, avec un sens exemplaire de l’explication, décrit le maquis de ces milliers d’interactions qui constituent le vivant. 

L’extrême complexité des phénomènes vivants a des conséquences importantes dans un domaine où le séquençage complet du génome humain avait allumé de vifs espoirs : la médecine. Contrairement aux attentes, les progrès réalisés y sont restés jusqu’à présent limités, notamment dans le cas de ces maladies qui « surgissent de notre biologie » comme le cancer. L’identification de gènes impliqués seuls (le cas le plus rare) ou de concert avec de nombreux autres (situation la plus fréquente) dans certaines maladies, parce qu’une version défectueuse de ces gènes est à l’origine de ces maladies ou y prédispose, ne s’est que timidement traduite sur le plan clinique. Les thérapies géniques, impliquant le remplacement du gène fautif, demeurent en nombre réduit, et les progrès de la médecine personnalisée (dite aujourd’hui « de précision »), qui adapte le traitement au profil génétique du patient, bien que réels, sont lents. « La médecine génétique, observe Ball, n’est efficace qu’en proportion du degré où les gènes contrôlent la santé, c’est-à-dire quelque part entre “un peu” et “dans une certaine mesure”. » Bien d’autres couches du vivant sont concernées, à commencer par l’épigénétique et le système immunitaire. Au bout du compte, « aucune maladie n’est authentiquement génétique […], la maladie est un phénomène physiologique ». 

Vers la fin de l’ouvrage, Philip Ball se risque à avancer un certain nombre de concepts abstraits. Le fonctionnement des systèmes vivants, fait-il observer, ne peut être compris sans que l’on dote ceux-ci d’une réelle capacité d’action (« agency »), de buts (« goals ») et de finalités (« purposes ») qu’ils poursuivent en identifiant la signification (« meaning ») que possèdent certains agencements matériels pour la réalisation de ces objectifs. Ceci suppose de leur part une certaine connaissance (« cognition »)fût-ce sous une forme très rudimentaire. De tels concepts ont mauvaise presse dans la communauté scientifique, parce qu’ils peuvent donner l’impression de réintroduire dans la biologie le finalisme qui en a été chassé par la pensée scientifique moderne, notamment la théorie darwinienne de l’évolution. Mais que l’évolution, basée sur un double mécanisme de variations génétiques aléatoires et de sélection des phénotypes les plus aptes à laisser des descendants, soit dépourvue de finalité n’empêche pas les organismes de poursuivre des buts concrets et précis dans leurs efforts pour survivre et se reproduire.

La synthèse à laquelle se livre Philip Ball, remarquable par sa clarté et sa richesse d’information, est assurément inédite. Mais la mise en cause du déterminisme génétique strict et exclusif n’est pas nouvelle. Philip Ball cite à cet égard à plusieurs reprises le nom de Michel Morange, ainsi que ceux d’Evelyn Fox Keller, Lynn Margulis et Barbara McClintock. Parmi ceux qui attirèrent l’attention sur l’importance du niveau d’intégration de la cellule, à côté de Paul Nurse (cité), il aurait pu mentionner le mathématicien Freeman Dyson, qui, dans un petit livre sur l’origine de la vie, reprochait à Schrödinger d’avoir mis à l’excès l’accent sur la mécanique des gènes au détriment du métabolisme cellulaire. Des mises en garde contre une interprétation trop dogmatique du rôle des gènes et trop littérale du modèle du « code informatique » figurent aussi dans les ouvrages récents sur la génétique de Matthew Cobb, Siddhartha Mukherjee et Denis Noble. Elles ne font que refléter la prise de conscience de plus en plus forte, parmi les chercheurs, de la complication des phénomènes qu’ils étudient.   

