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La romancière argentine Gabriela Cabezón Cámara s’inspire de l’autobiographie de Catalina de Erauso, appelée « la nonne Alférez » (sous-lieutenant en espagnol) et née en 1585. Placée à l’âge de 4 ans comme novice dans un couvent sous la garde de sa tante, prieure, Catalina s’évade habillée en homme à l’âge de 15 ans et, sous le nom d’Antonio, mène une vie tumultueuse, souvent les armes à la main. [À lire dans Books : « L’habit ne fait pas la nonne », juillet-août 2022.]  

Dans cette approche lyrique et irrévérencieuse du personnage historique, la nonne devenue Antonio raconte à sa tante les vingt-cinq années d’aventures picaresques vécues depuis sa fuite du couvent en Espagne et jusqu’à ses derniers jours, alors qu’il est redevenu un fugitif. Condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, il s’enfuit d’une caserne avec deux petites Indiennes guarani, dont une de 3 ans, une jument et deux singes, baptisés Tekaka et Kuaru, « caca » et « pipi » en guarani. Suivis par un inquiétant charognard, ils se réfugient dans la jungle. Les singes fournissent des fruits, et c’est le lait de la jument qui nourrit les filles.

« Le nouveau roman de Gabriela Cabezón Cámara désacralise le Siècle d’Or tout en lui rendant hommage, dans un mélange de langues allant du guarani aux chants basques, en passant par le latin... Le récit est tissé comme une grande toile d'araignée entre lianes et palmiers dont langues, personnages et décors s’entremêlent », rapporte l’écrivain Carlos Aletto dans le journal Página 12

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Comme artiste, Gauguin était admirable. Comme homme, en revanche… Passé au crible du politiquement correct, il fait mauvaise figure : « humainement, un prédateur sexuel ; artistiquement, un colonialiste », regrette Nicholas Thomas, un anthropologue de Cambridge spécialiste des cultures du Pacifique, qui dans son récent livre tente sinon de redresser cette image du moins de la nuancer. Quand Gauguin débarque à Tahiti après son désastreux séjour à Arles en compagnie de Van Gogh, qui y a laissé une oreille, il est – exceptionnellement – plutôt en fonds, ayant vendu plusieurs toiles et surtout abandonné sa dispendieuse famille. Il s’offre les services polyvalents d’une fraîche adolescente locale, Tehura, et se met à peindre les femmes des îles en tenue colorée, ou sans tenue du tout. Mal accueilli à son arrivée par les autochtones qui l’appellent « ta’ata-vahiné » (homme-femme) à cause de ses longs cheveux gris, son comportement ultérieur ne suscitera localement ni respect ni sympathie. Gauguin restera pourtant douze ans dans les îles, jusqu’à sa mort aux Marquises en 1903, avec juste un aller-retour en France en 1893. De la Polynésie et de sa population, dont il examine de près la culture, il laissera une vision colorée et largement érotisée dans de très nombreuses toiles ainsi que dans son récit Noa Noa, peinture élégiaque d’une « Tahiti vraie, c’est-à-dire fidèlement imaginée ». Tout de même assez pour voir en Gauguin, écrit l’historien de l’art Michael Prodger dans la Literary Review, « mieux qu’un simple prédateur sexuel s’assouvissant au paradis ».

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Cela fait plus d’une génération que le Mur de Berlin est tombé. Mais le clivage demeure entre l’ex-RDA et le reste de l’Allemagne. La preuve par l’ouvrage de Dirk Oschmann, « L’Est : une invention ouest-allemande », et les réactions qu’il a suscitées. Oschmann, professeur de littérature allemande à l’université de Leipzig, montre, d’après les mots de son éditeur, que « l’Ouest se définit toujours comme la norme et considère l’Est comme une déviance. Nos médias, notre politique, notre économie et notre science sont dominés par des perspectives ouest-allemandes. » 

Il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres d’une bonne partie desdits médias, la palme revenant peut-être au Süddeutsche Zeitung. Le quotidien compare Oschmann au personnage joué par Sylvester Stallone dans Demolition Man, cryogénisé pendant des décennies et qui se réveille dans un monde qu’il ne comprend plus. D’une façon générale, on reproche au livre ses outrances. 

