WP_Post Object ( [ID] => 129639 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-08 21:15:08 [post_date_gmt] => 2024-05-08 21:15:08 [post_content] =>Trop de livres ! Le sombre auteur de l’Ecclésiaste s’en plaignait déjà. Qu’aurait-il dit en voyant le déferlement, en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, des « romans gothiques », des mélodrames ultra sentimentaux aussi spectaculaires par leur nombre que par leur longueur ? Ces ouvrages visaient un lectorat émergent, pas trop exigeant et largement féminin, avide d’héroïnes éthérées qui, dans des châteaux généralement en ruine et en Écosse, se laissaient terroriser pendant des volumes (jusqu’à 10 !) par des bandits, des fantômes ou des séducteurs cyniques. Dans son pavé formidablement détaillé, l’universitaire Hannah Doherty Hudson décrit en grande profondeur ce phénomène littéraire qu’avait stimulé la maison d’édition Minerva Press, aux buts et aux méthodes résolument commerciaux.
Sujets à des modes et donc éphémères, les « romans gothiques » semblaient issus du même moule tant ils se copiaient les uns les autres. Ils étaient bon marché car fabriqués en masse, et même accessibles à bas prix aux abonné(e)s des « bibliothèques circulantes ». Enfin leur inépuisable contenu, stéréotypé et d’une lecture facile, était à la portée des plus rustiques. Samuel Richardson avait lancé le mouvement en 1749 avec Clarissa (7 volumes, 1 million de mots) ; mais c’est Ann Radcliffe la grande pionnière de « ces auteurs qui pour 5 à 10 £ étaient capables de maintenir des demoiselles en mal d’amour suspendues entre espoir et désespoir pendant des milliers de pages », écrit Freya Johnston dans The Times Literary Supplement. Bien entendu les beaux esprits virent d’un mauvais œil cette nuée d’ouvrages réputés médiocres, littérairement comme moralement (« Mauvais auteurs-mauvais lecteurs »), dilatés sans vergogne à coup de plagiats, de tripatouillages typographiques ou de superfluités éhontées. Heureusement, Walter Scott (22 romans en 71 volumes, plus ou moins ancrés dans la réalité historique) et Jane Austen, aux récits plus courts mais stylistiquement comme psychologiquement très soignés, relevèrent le genre. Après avoir publié entre 1790 et 1820 plus d’un quart des livres anglais, la Minerva Press fut emportée par la vague qu’elle avait déclenchée, et que la presse à vapeur de l’Allemand Koenig, aux capacités quadruplées, allait encore renforcer. Aujourd’hui on publie toujours trop de romans, déplore Freya Johnston ; « mais où donc se situe la limite ? ».
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WP_Post Object ( [ID] => 129636 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-08 21:13:33 [post_date_gmt] => 2024-05-08 21:13:33 [post_content] =>Salué par une noria de psychologues et neuropsychologues américains, le livre que leurs collègues Donna Henderson et Sarah Wayland consacrent au « spectre autistique » est un bestseller. Leur propos est simple : « Bien que notre compréhension de l’autisme ait beaucoup progressé, de nombreux individus restent non diagnostiqués ». Il y a beaucoup plus d’autistes qu’on le croit, car « nombre d’aspects de l’autisme ne sont pas inclus dans les critères diagnostics actuels », et, de plus, quantité d’autistes savent « camoufler leurs traits autistiques ». Les auteures se réclament du courant de la « neurodiversité affirmative » et présentent leur livre comme un guide destiné aux praticiens.
Cette approche ne fait pas l’unanimité. Jill Escher, qui préside le National Council for Severe Autism, plaide au contraire pour un resserrement du concept d’autisme, afin de bien distinguer entre l’autisme sévère, qui se traduit par de graves déficits fonctionnels, et des symptômes légers qui parfois se traduisent, à l’inverse, par des facultés exceptionnelles. Le diagnostic d’autisme « couvre aujourd’hui un éventail absurde incluant des personnes excentriques comme Elon Musk, des artistes sensibles comme la chanteuse Sia et des athlètes comme Tony Snell », dont certains « sont tellement performants que je considèrerais mes enfants comme complètement guéris s’ils avaient de telles facultés ».
L’inflation des diagnostics concernant l’autisme a été renforcée par la décision des auteurs du DSM-5, dernière version du manuel de référence de la psychiatrie américaine, de supprimer le syndrome dit d’Asperger. Résultat : le « spectre autistique » est un « concept nébuleux sans frontières bien définies », observe le journaliste Jason Garshfield dans le magazine en ligne Quillette.