Dans leurs tentatives pour comprendre et théoriser le fonctionnement du vivant, philosophes, biologistes et médecins ont constamment fait appel à des métaphores tirées de l’activité humaine. En fonction, souvent, de la technique dominante du moment, l’hydraulique, la mécanique, l’électricité, l’électronique, l’informatique leur ont successivement fourni des modèles. Certains se sont révélés pertinents et utiles : le cœur est bien une pompe, tout comme certains organites des cellules ; le système sanguin est effectivement un circuit, et certains neurones agissent comme des relais. Mais d’autres souffrent de trop simplifier des réalités complexes et ont pour grave défaut de fourvoyer l’esprit sur des voies sans issue : le cerveau n’est pas un ordinateur, le génome n’est pas un logiciel mécaniquement exécuté – plutôt qu’un programme, c’est, pour l’organisme, une ressource. Dans leurs mécanismes, leur organisation et leur comportement, les systèmes vivants – le livre de Philip Ball le met merveilleusement en lumière – démontrent une créativité, une flexibilité, une originalité, une subtilité, une capacité à exploiter le hasard dont sont dépourvues les créations techniques humaines, même les plus sophistiquées. La machinerie du vivant considérée dans son ensemble (parce qu’il s’agit bien d’une machinerie) n’a aucun équivalent dans l’univers de nos machines. Au bout du compte, le meilleur modèle du vivant, c’est le vivant lui-même.

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À lire les données de l’OMS, plus de 55 millions de personnes souffrent d’une forme ou d’une autre de « démence », la maladie d’Alzheimer en représentant les deux tiers. La population continuant de vieillir, le chiffre devrait passer à 152 millions en 2050, soit plus que la population actuelle de la Russie. À âge égal, la proportion de nouveaux diagnostiqués a cependant baissé ces derniers temps, sans doute en raison d’une meilleure hygiène de vie et des progrès de la médecine dans d’autres domaines. Mais pour l’heure, en dépit d’espoirs nés dans les années 1990 et de multiples essais cliniques, aucun médicament ne protège contre le progrès d’une maladie dont la complexité semble s’approfondir à mesure des recherches.  

Dans un livre publié fin 2021, Karl Herrup, professeur de neurobiologie à l’université de Pittsburgh, fait un constat particulièrement pessimiste. Il juge qu’en se focalisant sur les « plaques amyloïdes » qui se développent dans le cerveau des malades, les scientifiques se sont fourvoyés. Des personnes âgées en parfaite santé mentale peuvent très bien avoir le cerveau encombré de plaques amyloïdes. Et les anticorps testés dans les essais cliniques pour les détruire, dont certains ont été approuvés par la FDA, l’autorité de santé américaine, ne semblent avoir qu’un effet marginal, sinon nul, sur les facultés cognitives. Il s’agirait donc d’une fausse piste, d’un dogme médical dont Herrup retrace l’histoire, vieille de plus d’un siècle. Il va jusqu’à remettre en cause la notion même de maladie d’Alzheimer, un arbre qui selon lui cache la forêt des multiples formes de dégénérescence cérébrale. Il remue le fer dans la plaie en accusant le principal organisme de recherche américain sur le vieillissement, le National Institute of Aging, d’avoir indument étendu le champ de la maladie d’Alzheimer pour gonfler son budget. 

Revenant sur ce livre dans The New York Review of Books deux ans et plus après sa parution, Natalie de Souza, de l’Institut de biologie des systèmes moléculaires de l’École polytechnique de Zurich, donne raison à Karl Herrup pour l’essentiel, mais souligne  qu’au moment même où il rédigeait son livre, les chercheurs étaient déjà de plus en plus nombreux à s’écarter du dogme et testaient d’autres pistes. En 2022, sur plus d’une centaine de molécules testées pour contrer la maladie d’Alzheimer, moins d’une vingtaine visaient les plaques amyloïdes. 

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La romancière argentine Gabriela Cabezón Cámara s’inspire de l’autobiographie de Catalina de Erauso, appelée « la nonne Alférez » (sous-lieutenant en espagnol) et née en 1585. Placée à l’âge de 4 ans comme novice dans un couvent sous la garde de sa tante, prieure, Catalina s’évade habillée en homme à l’âge de 15 ans et, sous le nom d’Antonio, mène une vie tumultueuse, souvent les armes à la main. [À lire dans Books : « L’habit ne fait pas la nonne », juillet-août 2022.]  