Mais cette hostilité n’est-elle pas le signe qu’Oschmann a touché un point sensible ? C’est ce que se demande Claudia Schwartz dans le Neue Zürcher Zeitung, journal qui a l’avantage d’être « neutre », si l’on peut dire, puisque suisse. Schwartz rappelle que dès les années 1990, des intellectuels ouest-allemands parlaient, pour qualifier les Allemands de l’Est, de « race d’êtres humains détraqués ». Et que, depuis trente ans, les grands journaux comme le Spiegel se moquent d’eux régulièrement. L’idée sous-jacente est que le régime communiste en aurait fait des gens différents : étriqués, racistes, responsables de la monté de l’extrême droite. Pas de chance, note loyalement Tobias Rüther dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, lors des récentes élections, « l’extrême droite est devenue la deuxième force politique en Hesse et la troisième en Bavière », deux Länder de l’Ouest. 

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Comme d’autres phénomènes littéraires – la « génération perdue », la « beat generation », les « angry young men » ou le Nouveau Roman –, le « boom latino-américain » des années 1960-1970 n’a pas été ainsi baptisé par les écrivains auxquels cette expression est associée, mais par des observateurs extérieurs. Le premier à avoir employé ces mots est, semble-t-il, le journaliste chilien Luis Harss. 

Comme ces autres constellations fameuses, le groupe d’auteurs rangés sous cette étiquette a des frontières floues. On a ainsi déclaré qu’en faisaient partie, selon les cas, le Chilien José Donoso, le Cubain Guillermo Cabrera Infante, le Péruvien Alfredo Bryce Echenique voire l’Espagnol Juan Goytisolo. Ce que personne ne met en doute, c’est qu’au cœur de la nébuleuse figurait un quatuor d’écrivains particulièrement talentueux et productifs ayant rapidement bénéficié d’une renommée mondiale. Deux d’entre eux (le Colombien Gabriel García Márquez et le Péruvien Mario Vargas Llosa) ont reçu le prix Nobel de Littérature et les deux autres (l’Argentin Julio Cortázar et le Mexicain Carlos Fuentes) étaient considérés comme de sérieux candidats à cette distinction.  

Álvaro Mutis, un auteur colombien parfois rattaché à cet ensemble, disait du « boom » qu’il était une invention des journalistes. Certains ont prétendu y voir le produit d’une pure opération commerciale. Il est en tout cas impossible de l’associer à un effet de génération : 22 ans séparaient l’aîné du quatuor, Cortázar, du cadet, Vargas Llosa. On ne peut pas non plus le définir comme un mouvement : jamais ces auteurs n’ont publié de manifeste et leurs œuvres sont très différentes. Ce qui les réunissait était la triple conviction que, selon une formule de Carlos Fuentes, l’avenir du roman était en Amérique du Sud, que l’histoire de cette région du monde pouvait être mieux appréhendée lorsqu’on la racontait sous une forme romanesque et que, dans ce but, il convenait de faire appel aux techniques utilisées dans les romans de Faulkner, Joyce et quelques autres auteurs modernes : le récit à plusieurs voix, le monologue intérieur, la brisure de la temporalité linéaire. Cette dévotion envers le roman n’empêcha pas Cortázar et García Márquez d’écrire de nombreux très beaux contes, et Vargas Llosa de se distinguer par une abondante production journalistique.  

Entre les quatre hommes se développa rapidement une forte amitié. Émigrés à Paris dans le prolongement d’une tradition inaugurée par les écrivains diplomates Rubén Darío et Miguel Ángel Asturias, Julio Cortázar et Mario Vargas Llosa y passèrent beaucoup de temps ensemble. Le même Vargas Llosa et García Márquez se côtoyèrent ensuite à Barcelone, devenue l’épicentre du boom. Les quatre amis s’étaient connus par courrier, et quand ils étaient éloignés les uns des autres (à Mexico, New York, Londres, Madrid, Rome ou Venise), ils s’écrivaient. 

Les 207 lettres qui ont été retrouvées, éditées et récemment publiées, donnent une idée de leurs échanges. Ils y sont inégalement représentés. Vargas Llosa ne conservait que les lettres qu’il recevait, Fuentes gardait aussi copie de celles qu’il envoyait. Il était aussi le correspondant le plus régulier, et Julio Cortázar, épistolier prolifique, celui qui écrivait les plus longues lettres (on avait déjà de lui trois volumes de correspondance). 