[post_title] => Trop ou pas assez d’autistes ? [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => trop-ou-pas-assez-dautistes [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-05-08 21:13:33 [post_modified_gmt] => 2024-05-08 21:13:33 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129636 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 129633 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-08 21:11:56 [post_date_gmt] => 2024-05-08 21:11:56 [post_content] =>Artemisa, une très belle femme d’origine grecque, vit dans Los Abismos, un village perdu dans les montagnes mexicaines de Veracruz, lieu de naissance de l’auteur : un territoire où jungle primitive et civilisation occidentale forment un équilibre singulier. Artemisa, qui a repris l’entreprise dont elle a hérité, est désirée par tous, vénérée comme une déesse. Mais toute histoire d’amour avec elle est vouée au malheur. Telle celle contée par le narrateur, lorsqu’ils étaient jeunes l’un et l’autre ; et celle qu’elle a engagée avec M. Teodorico, l’homme le plus puissant de l’État de Veracruz, de vingt-cinq ans son aîné. Cet homme violent lui voue un amour obsessionnel. Mais dès les premières pages, Artemisa a noué une autre relation obsessionnelle, plus étrange, avec un taureau. L’auteur projette ici le mythe grec du Minotaure. Pour garantir à Minos son maintien sur le trône de Crète, Poséidon a fait surgir de la mer un superbe taureau blanc, que Minos devait sacrifier. Minos le trouve si beau qu’il lui substitue une autre victime. Poséidon se venge en obligeant la reine Pasiphaé à tomber amoureuse du taureau. Elle s’abandonne à lui, donnant naissance au Minotaure, un être à corps d’homme et à tête de taureau.
« J’aime l’idée que le Mexique et la Grèce soient deux territoires fondés sur le rituel », confie à El Sol de México Jordi Soler, qui vit à Barcelone. Son message tient cependant surtout à la personnalité d’Artemisa. Elle est « une femme du XXIe siècle », explique-t-il, en ce sens qu’elle traduit l’émancipation des femmes, une évolution qui ne doit rien à leur beauté. Mais « on ne peut ignorer que la beauté d’une femme est source de pouvoir, que ce pouvoir existe et fait bouger le monde. Il y a des femmes qui accomplissent des choses extraordinaires grâce à leur beauté, des choses qu’elles n’auraient pas accomplies si elles n’avaient pas été belles ».
[post_title] => La trop belle Artemisa [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => la-trop-belle-artemisa [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-06-04 11:27:42 [post_modified_gmt] => 2024-06-04 11:27:42 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129633 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 129629 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-08 21:09:00 [post_date_gmt] => 2024-05-08 21:09:00 [post_content] =>À côté de longues heures de travail solitaire, la communication entre savants est une composante centrale de la vie scientifique. La comparaison des résultats, la discussion des méthodes, la critique des théories peuvent s’effectuer oralement, à l’occasion de conférences, dans les salles de séminaire ou même, souvent, dans les couloirs et les cantines des laboratoires ou des centres de recherche. Mais les échanges s’opèrent aussi et surtout sous forme écrite. Longtemps après l’apparition, au XVIIe siècle, des premières revues scientifiques, la lettre personnelle est demeurée un instrument privilégié. Elle permet des échanges plus rapides et plus directs que les articles et les livres, dont la publication prend un certain temps et qui sont soumis à certaines conventions de présentation.
Pour l’historien qui veut reconstruire la genèse de leurs idées, la correspondance des scientifiques est donc un matériau extrêmement précieux. Elle constitue de surcroît une source d’information très riche sur leur caractère ainsi que sur le contexte politique, social et culturel de leur activité. Historien des sciences, José Manuel Sánchez Ron a étudié toute sa vie ce type de document. Arrivé à la fin de sa carrière, il a eu l’idée de publier une anthologie commentée de lettres de savants de toutes les époques. Elles sont insérées dans un texte abondant qui fournit toutes les informations nécessaires sur la vie, la carrière et les travaux de leur auteur et les circonstances dans lesquelles elles ont été rédigées. L’ensemble, d’un volume impressionnant (plus de 800 pages), compose un ouvrage original : l’histoire de 500 ans de découvertes et d’inventions à travers une série de lettres qui en illustrent les plus fameux épisodes.
Une querelle de priorité, on le sait, opposa Newton et Leibniz au sujet du calcul infinitésimal, qu’ils avaient inventé indépendamment l’un de l’autre dans deux formulations différentes – c’est celle de Leibniz qui s’imposa. Le débat entre les deux hommes avait toutefois une autre dimension. La physique de Newton impliquait l’existence d’un espace absolu, une idée aujourd’hui abandonnée que Leibniz refusait de toutes ses forces pour des raisons philosophiques autant que scientifiques. Un échange épistolaire s’ensuivit entre le philosophe et l’évêque Samuel Clarke, porte-parole de Newton. Sánchez Ron, qui en cite des extraits, fait remarquer à quel point la manière de raisonner des deux hommes est proche de celle de Platon et d’Aristote, 2000 ans auparavant. Une autre controverse mentionnée dans l’ouvrage est la dispute au sujet des nombres transfinis, dont Georg Cantor affirmait l’existence, énergiquement contestée par Leopold Kronecker, qui précisait toutefois dans une lettre à son interlocuteur à propos de leur désaccord : « Je ne vois aucune raison pour que nos relations personnelles soient affectées par ces divergences de quelque manière que ce soit ». On lit également la lettre « dévastatrice » par laquelle Bertrand Russell communique à Gottlob Frege qu’il a découvert un paradoxe ruinant son ambition de réduire les mathématiques à la logique. En physique, le développement de la mécanique quantique et la question de son interprétation donnèrent lieu à de nombreux échanges entre Heisenberg, Bohr et Einstein, dont plusieurs lettres sont citées. En biologie, la théorie de l’évolution, simultanément imaginée par Charles Darwin et Alfred Wallace – leurs relations épistolaires restèrent toujours très courtoises –, se heurta immédiatement à de violentes critiques. Un de ses avocats les plus fervents et éloquents fut le biologiste Thomas Huxley. Dans une lettre au fils de Darwin, il décrit le débat, rapidement devenu légendaire, qui l’opposa sur ce point à Oxford à l’évêque Samuel Wilberforce.