Dans cette approche lyrique et irrévérencieuse du personnage historique, la nonne devenue Antonio raconte à sa tante les vingt-cinq années d’aventures picaresques vécues depuis sa fuite du couvent en Espagne et jusqu’à ses derniers jours, alors qu’il est redevenu un fugitif. Condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, il s’enfuit d’une caserne avec deux petites Indiennes guarani, dont une de 3 ans, une jument et deux singes, baptisés Tekaka et Kuaru, « caca » et « pipi » en guarani. Suivis par un inquiétant charognard, ils se réfugient dans la jungle. Les singes fournissent des fruits, et c’est le lait de la jument qui nourrit les filles.

« Le nouveau roman de Gabriela Cabezón Cámara désacralise le Siècle d’Or tout en lui rendant hommage, dans un mélange de langues allant du guarani aux chants basques, en passant par le latin... Le récit est tissé comme une grande toile d'araignée entre lianes et palmiers dont langues, personnages et décors s’entremêlent », rapporte l’écrivain Carlos Aletto dans le journal Página 12

[post_title] => La nonne soldat revisitée [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => la-nonne-soldat-revisitee [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-03-15 09:28:53 [post_modified_gmt] => 2024-03-15 09:28:53 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129234 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
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Comme artiste, Gauguin était admirable. Comme homme, en revanche… Passé au crible du politiquement correct, il fait mauvaise figure : « humainement, un prédateur sexuel ; artistiquement, un colonialiste », regrette Nicholas Thomas, un anthropologue de Cambridge spécialiste des cultures du Pacifique, qui dans son récent livre tente sinon de redresser cette image du moins de la nuancer. Quand Gauguin débarque à Tahiti après son désastreux séjour à Arles en compagnie de Van Gogh, qui y a laissé une oreille, il est – exceptionnellement – plutôt en fonds, ayant vendu plusieurs toiles et surtout abandonné sa dispendieuse famille. Il s’offre les services polyvalents d’une fraîche adolescente locale, Tehura, et se met à peindre les femmes des îles en tenue colorée, ou sans tenue du tout. Mal accueilli à son arrivée par les autochtones qui l’appellent « ta’ata-vahiné » (homme-femme) à cause de ses longs cheveux gris, son comportement ultérieur ne suscitera localement ni respect ni sympathie. Gauguin restera pourtant douze ans dans les îles, jusqu’à sa mort aux Marquises en 1903, avec juste un aller-retour en France en 1893. De la Polynésie et de sa population, dont il examine de près la culture, il laissera une vision colorée et largement érotisée dans de très nombreuses toiles ainsi que dans son récit Noa Noa, peinture élégiaque d’une « Tahiti vraie, c’est-à-dire fidèlement imaginée ». Tout de même assez pour voir en Gauguin, écrit l’historien de l’art Michael Prodger dans la Literary Review, « mieux qu’un simple prédateur sexuel s’assouvissant au paradis ».

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Cela fait plus d’une génération que le Mur de Berlin est tombé. Mais le clivage demeure entre l’ex-RDA et le reste de l’Allemagne. La preuve par l’ouvrage de Dirk Oschmann, « L’Est : une invention ouest-allemande », et les réactions qu’il a suscitées. Oschmann, professeur de littérature allemande à l’université de Leipzig, montre, d’après les mots de son éditeur, que « l’Ouest se définit toujours comme la norme et considère l’Est comme une déviance. Nos médias, notre politique, notre économie et notre science sont dominés par des perspectives ouest-allemandes. » 

Il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres d’une bonne partie desdits médias, la palme revenant peut-être au Süddeutsche Zeitung. Le quotidien compare Oschmann au personnage joué par Sylvester Stallone dans Demolition Man, cryogénisé pendant des décennies et qui se réveille dans un monde qu’il ne comprend plus. D’une façon générale, on reproche au livre ses outrances. 

Mais cette hostilité n’est-elle pas le signe qu’Oschmann a touché un point sensible ? C’est ce que se demande Claudia Schwartz dans le Neue Zürcher Zeitung, journal qui a l’avantage d’être « neutre », si l’on peut dire, puisque suisse. Schwartz rappelle que dès les années 1990, des intellectuels ouest-allemands parlaient, pour qualifier les Allemands de l’Est, de « race d’êtres humains détraqués ». Et que, depuis trente ans, les grands journaux comme le Spiegel se moquent d’eux régulièrement. L’idée sous-jacente est que le régime communiste en aurait fait des gens différents : étriqués, racistes, responsables de la monté de l’extrême droite. Pas de chance, note loyalement Tobias Rüther dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, lors des récentes élections, « l’extrême droite est devenue la deuxième force politique en Hesse et la troisième en Bavière », deux Länder de l’Ouest. 