Couvrant essentiellement la période 1955-1975, ces 207 lettres portent surtout sur leurs travaux respectifs. Les quatre écrivains se lisent et s’encouragent mutuellement, commentent les livres de leurs amis en termes élogieux (Cortázar de façon particulièrement minutieuse), échangent des conseils, des noms et des adresses, font état de leurs intentions, esquissent même des projets communs, comme cette idée d’un roman à quatre mains sur le guerre entre la Colombie et le Pérou en 1932-1933 proposée par García Márquez à Vargas Llosa, mais qui ne se concrétisera jamais. 

On chercherait en vain dans ces missives la plus ténue trace d’envie. Chacun se réjouit sans arrière-pensée du succès des autres. Le ton est constamment allègre et chaleureux, le propos souvent drôle, surtout sous la plume du très imaginatif García Marquez et de Carlos Fuentes. Au détour d’un paragraphe apparaît régulièrement le nom d’un des grands aînés qui les ont influencés : l’Argentin Jorge Luis Borges (auquel Vargas Llosa  consacrera plus tard un livre), le Mexicain Juan Rulfo, le Cubain Alejo Carpentier. 

On rencontre aussi les personnalités qui ont été déterminantes dans l’aventure du boom : le fantasque éditeur (et poète) catalan Carlos Barral ; la formidable agent littéraire Carmen Balcells, qui fit des quatre auteurs des hommes riches en mettant fin aux contrats léonins alors de règle dans l’édition espagnole ; Emir Rodríguez Monegal, qui publia leurs premiers textes dans sa revue Mundo Nuevo ; et le poète, essayiste et diplomate Octavio Paz, qui leur servit un peu de parrain sur la scène internationale. 

À partir de 1976, les lettres se raréfient et se font plus courtes. À ce moment-là, en effet, le groupe s’était déjà fissuré depuis quelque temps. Opposés aux dictatures militaires qui sévissaient sur le continent sud-américain (plus tard ils dénoncèrent tous le coup d’État du général Pinochet au Chili), les quatre écrivains avaient initialement accueilli avec un même enthousiasme la révolution cubaine. Le premier à exprimer son malaise face à l’autoritarisme croissant du régime de Fidel Castro fut Vargas Llosa. 

L’affaire Padilla, du nom de l’écrivain cubain emprisonné en 1971 pour avoir mis en cause le gouvernement, puis libéré moyennant une humiliante autocritique, précipita l’éclatement du groupe. Après avoir protesté avec les autres contre son incarcération et l’extorsion de sa confession, Julio Cortázar choisit de ne plus s’exprimer publiquement. García Márquez garda dès le début le silence avant de devenir un hôte régulier du régime, puis un ami personnel de Castro. Persona non grata à Cuba, Carlos Fuentes, fidèle à ses idéaux révolutionnaires, soutint plus tard, tout comme Cortázar, le régime sandiniste du Nicaragua. 

Vargas Llosa, de son côté, aussi allergique aux régimes totalitaires de gauche qu’aux dictatures de droite, se transforma peu à peu en avocat fervent du libéralisme politique, mais aussi économique. Tout le monde se souvient du vigoureux coup de poing qu’il asséna à Gabriel García Márquez en 1976 à Mexico. Aucun des deux hommes ne s’est jamais expliqué à ce sujet. On sait que les raisons de l’incident, raconté en détail par le journaliste Xavi Ayén dans Aquellos Años del Boom, étaient étrangères à la politique et de caractère privé : elles tenaient à ce que Vargas Llosa, de tempérament jaloux, imaginait à propos de sa femme Patricia et de García Márquez, qui s’étaient vus en son absence quelques mois auparavant. Varga Llosa venait pourtant de la quitter pour une éphémère aventure amoureuse.