D’autres grands moments, moins tendus, sont rappelés à l’aide d’extraits de correspondance : les voyages d’Alexander von Humboldt, les progrès de la théorie de l’électricité grâce à Volta, Ampère et Ørsted, l’avènement de l’électromagnétisme avec Maxwell et Hertz, la naissance des géométries non euclidiennes, éclairée par des lettres de Gauss et Bolyai, l’élaboration de la théorie cellulaire par Rudolf Virchow, les travaux décisifs de Pierre et Marie Curie sur la radioactivité et la découverte de la structure de l’ADN par James Watson et Francis Crick, annoncée par ce dernier dans une lettre à son fils un an avant la publication de l’article qui allait en rendre compte dans Nature. Deux lettres sont associées à des événements singuliers, tragique dans le premier cas, mystérieux dans le second : celle qu’écrivit le mathématicien Évariste Galois deux jours avant le duel qui allait lui coûter la vie, à l’âge de 21 ans, dans laquelle il donnait des instructions sur ce qu’il fallait faire des papiers qu’il laisserait derrière lui en cas d’issue fatale ; et la lettre du physicien prodige italien Ettore Majorana annonçant en 1938 (il avait 32 ans) son intention de « disparaître », sans qu’on sache quel sens il donnait à ce mot. Suicide, retrait du monde, émigration dans un pays lointain, on ne l’a pas revu et la question n’a jamais été définitivement résolue. En guise de surprise, José Manuel Sánchez Ron offre à ses lecteurs, dans les dernières pages, quelques lettres de Vladimir Nabokov, souvent qualifié de lépidoptériste amateur mais que le paléontologue Stephen Jay Gould considérait comme « un taxonomiste professionnel tout à fait compétent ». L’une d’entre elles concerne une espèce de papillon qu’il a identifiée et à laquelle il a donné son nom.
En politique de recherche, on retiendra une longue lettre de Pasteur envoyée en 1862 au ministre de l’Instruction dans laquelle il présente avec une étonnante précision et un grand luxe de détails le programme de recherche fondamentale et appliquée dont l’exécution allait l’occuper durant toute sa carrière, ainsi qu’une autre, adressée par John von Neumann au contre-amiral Lewis Strauss (l’adversaire résolu de Robert Oppenheimer lors de son audition de sécurité), plaidant avec brio, arguments chiffrés à l’appui, en faveur de la construction d’un puissant ordinateur à l’Institute for Advanced Study de Princeton. Le projet Manhattan de réalisation de la bombe atomique est documenté par toute une série de lettres : celle qu’Einstein, à l’initiative de Leo Szilard, envoya au président Roosevelt pour l’alerter au sujet du risque de voir l’Allemagne mettre au point une telle arme ; une lettre du haut fonctionnaire scientifique Vannevar Bush au même Roosevelt insistant sur l’urgence d’une action dans ce domaine ; une lettre d’Oppenheimer à Hans Bethe et sa femme décrivant le centre de Los Alamos où ils allaient travailler ; une curieuse lettre du général Groves à Oppenheimer énumérant les précautions qu’il devait prendre pour assurer sa sécurité personnelle (« s’abstenir de voler en avion [et] de conduire une automobile sur une distance importante ») ; enfin, une très longue lettre de Richard Feynman à sa mère dans laquelle il raconte en détail la préparation et l’exécution du premier test d’explosion nucléaire « Trinity », en juillet 1945, et décrit l’enthousiasme de l’équipe de chercheurs et de techniciens lorsqu’il se révéla un succès total, leur excitation devant la réussite d’une entreprise qui avait mobilisé tous leurs efforts durant presque trois ans : « Nous sautions, criions, courions en nous tapant sur l’épaule, nous nous donnions des poignées de main et nous félicitions mutuellement en faisant des hypothèses sur la quantité d’énergie libérée ».