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Comme d’autres phénomènes littéraires – la « génération perdue », la « beat generation », les « angry young men » ou le Nouveau Roman –, le « boom latino-américain » des années 1960-1970 n’a pas été ainsi baptisé par les écrivains auxquels cette expression est associée, mais par des observateurs extérieurs. Le premier à avoir employé ces mots est, semble-t-il, le journaliste chilien Luis Harss. 

Comme ces autres constellations fameuses, le groupe d’auteurs rangés sous cette étiquette a des frontières floues. On a ainsi déclaré qu’en faisaient partie, selon les cas, le Chilien José Donoso, le Cubain Guillermo Cabrera Infante, le Péruvien Alfredo Bryce Echenique voire l’Espagnol Juan Goytisolo. Ce que personne ne met en doute, c’est qu’au cœur de la nébuleuse figurait un quatuor d’écrivains particulièrement talentueux et productifs ayant rapidement bénéficié d’une renommée mondiale. Deux d’entre eux (le Colombien Gabriel García Márquez et le Péruvien Mario Vargas Llosa) ont reçu le prix Nobel de Littérature et les deux autres (l’Argentin Julio Cortázar et le Mexicain Carlos Fuentes) étaient considérés comme de sérieux candidats à cette distinction.  

Álvaro Mutis, un auteur colombien parfois rattaché à cet ensemble, disait du « boom » qu’il était une invention des journalistes. Certains ont prétendu y voir le produit d’une pure opération commerciale. Il est en tout cas impossible de l’associer à un effet de génération : 22 ans séparaient l’aîné du quatuor, Cortázar, du cadet, Vargas Llosa. On ne peut pas non plus le définir comme un mouvement : jamais ces auteurs n’ont publié de manifeste et leurs œuvres sont très différentes. Ce qui les réunissait était la triple conviction que, selon une formule de Carlos Fuentes, l’avenir du roman était en Amérique du Sud, que l’histoire de cette région du monde pouvait être mieux appréhendée lorsqu’on la racontait sous une forme romanesque et que, dans ce but, il convenait de faire appel aux techniques utilisées dans les romans de Faulkner, Joyce et quelques autres auteurs modernes : le récit à plusieurs voix, le monologue intérieur, la brisure de la temporalité linéaire. Cette dévotion envers le roman n’empêcha pas Cortázar et García Márquez d’écrire de nombreux très beaux contes, et Vargas Llosa de se distinguer par une abondante production journalistique.  

Entre les quatre hommes se développa rapidement une forte amitié. Émigrés à Paris dans le prolongement d’une tradition inaugurée par les écrivains diplomates Rubén Darío et Miguel Ángel Asturias, Julio Cortázar et Mario Vargas Llosa y passèrent beaucoup de temps ensemble. Le même Vargas Llosa et García Márquez se côtoyèrent ensuite à Barcelone, devenue l’épicentre du boom. Les quatre amis s’étaient connus par courrier, et quand ils étaient éloignés les uns des autres (à Mexico, New York, Londres, Madrid, Rome ou Venise), ils s’écrivaient. 

Les 207 lettres qui ont été retrouvées, éditées et récemment publiées, donnent une idée de leurs échanges. Ils y sont inégalement représentés. Vargas Llosa ne conservait que les lettres qu’il recevait, Fuentes gardait aussi copie de celles qu’il envoyait. Il était aussi le correspondant le plus régulier, et Julio Cortázar, épistolier prolifique, celui qui écrivait les plus longues lettres (on avait déjà de lui trois volumes de correspondance). 

Couvrant essentiellement la période 1955-1975, ces 207 lettres portent surtout sur leurs travaux respectifs. Les quatre écrivains se lisent et s’encouragent mutuellement, commentent les livres de leurs amis en termes élogieux (Cortázar de façon particulièrement minutieuse), échangent des conseils, des noms et des adresses, font état de leurs intentions, esquissent même des projets communs, comme cette idée d’un roman à quatre mains sur le guerre entre la Colombie et le Pérou en 1932-1933 proposée par García Márquez à Vargas Llosa, mais qui ne se concrétisera jamais. 