Jamais ces dissensions idéologiques ou personnelles n’affectèrent le jugement que les quatre écrivains portaient les uns sur les autres sur le plan artistique. Vargas Llosa, le seul membre du quatuor encore en vie aujourd’hui, qui avait consacré un énorme ouvrage à Cent ans de solitude, ne cessa de présenter ce livre comme un des plus grands romans du XXesiècle. Et lorsque Fuentes fut violemment attaqué par son compatriote Enrique Krauze, le Péruvien, bien qu’il fût proche de Krauze et partageait son point de vue sur les idées politiques de Fuentes, refusa de s’associer au verdict sévère également porté sur son talent d’écrivain. Dans ses Clases de Literatura de Berkeley, Cortázar parle en termes élogieux des œuvres de ses trois amis, tout comme le fait Fuentes dans son essai La gran novela latinoamericana. En annexe à Las Cartas del Boom, les éditeurs reproduisent quelques textes éloquents des uns sur les autres. Les correspondances de Voltaire, Flaubert ou Kafka font partie intégrante de l’œuvre de leur auteur. D’autres – celle d’Henry James et Robert Louis Stevenson, par exemple, ou du même James avec Edith Wharton – ont pour mérite essentiel de mettre en lumière les facettes de grandes amitiés littéraires. C’est clairement de cette deuxième catégorie que relèvent les Cartas del Boom, avec quelques particularités qui font leur originalité et les rendent spécialement émouvantes. Ce n’est pas à un dialogue qu’on assiste, mais une conversation à quatre voix ; les protagonistes avaient le sentiment d’être engagés dans une aventure commune ; enfin, l’amitié littéraire à laquelle on a ici affaire s’accompagnait d’une intense amitié tout court. De ceci, rien n’atteste mieux que ces lignes du dernier document reproduit dans l’ouvrage, un télégramme envoyé par Carlos Fuentes à Gabriel García Márquez le 14 mars 2012, à l’occasion de son 85eanniversaire : « Penser que nous nous connaissons depuis un demi-siècle ! Nos vies sont inséparables. Merci pour tes grands livres. »

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Connu pour son positionnement à gauche, auteur d’un cours remarqué sur l’antisémitisme, Donald Hindley, professeur de sciences politiques à l’université Brandeis, avait expliqué en classe l’origine du mot wetback (« dos mouillé »), une insulte désignant les migrants mexicains qui entrent au Texas en traversant le Rio Grande à la nage. Se jugeant offensés, deux étudiants, sans s’adresser directement à l’enseignant, sont allés se plaindre au provost, l’administrateur principal de l’université – une femme, en l’occurrence. Selon les avocats de Hindley, celle-ci a « entériné le fantasme des étudiants qu’ils menaient croisade contre le racisme ». Elle a fait savoir à Hindley que « son université ne tolérerait pas, de la part de ses enseignants, un comportement inapproprié, racial et discriminatoire ». Elle l’a accusé d’infliger « un trauma émotionnel significatif » à ses étudiants en les forçant à entendre un terme aussi offensant. Pour le punir, un observateur viendrait désormais assister à ses cours et il lui faudrait participer à une classe de formation à la « sensibilité raciale ». Ce que Hindley a refusé.

La psychologue féministe américaine Carol Tavris voit dans cet exemple le cœur du mécanisme à l’œuvre dans la cancel culture. Elle n’achète pas l’idée volontiers défendue à gauche que le phénomène est superficiel, monté en épingle par la droite et ne présente aucun caractère nouveau. Dans The Times Literary Supplement, elle fait l’éloge du livre de Greg Lukianoff et Rikki Schlott, un homme de gauche et une jeune femme « libertarienne plutôt de droite », pour qui la cancel culture révèle une « guerre générationnelle » (l’expression est de Tavris). C’est aussi un clivage qui transcende la distinction classique entre droite et gauche en ce sens qu’il révèle l’existence d’un nouvel « illibéralisme » de gauche. La psychologue adhère au point de vue des auteurs, pour qui la cancel culture a débouché sur un phénomène massif, au moins dans le monde anglo-saxon : « un climat de peur et de conformisme ». Les enquêtes en témoignent : qu’ils soient de droite ou de gauche, la majorité des Américains rechignent désormais à exprimer leurs vues sur les sujets de politique, de race, d’orientation sexuelle, de genre ou de religion, craignant de ne pas accéder à l’emploi recherché, de devoir l’abandonner ou de perdre le soutien de leur entourage. C’est en réalité toute la cuture de respect et de protection des idées minoritaires qui se perd. L’une des origines du problème est la surprotection dont ont bénéficié les enfants de la génération qui occupe aujourd’hui les bancs des universités : « une cohorte de jeunes adultes obsédés par le souci de trouver des espaces sûrs où ne circulent que des idées non dérangeantes ». Les auteurs soulignent une origine moins connue : les effets paradoxaux du néolibéralisme, qui a conduit les universités anglo-saxonnes à fonder de plus en plus leurs ressources sur des tarifs très élevés favorisant les étudiants de familles riches, d’origine nationale ou étrangère.