Ce que les lettres de scientifiques révèlent de leur personnalité peut s’avérer décevant lorsqu’ils s’y montrent jaloux et mesquins sur le plan professionnel, ou durs et égoïstes en matière privée. Réputé pour ses vues d’un profond humanisme, Einstein, dans une lettre à sa femme Mileva Marić écrite après qu’il eut accepté un poste à Berlin où habitait sa maîtresse et future seconde épouse, énumère avec une froideur proche de la cruauté les conditions auxquelles elle peut le rejoindre pour continuer à vivre dans le domicile familial. À l’opposé, la correspondance de Richard Feynman met en lumière la générosité et la délicatesse dont, derrière son comportement excentrique, irrespectueux et bouffon, il se montrait le plus souvent capable. On le voit dans une lettre très aimable qu’il adressa un jour à un inconnu qui l’avait contacté pour lui soumettre des idées pas du tout étayées, le type de lettre dont peu de scientifiques de son niveau, souligne Sánchez Ron, auraient jugé qu’elles méritaient une réponse ; ou dans une autre destinée à un de ses anciens étudiants japonais, déprimé à l’idée qu’il travaillait dans l’obscurité sur des problèmes insignifiants. « Aucun problème n’est trop petit ou trivial si l’on peut en faire quelque chose », dit-il à son correspondant après avoir énuméré tous ceux, très « humbles », dont il s’était lui-même occupé, ajoutant : « Tu dis que tu es un homme anonyme. Tu ne l’es ni pour ta femme ni pour ton fils. Ni pour tes collègues […]. Tu n’es pas anonyme pour moi. »
L’ouvrage s’achève sur une note personnelle. Dans l’épilogue, José Manuel Sánchez Ron mentionne les correspondances de quelques savants espagnols auxquels il s’est professionnellement intéressé, dont le pionnier de l’étude du cerveau Santiago Ramón y Cajal, ainsi que des échanges épistolaires qu’il a eus avec les physiciens John Wheeler, Fred Hoyle et Hermann Bondi sur la manière dont ils avaient traité la question des actions à distance en mécanique relativiste, objet de sa thèse de doctorat, le premier en électrodynamique, les deux autres en cosmologie. À la fin de l’introduction, il avait déploré la disparition presque complète, de nos jours, du genre de correspondance à laquelle le livre est consacré, avec l’avènement du courrier électronique, certes instantané et commode, mais moins riche de contenu, moins personnel et de conservation aléatoire. Et il avait souligné à quel point il allait être difficile, pour les historiens de la science de l’avenir, d’effectuer pour celle d’aujourd’hui le type de reconstitution auquel ces documents nous permettent de nous livrer dans le cas de celle du passé. En écho à ces considérations nostalgiques, l’ouvrage se clôt sur quelques lignes d’hommage à la mémoire des lettres en papier, « manuscrites ou dactylographiées, qui hébergeaient tant d’idées, de souvenirs, de confidences, de joies, de douleurs, d’espoirs ou de frustrations ».
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WP_Post Object ( [ID] => 129587 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-01 18:00:20 [post_date_gmt] => 2024-05-01 18:00:20 [post_content] =>En France, on dit souvent de Noël Coward qu’il est « le Sacha Guitry anglais ». De l’autre côté de la Manche, Guitry est volontiers décrit comme « le Noël Coward français ». Sans être dépourvue de fondement, cette double comparaison ne vaut qu’en première approximation. Les deux hommes ont dominé la scène théâtrale de leurs pays respectifs durant l’entre-deux-guerres. Tous deux ont écrit des comédies de mœurs légères, brillantes et impertinentes, dont ils interprétaient presque toujours eux-mêmes le principal rôle masculin. L’un et l’autre se sont aventurés dans le cinéma et étaient connus pour leur sens de la repartie et leurs mots d’esprit. Mais la ressemblance s’arrête là. Coward fut aussi chanteur de music-hall et l’auteur de comédies musicales, genre auquel Guitry ne toucha jamais. Lecteur assidu, ami de nombreux écrivains (Somerset Maugham, Rebecca West, Evelyn Waugh, Graham Greene), doté d’une impressionnante facilité avec les mots et la langue, il peut cependant moins facilement être rattaché au monde de la littérature que Guitry, autodidacte comme lui mais plus fin styliste et plus profond moraliste. Enfin, les œuvres des deux hommes sont le reflet et le produit de deux traditions artistiques et de deux psychologies nationales différentes. Si Guitry avait Molière, Beaumarchais et Marivaux pour modèles, le mélange de scepticisme stoïque, de compassion amusée pour les faiblesses humaines, de solide bon sens et de patriotisme sentimental qu’on trouve dans les pièces et les films de Coward est très représentatif du caractère anglais. Il en était conscient et fier, comme le montre ce passage, un peu grandiloquent il est vrai, d’une lettre à sa mère, écrite – ce n’est pas fortuit – durant la Seconde Guerre mondiale : « Les qualités qui m’ont apporté le succès sont entièrement britanniques […]. Tout ce que j’ai écrit n’aurait jamais pu être écrit par quelqu’un d’autre qu’un Anglais. »
La production de Noël Coward est abondante et multiforme : cinquante pièces de théâtre, une dizaine de comédies musicales, des centaines de chansons, des poèmes, plusieurs recueils de nouvelles, un roman, des scénarios pour le cinéma et la télévision et trois volumes d’autobiographie. Il a laissé un journal couvrant une trentaine d’années et, prolifique épistolier, une abondante correspondance. Quatre biographies lui ont été consacrées. La dernière en date a été publiée en 2023, à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort. Son auteur, Oliver Soden, a pu exploiter des documents inédits, notamment la partie de son journal rédigée durant la Seconde Guerre mondiale. En dépit d’un procédé de construction inutilement inventif (certains passages, heureusement courts, se présentent comme des scénarios de pièces), le livre est d’une grande qualité et ouvre des aperçus éclairants sur la personnalité de Coward.