On chercherait en vain dans ces missives la plus ténue trace d’envie. Chacun se réjouit sans arrière-pensée du succès des autres. Le ton est constamment allègre et chaleureux, le propos souvent drôle, surtout sous la plume du très imaginatif García Marquez et de Carlos Fuentes. Au détour d’un paragraphe apparaît régulièrement le nom d’un des grands aînés qui les ont influencés : l’Argentin Jorge Luis Borges (auquel Vargas Llosa  consacrera plus tard un livre), le Mexicain Juan Rulfo, le Cubain Alejo Carpentier. 

On rencontre aussi les personnalités qui ont été déterminantes dans l’aventure du boom : le fantasque éditeur (et poète) catalan Carlos Barral ; la formidable agent littéraire Carmen Balcells, qui fit des quatre auteurs des hommes riches en mettant fin aux contrats léonins alors de règle dans l’édition espagnole ; Emir Rodríguez Monegal, qui publia leurs premiers textes dans sa revue Mundo Nuevo ; et le poète, essayiste et diplomate Octavio Paz, qui leur servit un peu de parrain sur la scène internationale. 

À partir de 1976, les lettres se raréfient et se font plus courtes. À ce moment-là, en effet, le groupe s’était déjà fissuré depuis quelque temps. Opposés aux dictatures militaires qui sévissaient sur le continent sud-américain (plus tard ils dénoncèrent tous le coup d’État du général Pinochet au Chili), les quatre écrivains avaient initialement accueilli avec un même enthousiasme la révolution cubaine. Le premier à exprimer son malaise face à l’autoritarisme croissant du régime de Fidel Castro fut Vargas Llosa. 

L’affaire Padilla, du nom de l’écrivain cubain emprisonné en 1971 pour avoir mis en cause le gouvernement, puis libéré moyennant une humiliante autocritique, précipita l’éclatement du groupe. Après avoir protesté avec les autres contre son incarcération et l’extorsion de sa confession, Julio Cortázar choisit de ne plus s’exprimer publiquement. García Márquez garda dès le début le silence avant de devenir un hôte régulier du régime, puis un ami personnel de Castro. Persona non grata à Cuba, Carlos Fuentes, fidèle à ses idéaux révolutionnaires, soutint plus tard, tout comme Cortázar, le régime sandiniste du Nicaragua. 

Vargas Llosa, de son côté, aussi allergique aux régimes totalitaires de gauche qu’aux dictatures de droite, se transforma peu à peu en avocat fervent du libéralisme politique, mais aussi économique. Tout le monde se souvient du vigoureux coup de poing qu’il asséna à Gabriel García Márquez en 1976 à Mexico. Aucun des deux hommes ne s’est jamais expliqué à ce sujet. On sait que les raisons de l’incident, raconté en détail par le journaliste Xavi Ayén dans Aquellos Años del Boom, étaient étrangères à la politique et de caractère privé : elles tenaient à ce que Vargas Llosa, de tempérament jaloux, imaginait à propos de sa femme Patricia et de García Márquez, qui s’étaient vus en son absence quelques mois auparavant. Varga Llosa venait pourtant de la quitter pour une éphémère aventure amoureuse.