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Le journaliste Imanol Subiela Salvo reconstitue les coulisses du plus grand vol d’œuvres d’art en Argentine pendant la dernière dictature militaire. Évalués à plusieurs millions de dollars, des tableaux de Gauguin, Matisse et Renoir font partie – entre d’autres objets – des seize tableaux volés en 1980 au Musée National des Beaux-Arts à Buenos Aires, rappelle la journaliste spécialisée Mercedes Ezquiaga dans le journal La Opinión Austral. Imanol Subiela Salvo retrace l’histoire rocambolesque d’une enquête bâclée par la police de la dictature, qui relâche le veilleur de nuit et le pompier trouvés sur place après les avoir torturés. Même si l’affaire n’a jamais été résolue, l’hypothèse retenue est celle d’un échange d’œuvres d’art contre des armes que la junte militaire aurait négocié avec un trafiquant d’armes taïwanais pour l’imminente guerre des Îles Malouines, déclenchée en avril 1982. Vingt-cinq ans après, l’action conjuguée d’un juge argentin, d’Interpol, d’une galerie parisienne, de Tony Blair et d’un juge français permet de récupérer trois tableaux. Quarante ans après les faits, l’enquête est relatée comme un polar. « La dictature militaire ne s’est pas limitée à la répression, à la torture, à l’enlèvement et à la disparition de personnes, elle a également orchestré le pillage d’institutions artistiques, comme cela s’est produit également au Musée des Arts Décoratifs de la ville de Rosario », écrit l’auteur dans le prologue. 

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Outre-Rhin, 2024 ne sera pas seulement l’année Kant (dont on fête le tricentenaire de la naissance). Elle sera aussi l’année Caspar David Friedrich, né, lui, il y a tout juste deux cent cinquante ans. Tandis que les expositions se multiplient à Berlin, Hambourg ou Dresde, un livre événement est consacré au grand peintre romantique allemand. Il est signé de l’incontournable Florian Illies, qui, fidèle à la méthode qui a fait son succès depuis 1913. Chronique d’un monde disparu (Piranha, 2014), propose un habile tissage d’observations et d’anecdotes savoureuses. « La magie du silence » (c’est le titre de l’ouvrage) ne porte pas tant sur Friedrich lui-même que sur le destin de ses tableaux. Comment ils furent compris ou incompris, oubliés et redécouverts, souvent aussi détruits. Ce dernier point est l’un des plus stupéfiants du livre : « Je n’avais aucune idée du nombre de tableaux de Friedrich qui avaient été perdus dans différents incendies ! », avoue la critique littéraire Elke Heidenreich dans le Süddeutsche Zeitung. Lors de celui du Palais de verre de Munich, en 1931, ce sont ainsi rien moins de neuf toiles du maître qui disparurent. Le même nombre qu’en 1901 quand sa maison natale était partie en fumée. La Deuxième Guerre mondiale, bien entendu, n’arrangea pas les choses. Si l’on ajoute diverses autres combustions qui emportèrent une toile par-ci, deux toiles ou plus par-là, c’est à se demander par quel miracle il nous en reste encore.