Né en 1899 dans une famille de classe moyenne inférieure, Noël Coward fut très tôt arraché de l’école par sa mère, qui avait précocement détecté chez lui des dons de comédien qu’elle voulait l’encourager à exploiter. Elle suivra avec attention sa carrière et il ne cessa jamais de lui écrire très régulièrement. Propulsé dans l’univers des enfants acteurs, il devint le protégé d’un peintre amateur de jeunes garçons. Après avoir évité de peu d’être envoyé au front de la Première Guerre mondiale en raison de sa fragilité nerveuse, il fit rapidement son chemin sur la scène théâtrale londonienne, comme acteur et comme auteur. En 1924, à l’âge de 25 ans, il remportait son premier triomphe avec The Vortex, un drame mettant en scène les relations troubles d’une femme obsédée par les hommes et de son fils cocaïnomane. Entretemps, il avait fait un séjour à Broadway, d’où il avait ramené l’idée que les clés du succès d’une comédie sont le rythme et la vitesse. Il l’appliquera dans ses grandes comédies classiques des années 1920 et 1930 et du début des années 1940 : Hay Fever, Private Lives, Design for Living et Present Laughter, qui sont régulièrement jouées aujourd’hui encore. La plus fameuse, Private Lives, met en scène un homme et une femme divorcés qui se retrouvent lors de leur nuit de noces avec leurs nouveaux partenaires dans le même hôtel et découvrent qu’ils s’aiment toujours. Coward, qui écrivait avec une grande facilité, a toujours prétendu qu’il rédigeait ses pièces d’un jet. Après d’autres biographes, Soden souligne à quel point elles étaient en réalité le produit d’un travail ardu. Grâce à ce répertoire et aux comédies musicales et revues qu’il montait en parallèle, il fut durant ces années l’un des acteurs les mieux payés de la planète. Leur succès lui permit de s’introduire, au-delà du milieu théâtral et littéraire, dans le monde politique et la haute société, jusqu’à la famille royale britannique. Comme le montrent ses lettres, il connaissait littéralement tout le monde, de Churchill et Roosevelt à la reine mère Elisabeth en passant par Anthony Eden et T. E. Lawrence. Ce dernier lui ayant écrit une lettre portant, dans l’en-tête, son numéro de matricule militaire, Coward lui répondit en commençant de la manière suivante : « Cher 338171, (Puis-je vous appeler 338 ?) ».
Peut-être parce qu’il se sentait coupable d’avoir été déchargé de ses obligations de soldat en 1918 pour raisons de santé, Coward fit tout ce qu’il pouvait pour se mettre au service de son pays durant la Seconde Guerre mondiale. Son ambition était de se voir confier des missions de renseignement. Il en effectua quelques-unes mais, pour l’essentiel, sa contribution à l’effort de guerre prit la forme de tournées devant les troupes, d’une chanson satirique sur les Allemands qu’affectionnait Churchill et d’un film patriotique dont il était très fier, Ceux qui servent en mer, inspiré par les exploits de Lord Mountbatten lors de la bataille navale de Crète. Le coréalisateur était David Lean, avec qui il réalisa plusieurs autres films, dont le très beau Brève rencontre, adaptation d’une de ses pièces qui raconte une histoire d’amour impossible entre un homme et une femme tous deux mariés.
Après la guerre, Coward ne retrouva plus jamais le succès qu’il avait connu durant les deux décennies précédentes. La qualité de son inspiration était moins bonne, et la société qu’il avait connue, dont son théâtre était le produit, changeait rapidement. Pour échapper à la pression fiscale, il s’établit à la Jamaïque, où il eut notamment pour voisin Ian Fleming. En politique, son conservatisme spontané s’accentua. Sur le plan professionnel, il poursuivit à Las Vegas une carrière de chanteur de music-hall virtuose qui lui valut de nouveaux triomphes et lui fournit l’occasion de se faire des amis à Hollywood. L’irruption sur la scène théâtrale londonienne, dans les années 1950, des « jeunes hommes en colère » emmenés par John Osborne, ainsi que du nouveau théâtre de Pinter, Beckett et Ionesco, ne suscita chez lui que des sarcasmes. Il finit pourtant par reconnaître des qualités à une pièce de Pinter. Bien que la critique sociale prenne chez ces auteurs une forme très différente de celle qu’elle revêtait dans son théâtre, certains trouvent chez Pinter, Osborne et même Beckett des traces d’une influence de Coward, que celui-ci aurait cependant été le dernier à reconnaître.