Jamais ces dissensions idéologiques ou personnelles n’affectèrent le jugement que les quatre écrivains portaient les uns sur les autres sur le plan artistique. Vargas Llosa, le seul membre du quatuor encore en vie aujourd’hui, qui avait consacré un énorme ouvrage à Cent ans de solitude, ne cessa de présenter ce livre comme un des plus grands romans du XXesiècle. Et lorsque Fuentes fut violemment attaqué par son compatriote Enrique Krauze, le Péruvien, bien qu’il fût proche de Krauze et partageait son point de vue sur les idées politiques de Fuentes, refusa de s’associer au verdict sévère également porté sur son talent d’écrivain. Dans ses Clases de Literatura de Berkeley, Cortázar parle en termes élogieux des œuvres de ses trois amis, tout comme le fait Fuentes dans son essai La gran novela latinoamericana. En annexe à Las Cartas del Boom, les éditeurs reproduisent quelques textes éloquents des uns sur les autres. Les correspondances de Voltaire, Flaubert ou Kafka font partie intégrante de l’œuvre de leur auteur. D’autres – celle d’Henry James et Robert Louis Stevenson, par exemple, ou du même James avec Edith Wharton – ont pour mérite essentiel de mettre en lumière les facettes de grandes amitiés littéraires. C’est clairement de cette deuxième catégorie que relèvent les Cartas del Boom, avec quelques particularités qui font leur originalité et les rendent spécialement émouvantes. Ce n’est pas à un dialogue qu’on assiste, mais une conversation à quatre voix ; les protagonistes avaient le sentiment d’être engagés dans une aventure commune ; enfin, l’amitié littéraire à laquelle on a ici affaire s’accompagnait d’une intense amitié tout court. De ceci, rien n’atteste mieux que ces lignes du dernier document reproduit dans l’ouvrage, un télégramme envoyé par Carlos Fuentes à Gabriel García Márquez le 14 mars 2012, à l’occasion de son 85eanniversaire : « Penser que nous nous connaissons depuis un demi-siècle ! Nos vies sont inséparables. Merci pour tes grands livres. »

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Connu pour son positionnement à gauche, auteur d’un cours remarqué sur l’antisémitisme, Donald Hindley, professeur de sciences politiques à l’université Brandeis, avait expliqué en classe l’origine du mot wetback (« dos mouillé »), une insulte désignant les migrants mexicains qui entrent au Texas en traversant le Rio Grande à la nage. Se jugeant offensés, deux étudiants, sans s’adresser directement à l’enseignant, sont allés se plaindre au provost, l’administrateur principal de l’université – une femme, en l’occurrence. Selon les avocats de Hindley, celle-ci a « entériné le fantasme des étudiants qu’ils menaient croisade contre le racisme ». Elle a fait savoir à Hindley que « son université ne tolérerait pas, de la part de ses enseignants, un comportement inapproprié, racial et discriminatoire ». Elle l’a accusé d’infliger « un trauma émotionnel significatif » à ses étudiants en les forçant à entendre un terme aussi offensant. Pour le punir, un observateur viendrait désormais assister à ses cours et il lui faudrait participer à une classe de formation à la « sensibilité raciale ». Ce que Hindley a refusé.

La psychologue féministe américaine Carol Tavris voit dans cet exemple le cœur du mécanisme à l’œuvre dans la cancel culture. Elle n’achète pas l’idée volontiers défendue à gauche que le phénomène est superficiel, monté en épingle par la droite et ne présente aucun caractère nouveau. Dans The Times Literary Supplement, elle fait l’éloge du livre de Greg Lukianoff et Rikki Schlott, un homme de gauche et une jeune femme « libertarienne plutôt de droite », pour qui la cancel culture révèle une « guerre générationnelle » (l’expression est de Tavris). C’est aussi un clivage qui transcende la distinction classique entre droite et gauche en ce sens qu’il révèle l’existence d’un nouvel « illibéralisme » de gauche. La psychologue adhère au point de vue des auteurs, pour qui la cancel culture a débouché sur un phénomène massif, au moins dans le monde anglo-saxon : « un climat de peur et de conformisme ». Les enquêtes en témoignent : qu’ils soient de droite ou de gauche, la majorité des Américains rechignent désormais à exprimer leurs vues sur les sujets de politique, de race, d’orientation sexuelle, de genre ou de religion, craignant de ne pas accéder à l’emploi recherché, de devoir l’abandonner ou de perdre le soutien de leur entourage. C’est en réalité toute la cuture de respect et de protection des idées minoritaires qui se perd. L’une des origines du problème est la surprotection dont ont bénéficié les enfants de la génération qui occupe aujourd’hui les bancs des universités : « une cohorte de jeunes adultes obsédés par le souci de trouver des espaces sûrs où ne circulent que des idées non dérangeantes ». Les auteurs soulignent une origine moins connue : les effets paradoxaux du néolibéralisme, qui a conduit les universités anglo-saxonnes à fonder de plus en plus leurs ressources sur des tarifs très élevés favorisant les étudiants de familles riches, d’origine nationale ou étrangère.

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