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Au Japon on aime les romans et l’intelligence artificielle. Comment donc s’étonner que Tokyo Sympathy Tower, un roman de science-fiction largement consacré à l’AI, se soit récemment vu décerner l’ultra prestigieux prix Akutagawa. « C’est un ouvrage très distrayant et intéressant, et quasiment irréprochable », a dit le jury (comprendre : stylistiquement et techniquement impeccable). Oui mais voilà : du propre aveu de la jeune autrice, Rie Qudan, ChatGPT a fait plus qu’y tremper la patte, car au moins 5 % du texte aurait été directement copié-collé depuis le logiciel. Stupéfaction ! Indignation ! « L’utilisation de l’intelligence artificielle générative dans le domaine créatif est très contestable, ne serait-ce que parce que ces systèmes ont été entraînés sur un corpus colossal constitué des œuvres d’autres écrivains », s’étrangle Jordan Pearson dans Vice. Mais c’est vite oublier que des auteurs fameux ont trituré et recyclé des textes préexistants (Shakespeare, James Joyce, Borges et autres virtuoses de l’intertextualité), ou bien eu recours à des accessoires créatifs, comme Tristan Tzara et ses mots découpés dans des journaux et réassemblés, ou William Burroughs et ses pages pliées pour produire un nouveau texte, ou Georges Perec et ses artifices numérologiques ou typographiques… D’ailleurs les contraintes prosodiques de la poésie ne sont-elles pas déjà des sortes de proto-algorithmes ? Qui plus est, Rie Qudan fait une utilisation légitime de l’AI, puisqu’elle s’en sert pour montrer comment le langage émasculé produit par les modèles (« des mots flous et mous ») finissent par asphyxier tout jugement éthique et critique. Son roman est une dystopie sur le dévoiement de la justice dans un monde dominé par l’AI. On n’en sait pas plus pour l’instant, car il n’est pas traduit (les droits ont été acquis par Viking). ChatGPT pourrait s’en charger. Il pourrait même en faire la critique – une critique dans un style parfait, basée sur une documentation exhaustive, d’une objectivité en principe garantie, et gratuite par-dessus le marché. Manquant peut-être tout de même un peu d’originalité. Pour l’instant du moins…

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Henry Kissinger, qui savait de quoi il parlait, disait de George Kennan qu’il avait défini la doctrine diplomatique de son temps plus que n’importe qui d’autre. C’est à la fois vrai et inexact. Kennan est l’auteur de deux textes qui eurent un impact profond sur la politique extérieure des États-Unis et, plus généralement, sur les relations internationales durant la seconde moitié du XXe siècle. Le premier est le fameux « long télégramme » (5000 mots) envoyé en 1946 de Moscou, par lequel il lançait l’alerte au sujet de la politique extérieure agressive de Staline. L’année suivante, il publiait dans la revue Foreign Affairs, en le signant « X » pour ne pas compromettre le gouvernement, un article dans lequel il formulait le concept qui allait servir de principe directeur à la politique américaine envers l’Union soviétique durant plusieurs décennies : le « containment » (endiguement). Dans son esprit, cette stratégie, voie intermédiaire entre l’abdication face aux volontés expansionnistes de la Russie et un affrontement direct pouvant mener à la guerre, devait être mise en œuvre par des moyens politiques, diplomatiques et économiques. Mais ce n’est pas ainsi qu’elle fut appliquée, et tout le reste de sa très longue vie (il est mort en 2004, un mois après son 101e anniversaire), il contesta l’interprétation en termes essentiellement militaires qui fut faite de ses recommandations. 

Kennan joua un rôle important dans l’élaboration du plan Marshall d’aide à la reconstruction de l’Europe occidentale, ainsi que dans le lancement des opérations secrètes de la CIA (ce qu’il considéra par la suite comme son erreur la plus grave). Mais il estimait indispensable le maintien d’un dialogue avec l’URSS. Préoccupé, comme ses amis les physiciens Robert Oppenheimer et Freeman Dyson, par le risque de guerre atomique, il ne cessa de dénoncer la course aux armements et de plaider en faveur du désarmement nucléaire. À l’instar de Walter Lippmann, le très respecté journaliste qui, l’ayant mal compris, l’avait attaqué, il s’opposa à la « doctrine Truman » mise en œuvre par le secrétaire d’État Dean Acheson, voulant que les États-Unis combattent les mouvements soutenus par Moscou partout dans le monde. Plus tard, après avoir quitté la diplomatie active pour une carrière de « scholar », il critiquera dans le même esprit l’engagement américain au Vietnam. Davantage que par une idéologie communiste qu’il estimait condamnée à s’effondrer tôt ou tard, la politique étrangère soviétique en Europe lui apparaissait déterminée par la psychologie collective russe et une vision géopolitique présente depuis l’époque des tsars. Pour cette raison, lorsque l’URSS éclata, il mit en garde contre les conséquences d’une extension de l’OTAN à l’Est.  