Comme beaucoup d’acteurs – et son tempérament était fondamentalement celui d’un acteur –, Noël Coward était en représentation permanente. À côté de ses pièces, sa création la plus réussie, dit-on souvent, fut celle de son personnage. Dans cinquante ans, affirmait un peu imprudemment le critique théâtral Kenneth Tynan, même les plus jeunes d’entre nous sauront ce qu’est « un type de personne à la Noël Coward ». On sait ce qu’il entendait par là : le fume-cigarette, la robe de chambre en soie, la mise impeccable, un air de nonchalance distinguée. Cette apparence très calculée, soutient Oliver Soden, avait notamment pour fonction de masquer un aspect de sa vie sur lequel, bien qu’il fût notoire, il n’entendait pas s’exprimer publiquement : son homosexualité. Parce que l’homosexualité est restée illégale en Grande-Bretagne durant la plus grande partie de sa vie, mais aussi parce que la sexualité en général relevait strictement à ses yeux du domaine privé. La passion amoureuse effrayait Coward, parce qu’elle impliquait une perte de contrôle à laquelle il se refusait. On ne lui connaît que quelques liaisons durables dont l’une avec l’homme d’affaires Jack Wilson, qui finit par l’escroquer, et une autre avec l’acteur Graham Payn avec lequel, en compagnie de son secrétaire (et premier biographe) Cole Lesley, il passa les trente dernières années de son existence. Toute sa vie, il fut par ailleurs entouré de femmes auxquelles le liait une amitié profonde : les actrices Esmé Wynne, Gertrude Lawrence et Lynn Fontanne au début de sa carrière, sa secrétaire et confidente Lorn Loraine et la styliste des costumes de ses pièces, Gladys Calthrop, durant un demi-siècle, plus tard Marlene Dietrich et Greta Garbo.
Les admirateurs de Noël Coward le présentent fréquemment comme l’héritier et le continuateur d’Oscar Wilde et de Bernard Shaw. Le premier est mort trop tôt pour qu’il l’ait connu, et il n’en pensait aucun bien. Leurs pièces se caractérisent par le même goût pour les dialogues étincelants et la même recherche de la formule mémorable, mais celles de Wilde sont beaucoup mieux construites. Comme le souligne le critique américain Daniel Mendelsohn, elles sont en effet l’œuvre d’un auteur de théâtre, quand celles de Coward sont les créations d’un acteur, d’abord intéressé par le jeu. Bernard Shaw, d’un autre côté, qui a été pour Coward une source d’inspiration, appréciait son travail. Il l’a encouragé à ses débuts tout en le mettant en garde contre la tentation de le copier et n’a cessé de l’admirer. Placer Coward dans son sillage a donc du sens. Il est toutefois commun de ne reconnaître à Coward que « le talent d’amuser ». Tirée d’une chanson d’une de ses opérettes, Bitter-Sweet, la formule a été utilisée (amputée de son premier mot, l’adverbe restrictif « juste ») comme titre d’une de ses premières biographies. Elle figure sur une plaque commémorative à son nom dans l’abbaye de Westminster. L’aurait-elle choqué ? Coward était lucide au sujet de la qualité très inégale de ses innombrables réalisations. Mais il avait une claire conscience de son talent et de la valeur de ce qu’il avait accompli. Surtout, il ne considérait pas qu’amuser fût indigne. Face à l’hypocrise des rapports sociaux, à la futilité des ambitions, à la tragédie de la guerre, aux inévitables souffrances de la vie sentimentale, un sourire ironique mais indulgent lui semblait la meilleure attitude. Dans ses comédies comme dans l’existence qu’il a menée s’exprimait une philosophie, facile et peu profonde diront certains, mais sage et cohérente, inséparable de la volonté de bonheur, de la générosité et du don de l’amitié qui éclatent dans ses lettres et dont témoignent tous ceux qui l’ont connu.
[post_title] => Noël Coward : « le talent d’amuser », et plus [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => noel-coward-le-talent-damuser-et-plus [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-05-01 18:00:21 [post_modified_gmt] => 2024-05-01 18:00:21 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129587 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 129584 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-01 17:51:12 [post_date_gmt] => 2024-05-01 17:51:12 [post_content] =>Il fut un temps où gravir l’Everest relevait de l’exploit sportif individuel. Gravir le sommet du monde requiert aujourd’hui de s’adresser à une entreprise spécialisée et de payer 110 000 $ si elle est occidentale, 40 000 $ si elle est népalaise (c’est désormais le cas de 85 % d’entre elles). Les sherpas installent des cordes pour que les clients puissent monter plus aisément. Les équipements sont de plus en plus sophistiqués et légers. On voit les files monter à la queue leu leu comme sur un escalier roulant. Des enfants de 13 ans, des septuagénaires, des doubles amputés même ont atteint le sommet. Mais malgré les progrès de la météo, l’entreprise reste dangereuse. Dix-huit personnes ont trouvé la mort en 2023, un record.