Sur le plan politique, George Kennan était difficile à classer. Apprécié de personnalités du Parti démocrate telles que J.F. Kennedy et son conseiller Arthur Schlesinger, il comptait parmi ses amis proches un homme qui se définissait comme réactionnaire (l’historien d’origine hongroise John Lukacs) et, en Europe, des figures notoires de la pensée libérale, le philosophe Isaiah Berlin et la directrice du Zeit Marion Dönhoff. Confiant dans les institutions démocratiques plus que dans le jugement populaire, il aurait volontiers confié le gouvernement à une élite éclairée. La démocratie lui semblait dans tous les cas le produit de conditions historiques très particulières et toute tentative de l’imposer par la force dans des pays aux traditions différentes de celles de l’Occident était à son estime vouée à l’échec. Convaincu que « le gouvernement américain est techniquement incapable de concevoir et mettre en œuvre à long terme une politique cohérente à l’égard de régions éloignées du territoire national », il fut un de ceux qui s’élevèrent contre l’intervention américaine en Irak. Plutôt que de sermonner sur les droits de l’homme, disait-il aussi, mieux vaut prêcher par l’exemple. De tempérament, Kennan était assurément conservateur. Nostalgique de l’Amérique profonde du Midwest telle qu’il l’avait connue enfant dans le Wisconsin, il était sentimentalement et presque mystiquement lié à la Russie de Tolstoï et de Tchekhov, un auteur qu’il révérait et dont il a longtemps rêvé d’écrire une biographie. Affirmant qu’il aurait préféré vivre au XVIIIou au XIXe siècle, il se sentait mal à l’aise dans son époque. Beaucoup d’aspects de la modernité et de la société américaine le rebutaient. Il détestait l’automobile, abhorrait la publicité, se désolait du matérialisme de ses compatriotes, de leur superficialité, de leur individualisme, de leur passion pour les affaires et de leur indifférence à la destruction de l’environnement par l’industrialisation. 

De ses journaux intimes, édités par Frank Costigliola avant de rédiger sa biographie, ressort l’image d’un homme à la personnalité complexe, tourmenté, mélancolique, enclin à l’auto-examen et l’auto-apitoiement, cherchant du réconfort dans la compagnie des femmes, un trait qu’il expliquait par le traumatisme de la perte de sa mère lorsqu’il avait deux mois (The Kennan Diaries, 2014). Marié durant plus de 70 ans, il eut un certain nombre de liaisons (et d’innombrables rêveries d’aventures) qui le remplissaient d’une culpabilité torturante. Parlant couramment le russe et l’allemand, il maîtrisait le français, le norvégien, le polonais, le tchèque, le serbo-croate et le portugais. Nourrie de lectures abondantes, parmi lesquelles Gibbon, Tocqueville, John Quincy Adams et les romanciers russes occupent une place privilégiée, sa production d’écrivain est impressionnante : une histoire de la diplomatie américaine devenue un classique, des réflexions sur l’histoire de la Russie, la politique extérieure des États-Unis, les relations entre les deux pays et la question de l’armement nucléaire, deux livres sur les prémices de la Première Guerre mondiale, deux volumes de Mémoires. Sa prose est d’une grande tenue stylistique. Lorsqu’il évoque le décor et l’atmosphère des pays dans lesquels il s’est rendu, elle atteint une réelle qualité littéraire et poétique. 

Comme deux autres grands artisans de la politique extérieure des États-Unis, Henry Kissinger et Zbigniew Brzeziński, George Kennan fut à la fois diplomate et théoricien des relations internationales. Contrairement à eux, il n’exerça jamais de responsabilités politiques. Compte tenu de son caractère émotif, on n’a jamais songé à lui en confier et il s’en serait sans doute très mal acquitté. Outre son intelligence, ce qui le distinguait était une curieuse combinaison de réalisme et de romantisme. Voyant parfois plus loin que les autres, et juste avant tout le monde, il s’est aussi quelquefois trompé et a dans certains cas spectaculairement changé d’avis (sur la réunification de l’Allemagne, par exemple, idée qu’il a d’abord écartée avant de la défendre avec vigueur, pour finir par déplorer la manière dont elle s’est concrétisée). Mais la clairvoyance de ses analyses, la profondeur de ses vues et l’élégance de sa langue font que ses livres resteront une source d’inspiration. Interrogé par son premier biographe (John Gaddis) au sujet de ce qu’il faudrait souligner dans sa nécrologie, il mettait à son crédit sa constante indépendance d’esprit et le fait d’avoir été honnête toute sa vie.   

Pour aller plus loin :

Lien vers « le long télégramme » :

https://nsarchive2.gwu.edu/coldwar/documents/episode-1/kennan.htm

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