Curieusement, l’annonce d’accidents en série joue plutôt le rôle d’un stimulant, constate Will Cockrell dans un livre à la tonalité désabusée. La terrible saison 1996, racontée par Jon Krakauer dans Tragédie à l’Everest, a dopé la demande. Pour les amateurs d’émotions paradoxales, le changement climatique est au rendez-vous : la station qui mesure la température vers 5 000 mètres d’altitude enregistre un refroidissement régulier au fort de l’été depuis quinze ans. Heureusement les hélicoptères veillent, rappelle Carl Hoffman dans The Washington Post ; il s’étonne que Cockrell oublie de les mentionner. Pour se porter candidat, il faut être riche et de préférence malheureux (divorce, deuil…). Pour les sherpas, l’objectif est transparent : bien gagner sa vie. Certains sont d’extraordinaires grimpeurs (l’un d’eux a atteint 29 fois le sommet). Ils ne sont pas toujours sûrs de bien comprendre les motivations de leurs clients. Un sherpa cité par Cockrell demande : « Pourquoi viennent-ils ici chercher des choses qu’ils n’y ont pas perdues ? »
[post_title] => L’Everest, mortelle industrie [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => leverest-mortelle-industrie [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-05-01 17:51:13 [post_modified_gmt] => 2024-05-01 17:51:13 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129584 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 129581 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-01 17:49:01 [post_date_gmt] => 2024-05-01 17:49:01 [post_content] =>« Mon seul crime c’est d’être juif », disait Alfred Dreyfus. Exact, confirme l’historien américain Maurice Samuels, mais sommaire. « L’Affaire » est en effet un prisme qui réfracte les très diverses composantes de l’antisémitisme français – et tous ses paradoxes. À commencer par celui-ci : c’est en France que se déclenche en 1894 cette formidable éruption, alors que les juifs y étaient émancipés depuis bien plus longtemps qu’ailleurs en Europe, et qu’ils n’y représentaient qu’une toute petite minorité (2/1000) par ailleurs remarquablement « intégrée ». Même chez les militaires, l’antisémitisme ne faisait pas florès – sauf dans l’état-major général.
Hélas, lorsqu’en 1894 on a découvert un bordereau témoignant d’une trahison au plus haut niveau de l’armée, c’est le capitaine Alfred Dreyfus qui a fait aussitôt figure de coupable idéal. Polytechnicien et tête de classe à l’école de guerre, il avait dû batailler ferme pour rejoindre cet état-major général auquel son classement le destinait de droit, et il n’y était pas bien vu. D’autant moins qu’il était aussi alsacien (avec de la famille restée sur place, donc allemande), hautain, germanophone, intello et moderniste, avec des revenus personnels qui représentaient vingt fois le salaire de ses collègues officiers supérieurs. On connaît la suite…
La France entière s’est alors divisée en deux, selon des clivages plus complexes que celui entre philo et antisémites, « la France libérale, démocrate, laïque, cosmopolite et urbaine se retrouvant dressée contre la France cocardière, provinciale, catholique, anti-républicaine et xénophobe », résume Ian Buruma dans The Spectator. Puis, tandis que Dreyfus dépérissait sur l’île du Diable et que l’armée s’enferrait dans ses mensonges et ses machinations, les lignes ont bougé et les positions se sont radicalisées. Les juifs, qui ne s’étaient pas initialement solidarisés avec le « traître Dreyfus » (à la grande indignation d’Hannah Arendt), ont fini par rallier le camp dreyfusard, tandis que les socialistes se sont subdivisés : pour Jules Guesde, « l’Affaire » n’était qu’une querelle de capitalistes, tandis que pour Jaurès la cause de Dreyfus était celle de l’humanité opprimée. Blum puis Zola – lequel était plutôt porté vers l’antisémitisme (voir son roman L’Argent !) – se sont rangés du côté universaliste et légaliste, tandis que Barrès et autres voulaient protéger la nation encore sous le coup de l’humiliation de 1870. Le clivage traversera même le groupe des impressionnistes, Monet se retrouvant plutôt isolé du côté des dreyfusards. Le potentiel disruptif de l’Affaire se propagera à travers le temps (Vichy) et l’espace. La dégradation de Dreyfus, que Theodor Herzl avait couverte comme journaliste, n’a-t-elle pas galvanisé le sionisme ?
[post_title] => Le potentiel disruptif de l’antisémitisme [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-potentiel-disruptif-de-lantisemitisme [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-05-01 17:49:02 [post_modified_gmt] => 2024-05-01 17:49:02 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129581 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 129578 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-01 17:47:11 [post_date_gmt] => 2024-05-01 17:47:11 [post_content] =>Représentante d’une génération d’écrivains de la littérature dystopique latino-américaine, l’Argentine Agustina Bazterrica nous installe dans une sorte de monastère dirigé par une sœur supérieure exerçant un pouvoir tyrannique. Plusieurs femmes ayant survécu à une hécatombe sont enfermées dans ce couvent et soumises à un régime de terreur. Elles ne peuvent sortir car le monde a été détruit par une série de catastrophes écologiques et humaines.
Le roman Las indignas prend la forme du journal intime d’une des prisonnières. Elle décrit les journées passées avec ses codétenues dans la « Maison de la Sœur Sacrée », sous le commandement féroce de la Sœur Supérieure et d’un chef invisible et puissant simplement connu sous le nom de « El » (Lui). La narratrice tente de capturer les expériences vécues au sein de ce centre monstrueux en produisant durant la nuit des écrits clandestins, espérant laisser une trace. Elle raconte des cérémonies, des mutilations, des sacrifices et toutes sortes de violences destinées à atteindre un salut en réalité réservé à une poignée d’élues qui connaîtront l’illumination.
[post_title] => Monastère de la terreur [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => monastere-de-la-terreur [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-06-04 10:57:19 [post_modified_gmt] => 2024-06-04 10:57:19 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129578 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
Dans un entretien avec Infobae Espagne, Agustina Bazterrica explique comment son expérience dans une école dirigée par des religieuses allemandes lorsqu’elle était enfant l’a marquée à jamais. Dans Las indignas, elle a voulu rendre compte de ce climat d’oppression et de morale double, de constante torture psychologique. Pour Bazterrica, la seule façon possible de lutter contre l’oppression passe par l’instruction et les livres. « C’est le seul moyen de comprendre les choses qui se sont produites dans le passé afin qu’elles ne se reproduisent pas. »
WP_Post Object ( [ID] => 129575 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-05-01 17:45:24 [post_date_gmt] => 2024-05-01 17:45:24 [post_content] =>Un philosophe s’interroge sur le sens de la vie. Vaste programme, inépuisable en fait. Sauf à décider que la question est mal posée ou, plutôt, qu’elle ne se pose pas. C’est ce que fait Michael Hampe, professeur à l’École polytechnique de Zurich, dans un petit livre qui vient de paraître outre-Rhin. « Pourquoi ? Une philosophie de l’absence de buts » (c’est le titre) prend à contre-pied une tradition qui remonte à Aristote. D’après celle-ci, rien en ce monde qui ne porte en soi une potentialité à accomplir, rien qui n’existe donc pour une raison. L’homme n’échappe pas à la règle, bien sûr. Son but : « agir en tant qu’être raisonnable, pensant ou parlant », résume le philosophe Dieter Thomä dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Pour Hampe, cette conception aristotélicienne aurait mené la pensée européenne dans l’impasse. Il recommande pour sa part une vie « libérée » de « l’exigence d’avoir un but, d’être un développement, un épanouissement, une réalisation (de qui ou de quoi ?) ». Le risque de perte de repères, de dépression que pourrait entraîner une telle attitude ? Il l’écarte, en estimant, comme le rapporte Thomä, que « ce sont plutôt ceux qui poursuivent désespérément des objectifs et “orientent leur vie vers l’obtention de biens finis” pour se détourner de leur propre mort qui ont l’air désespérés ».
Le concept clé de Hampe est celui d’« attention », forme d’engagement dépouillé de tout intérêt. On est proche de Bouddha et de Simone Weil. « L’abandon des fins a ainsi le double avantage d’aider, dans la pratique, à sortir de l’engrenage téléologique et d’ouvrir, en théorie, un accès sans préjugés au monde », poursuit Thomä, pour qui l’ouvrage de son confrère « ressemble davantage à une méditation qu’à un traité et est ésotérique dans le meilleur sens du terme, […] Hampe [ayant] en commun avec Musil le grand art de parler d’expériences mystiques et existentielles sans pour autant sacrifier la précision ».
[post_title] => Un but dans la vie ? Mais pourquoi donc ? [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => un-but-dans-la-vie-mais-pourquoi-donc [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-05-01 17:45:25 [post_modified_gmt] => 2024-05-01 17:45:25 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129575 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 129538 [post_author] => 48457 [post_date] => 2024-04-25 16:34:46 [post_date_gmt] => 2024-04-25 16:34:46 [post_content] =>Comment peut-on encore oser consacrer un livre à Kafka après la monumentale biographie de Reiner Stach (dont Books s’était fait l’écho dès sa parution allemande) ? Peut-être précisément en ne s’intéressant pas avant tout à la vie de Kafka, en se proposant l’objectif plus modeste d’en éclairer un aspect particulier. C’est le choix qu’a fait Rüdiger Safranski dans un ouvrage dont la minceur (256 pages) tranche avec la longueur des trois volumes de Stach (plus de 2 000 pages en tout). L’occasion est, bien entendu, le centenaire de la mort de l’écrivain, l’un des derniers grands noms de la littérature allemande à qui Safranski ne s’était pas encore attaqué (on doit déjà à ce serial biographer, philosophe de formation, des études sur Nietzsche, Goethe, Schopenhauer, Schiller, Hoffmann, Heidegger et Hölderlin). Pas question, donc, ici de tout dire. Safranski se concentre sur le processus d’écriture de Kafka et « sur les conditions extérieures et intérieures qui permettent ce processus », résume Tilman Spreckelsen dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Et de préciser qu’« à cet égard, la rencontre avec Felice Bauer en 1912 revêt une importance particulière, car le début de la correspondance avec la jeune femme avec laquelle il se fiancera plus tard est “le moment d’une percée créative que Kafka n’avait pas encore vécue” – elle débouchera sur la nouvelle Le Verdict. »Pour autant, le livre de Safranski ne convainc pas vraiment, en particulier la critique littéraire du Süddeutsche Zeitung, Kristina Maidt-Zinke. Pour elle, « il se contente pour l’essentiel de paraphraser les romans et les récits de Kafka, puis de suivre les sentiers d’interprétation habituels, mélange de biographie et de psychologie : famille, conflit paternel, métier, judaïsme, aliénation au monde, sentiment de culpabilité, maladie, relations problématiques avec les femmes. »
[post_title] => L’écriture de Kafka [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => lecriture-de-kafka [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2024-04-25 16:34:47 [post_modified_gmt] => 2024-04-25 16:34:47 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=129538 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )