WP_Post Object ( [ID] => 131093 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-15 12:34:47 [post_date_gmt] => 2025-01-15 12:34:47 [post_content] =>L’année dernière nous avions rendu compte du livre de Dirk Oschmann, « L’Est : une invention ouest-allemande », d’après lequel « l’Ouest se définit toujours comme la norme et considère l’Est comme une déviance ». Le sociologue Steffen Mau inverse la perspective : « ce n’est pas l’Ouest qui a inventé l’Est, mais bien plutôt les Allemands de l’Est qui ont inventé l’Ouest, en réaction à leur expérience de la domination de l’Allemagne occidentale », résume l’universitaire Anne Fuchs dans le Times Literary Supplement.
Ce dont souffrent les « Ossis », analyse Mau, c’est d’abord le fait que paradoxalement la démocratie « clefs en main » que l’Allemagne de l’Ouest a imposé à l’Est en 1990 a empêché une véritable démocratisation. La société s’est vu imposer l’installation dans tous les domaines d’une nomenklatura essentiellement composée de hiérarques venus de l’Ouest. « Pour beaucoup, la perte de leur emploi et de leur statut a créé un ressentiment qui au fil du temps s’est traduit par une profonde défiance à l’égard de l’establishment politique. » Le retentissant succès de l’extrême droite et le remarquable succès de l’extrême gauche aux dernières élections en sont le produit. Il faudrait y ajouter l’effet non seulement du déclin démographique mais aussi de la migration vers l’Ouest d’une fraction significative des femmes ayant reçu une instruction supérieure, laissant derrière elles une population d’hommes frustrés.
[post_title] => Pauvres Allemands de l’Est [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => pauvres-allemands-de-lest [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-15 12:34:48 [post_modified_gmt] => 2025-01-15 12:34:48 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131093 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131090 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-15 12:31:31 [post_date_gmt] => 2025-01-15 12:31:31 [post_content] =>Lorsqu’il apprit qu’il avait reçu le prix Nobel de physique, en 2020, le mathématicien Roger Penrose, qui avait à ce moment-là 89 ans, trouva qu’il lui était décerné trop tôt. Le prix lui avait été attribué pour l’apport de ses travaux sur les trous noirs à la théorie de la relativité générale. Penrose est le plus brillant théoricien de la gravitation depuis Albert Einstein. Ses contributions dans ce domaine sont plus importantes que celles de Stephen Hawking, par exemple, avec lequel il a travaillé et que ses travaux ont inspiré. Si ce dernier est plus connu que lui en dehors de la communauté scientifique, c’est en raison de ses nombreuses interventions publiques et du contraste frappant entre la paralysie de son corps par la maladie et la dimension cosmique des sujets dont il s’occupait. Mais Penrose est aussi un esprit non-conformiste qui n’a jamais cessé de défendre avec opiniâtreté une série de thèses à contre-courant du consensus scientifique. Sur plusieurs questions, il estimait son œuvre inachevée et pensait avoir encore des choses à dire.
Dans le livre qu’il vient de lui consacrer, Patchen Barss met en lumière le type particulier d’intelligence qui le caractérise. Pour rédiger le récit de sa vie, à côté de son abondante œuvre scientifique, de ses livres destinés au grand public et de sa correspondance privée, il s’est appuyé sur des entretiens avec des membres de sa famille, des collaborateurs et certains de ses critiques, ainsi que sur cinq années d’entretiens réguliers avec le mathématicien lui-même. Il ne s’agit pas d’une biographie scientifique. Les travaux de Penrose sont présentés avec précision et clarté, mais leur exposé ne représente qu’une partie seulement des 300 pages. Une grande place est faite à ses origines familiales, avec raison : ses idées scientifiques procèdent largement d’une vision du monde qui s’est formée dans son enfance. L’attention un peu excessive accordée à sa vie sentimentale n’est pas sans justification : Penrose était d’autant plus créatif qu’il avait une muse, à tout le moins il le pensait, ce qui revient sans doute au même.
Roger Penrose a grandi dans une famille de scientifiques et un milieu aisé d’intellectuels et d’artistes. Son père était médecin et généticien. Sa mère avait étudié la médecine, qu’elle pratiqua avant d’abandonner toute activité professionnelle à la demande de son mari, qui était autoritaire et dur avec elle. Excellente joueuse d’échecs, elle n’était pas démonstrative avec ses enfants. Tout aussi peu chaleureux, son père n’avait de lien avec eux que par l’intermédiaire des jeux de l’esprit. Les deux moments de connivence avec lui dont se souviendra plus tard Penrose sont ceux où il lui montra le fonctionnement d’un cadran solaire et lui fit découvrir Saturne au télescope. Puzzles, casse-têtes, jeux logiques, échecs, mathématiques amusantes ou sérieuses : toute la vie familiale, en Angleterre et au Canada, où ils s’étaient établis durant la Seconde Guerre mondiale, tournait autour de ces activités intellectuelles, auxquelles excellaient les enfants : un frère de Roger Penrose deviendra physicien, un autre champion d’échecs professionnel et leur jeune sœur généticienne.
Contre le souhait de ses parents, qui l’auraient volontiers vu médecin, Roger Penrose entreprit des études de mathématiques. Peu intéressé par le calcul et l’algèbre, qui resteront toujours ses points faibles, il se distinguait par une imagination géométrique hors du commun. Toute sa vie, c’est en termes géométriques qu’il réfléchira. Les motifs fantastiques en trompe-l’œil du graveur hollandais M. C. Escher ne cesseront de le fasciner et seront pour lui une source constante d’inspiration. En 1958, il publia en collaboration avec son père un article sur deux fameuses illusions d’optique : l’escalier angulaire qu’on peut gravir ou descendre à l’infini et le triangle impossible, objet censé être en trois dimensions mais qui ne peut pas exister sous cette forme. Il est aussi l’auteur du procédé de pavage apériodique du plan qui porte son nom : l’assemblage d’un petit nombre de formes (il parvint à descendre jusqu’à deux) avec lesquelles on peut couvrir parfaitement une surface sans que les motifs se répètent régulièrement.
Après avoir défendu une brillante thèse en mathématiques pures sur les méthodes de tenseurs en géométrie algébrique, sous l’influence du physicien Dennis Sciama, Penrose s’orienta vers la physique mathématique, plus particulièrement les questions liées à la gravitation et à la relativité générale. En 1965, il présentait le théorème dans ce domaine qui lui vaudra le prix Nobel.
Un mois après la publication par Einstein de la théorie de la relativité générale, en 1915, le physicien allemand Karl Schwarzschild trouva une solution des équations d’Einstein selon lesquelles, sous des conditions de densité extrêmes, l’espace-temps pouvait s’enrouler sur lui-même au point de ne plus laisser échapper la lumière : une possibilité toute théorique. Vingt-quatre ans plus tard, Robert Oppenheimer et un de ses étudiants établissaient que l’effondrement sur elle-même d’une étoile massive en fin de vie pouvait se poursuivre indéfiniment. Ici aussi, le cas de figure était supposé idéal. Ce que le théorème de Penrose démontre est que, sous des conditions assez faciles à rencontrer dans l’univers, toute masse suffisamment grande peut s’effondrer jusqu’à atteindre une densité infinie : les « singularités gravitationnelles », ainsi qu’on appelle ces régions de l’espace-temps, existent réellement.
À Cambridge, Penrose fit la connaissance de Stephen Hawking, dont il accepta de superviser la thèse, partiellement basée sur son théorème. Dans ce travail, Hawking étend l’approche de Penrose à un tout autre type de singularité, le big bang du début de l’univers. On parle donc aujourd’hui des théorèmes de Penrose-Hawking. Convaincu qu’Hawking avait simplement appliqué ses idées à un nouveau domaine, mais aussi généreux et modeste qu’Hawking pouvait se montrer agressivement ambitieux, Penrose ne chercha pas à contester les mérites d’un homme qu’il savait par ailleurs gravement malade. Lorsque Hawking proposa la théorie de l’évaporation progressive des trous noirs par l’intermédiaire de ce qu’on appelle à présent le « rayonnement de Hawking », il le félicita chaleureusement.
Contre la volonté de ses parents, sans beaucoup d’expérience de l’autre sexe, il avait épousé à l’âge de 26 ans une jeune femme assez bohème nommée Joan Wedge. Il eut trois garçons avec elle. Toute sa vie, il prétendra s’être fait piéger dans un mariage avec une personne psychologiquement fragile. La vérité est qu’il reproduisit avec sa femme et ses enfants le comportement de son père avec les siens. Proche de ces derniers seulement lorsqu’il pouvait leur enseigner la science, il avait tendance à s’isoler et à s’enfermer dans son travail. Ses relations avec sa femme se dégradèrent progressivement et ils finirent par se séparer en 1973. À ce moment, il avait renoué avec une ancienne amie de sa sœur nommée Judith Daniels. Leurs relations restèrent platoniques, parce que, bien qu’ayant pour lui de l’affection et de l’admiration, elle n’était pas amoureuse. Les sentiments de Penrose à son égard semblent avoir eu un effet très stimulant sur sa créativité. Elle était mathématicienne et il lui exposait avec enthousiasme ses idées. Il lui écrivait abondamment et les lettres qu’il lui a adressées sont une des principales sources d’information qu’a exploitées son biographe. Après deux liaisons éphémères, il finira par épouser en 1988 une de ses étudiantes, Vanessa Thomas, avec laquelle il eut un quatrième fils.
Roger Penrose faillit se discréditer complètement aux yeux de la communauté scientifique lorsque, dans deux livres destinés au grand public publiés en 1989 et 1994, il avança deux idées. La première, qu’il justifie à l’aide du théorème d’incomplétude de Gödel, est que l’esprit humain est capable d’accéder à des vérités mathématiques par définition hors de portée de la machine la plus intelligente. La seconde, que la conscience est le produit de phénomènes quantiques dans certaines composantes du cerveau. Elles furent très mal reçues. Les logiciens et spécialistes d’intelligence artificielle accusèrent Penrose d’avoir mal interprété le théorème de Gödel. Les biologistes firent valoir que le cerveau n’était pas un environnement dans lequel pouvaient se produire des phénomènes quantiques. Les limites de l’intelligence artificielle et la nature de la conscience sont des questions difficiles qui demeurent aujourd’hui très controversées, et le mathématicien s’aventurait dans un domaine dont, comme il le reconnaissait volontiers, il n’était pas un spécialiste. « Penrose se trompe, mais de manière intéressante », concéda tout de même le philosophe Daniel Dennett.
Dans trois livres de haute vulgarisation postérieurs (2004, 2010 et 2016), Penrose présente plusieurs des autres idées originales développées dans ses articles scientifiques. La première porte sur le moyen de concilier la mécanique quantique et la théorie de la relativité générale. Peu convaincu par les différentes théories proposées à cette fin, il est particulièrement hostile à l’égard de la théorie des cordes, en raison des nombreuses dimensions dont elle postule l’existence : 11 dans une de ses versions. L’approche généralement suggérée consiste à « quantifier » la gravitation. À l’opposé, Penrose propose de dériver de celle-ci les phénomènes quantiques. Pour ce faire, il a forgé une catégorie d’outils mathématiques appelés « twisteurs » qui font appel aux nombres complexes, nombres composés d’une partie réelle et d’une partie imaginaire auxquels il voue un amour particulier.
En cosmologie également, il avance des thèses inorthodoxes. Lorsque Stephen Hawking, après l’avoir défendue avec ardeur, abandonna l’idée que l’information entrant dans un trou noir y était perdue à jamais, il lui reprocha de ne pas être resté fidèle à son intuition première. Le principe de cette disparition est en effet une composante du modèle d’histoire de l’univers qu’il finit par développer. Baptisé « cosmologie cyclique conforme », ce modèle exclut la présence du big bang ainsi que la phase d’expansion extrêmement rapide dans les premiers moments de l’histoire de l’univers appelée « inflation » que les cosmologistes postulent pour expliquer l’homogénéité de l’univers à grande échelle.
Dans ce modèle, lorsque le processus d’expansion de l’univers arrive à sa fin, toutes les particules massives ont disparu dans des trous noirs ou par annihilation réciproque par un mécanisme inconnu et ne subsistent que des photons. Or les photons n’ont pas de masse. « Des particules sans masse, résume Patchen Barss dans des termes souvent employés par Penrose, n’expérimentent pas le temps. Elles n’expérimentent pas non plus l’espace. Dans un univers rempli uniquement de photons, les distances et les échelles cessent d’exister. » La fin de l’univers, conclut Penrose, coïncidera avec le début du suivant, et ce que nous appelons le big bang est en réalité la fin de l’univers qui a précédé le nôtre. L’idée d’un tel processus d’éternel recommencement le séduisait pour des raisons esthétiques et parce que la perspective d’un univers vide et désolé à jamais lui paraissait déprimante. Mais le modèle qu’il proposait ne convainquit pas. Il le défendit avec une ferveur qui préoccupait ses amis, qui ont toujours été nombreux parce qu’il est un homme simple et accessible. Lorsqu’il s’aventura à exposer ses idées dans un talk-show très populaire aux États-Unis, sa seconde femme, qu’effrayaient les risques qu’il prenait pour sa réputation, le quitta.
Bien que de plus en plus gêné par les effets de l’âge et une quasi-cécité, Roger Penrose n’a jamais cessé de travailler. Suite à l’échec d’une tentative de mettre sur pied un institut ayant vocation à étudier ses idées, il poursuit ses effort en solitaire, en contact étroit avec quelques partenaires intellectuels, dont la physicienne Ivette Fuentes. Depuis quelques années, il suit avec attention la production des cartes de plus en plus précises du rayonnement du fond du ciel que permettent d’établir les télescopes en orbite. Il espère y découvrir la trace d’un univers ayant précédé le big bang, qui viendrait corroborer sa théorie de cosmologie cyclique conforme. Interrogé sur ce qui constitue à ses yeux son héritage scientifique le plus important, c’est la théorie des twisteurs qu’il mentionne. Elle donne lieu aujourd’hui à de nombreux développements intéressants en mathématique et en physique et il la juge trop belle mathématiquement pour ne pas être démontrée vraie un jour. Questionné sur sa vie privée, il affirme que l’échec de celle-ci était le prix à payer pour ses réalisations scientifiques. Les scientifiques et les artistes concentrent de fait leurs énergies sur leur travail, et c’est assurément une des principales clés de leur succès. Dans le cas de Penrose, il faut aussi bien sûr mentionner la puissance inhabituelle de son imagination, qui l’a parfois conduit sur des chemins risqués. Il ne manque pas d’exemples de savants de premier plan qui se sont obstinément fourvoyés, surtout à la fin de leur vie, dans des directions sans avenir – Einstein, par exemple, dans ses efforts pour parvenir à une théorie de grande unification. Les voies inexplorées sur lesquelles Roger Penrose s’est engagé sont-elles vraiment toutes sans issues ? L’avenir le dira.
[post_title] => L’imagination géométrique de Roger Penrose [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => limagination-geometrique-de-roger-penrose [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-15 12:36:48 [post_modified_gmt] => 2025-01-15 12:36:48 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131090 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131064 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-09 12:24:49 [post_date_gmt] => 2025-01-09 12:24:49 [post_content] =>Nous le constatons tous, les frontières entre les âges de la vie ont fortement tendance à s’estomper. Sympathique à certains égards, cette évolution est en réalité des plus fâcheuses, estime le criminologue Keith Hayward. Le problème joue dans les deux sens : les adultes sont traités et se voient de plus en plus comme des jeunes, et les jeunes sont de plus en plus traités comme des adultes. Comme en témoigne entre autres phénomènes le film Barbie, Hollywood mise à fond sur une tendance dont rend bien compte l’expression américaine « aging backwards », que l’on pourrait traduire par « vieillir à reculons ». Les marchands en ligne nous appellent désormais par notre prénom, les vieillards circulent en patinette, les étudiants aiment être traités comme des gosses à protéger contre les idées dérangeantes et le marché de l’« esthétique médicale », dominée par les traitements anti-âge, devrait passer de 82 à 143 milliards de dollars dans les cinq prochaines années. En sens inverse, les bébés, dès qu’ils marchent, sont abreuvés de contenus lestés d’idéologie politique, Greta Thunberg est présentée comme une experte en climatologie et les tribunaux ne savent plus très bien où situer l’âge auquel on peut être jugé pleinement responsable de ses actes, fussent-ils de nature terroriste.
Les racines du mal ? Une société dans laquelle « les adultes sont incités à développer et cultiver un sentiment de vulnérabilité, cela se combinant avec un attirail narcissique fait de complaisance et d’apitoiement envers soi-même », résume un contributeur anonyme sur le site Grey Goose Chronicles. « Quand la société agit de façon aussi hypocrite, écrit Hayward, en “adultifiant” d’un côté et en infantilisant de l’autre, elle joue un jeu de duplicité des plus dangereux », capable à la longue de miner la démocratie elle-même. Hayward pousse peut-être le bouchon un peu loin, écrit The Economist, car il se pourrait que l’ubiquité des nouveaux médias rende aujourd’hui beaucoup plus visible une réalité déjà présente à l’époque des baby-boomers.
[post_title] => Y a-t-il encore des adultes ? [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => y-a-t-il-encore-des-adultes [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-09 12:24:49 [post_modified_gmt] => 2025-01-09 12:24:49 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131064 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131061 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-09 12:22:16 [post_date_gmt] => 2025-01-09 12:22:16 [post_content] =>Victime de la dérive autoritaire du gouvernement de Daniel Ortega au Nicaragua, l’écrivaine Gioconda Belli, déchue de sa nationalité, aborde dans son dernier roman une sorte de biographie cachée.
Le personnage central du livre, Penélope, est une Nicaraguayenne de 45 ans qui se rend en Espagne pour s’occuper des affaires de sa mère Valeria, récemment décédée. Après avoir lutté pour renverser la dictature de Somoza, Valeria, déçue par la révolution sandiniste à laquelle elle avait contribué, avait émigré à Madrid, où elle est morte dans la solitude la plus totale. Enfermée pendant quatre mois à cause de la pandémie, plongée dans l’intimité d’une mère qu’elle a toujours sentie absente, Pénélope découvre la vie passionnante d’une femme marquée par des triomphes et des défaites, la clandestinité et les vicissitudes de l’amour. Entre vibromasseur et alcool, elle va découvrir un grand secret.
Cette fiction permet à Gioconda Belli de retracer l’histoire de sa famille et des révoltes et révolutions qui ont secoué le Nicaragua pendant le XXe siècle et jusqu’à nos jours. C’est aussi un roman charnel, et ceux qui connaissent déjà l’œuvre de la poétesse l’apprécieront. « À travers le jeu de miroirs entre la protagoniste et les traces de sa mère décédée, nous retrouvons toutes les Gioconda Belli qui ont également peuplé sa poésie, écrit dans El País la journaliste et écrivaine Berna Gonzáles Harbour : la Belli révolutionnaire et rêveuse qui allait changer le monde ; la désenchantée ; la mère dévouée à ses filles et celle à qui l’on reproche de consacrer plus d’énergie à changer le pays qu’aux tâches ménagères ; la femme qui a tout perdu et celle qui s’en est sortie à nouveau ; la femme hantée par la vieillesse ; la lectrice des Méditations de Marc Aurèle ou des Métamorphoses d’Ovide, de Marcel Proust, de Poe, de Cortázar ou de Virginia Woolf. »
[post_title] => Fiction et réalité nicaraguayennes [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => fiction-et-realite-nicaraguayennes [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-09 12:22:17 [post_modified_gmt] => 2025-01-09 12:22:17 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131061 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131058 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-09 12:19:54 [post_date_gmt] => 2025-01-09 12:19:54 [post_content] =>Bien peu de Français en sont conscients : la « musique chrétienne contemporaine » (CCM) représente aux États-Unis un marché de plusieurs milliards de dollars. Une industrie fondée sur une tension première, observe Tom Zoellner dans la Los Angeles Review of Books : concilier des valeurs de contrition, de pénitence, de renoncement au monde, avec le clinquant et les techniques marketing du marché dominant de la musique pop et rock séculière. L’historienne Leah Payne s’empare du sujet en montrant d’abord comment l’histoire de ce genre si particulier, fondé sur la « louange » du Seigneur, a singé et éprouvé les évolutions de la musique populaire depuis l’époque des Beatles jusqu’à la révolution Internet. Avec pas mal de succès à son actif, car au fil des décennies bon nombre de tubes ont conquis le grand public, y compris le plus païen. Véhiculant une idéologie très conservatrice, assise sur les valeurs « blanc hétéro », la CCM n’en a pas moins permis l’éclosion de grands talents féminins, souligne dans The American Catholic Studies Newsletter la musicienne Deanna Witkowski, dont l’adolescence a été bercée par le Age to Age d’Amy Grant. Elle met aussi en relief le second volet de l’analyse menée par Leah Payne : le rôle de la CCM dans la montée en puissance des éléments du conservatisme républicain qui vont faire le lit du trumpisme. À suivre désormais, dans la même veine, la Contemporary worship music (CWM), qui rivalise désormais avec la CCM, un cran au-dessus en fait de charismatisme.
[post_title] => Le pouvoir sacré de la musique [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => le-pouvoir-sacre-de-la-musique [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-09 12:19:55 [post_modified_gmt] => 2025-01-09 12:19:55 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131058 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131055 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-09 12:17:29 [post_date_gmt] => 2025-01-09 12:17:29 [post_content] =>« Le passé n’est jamais mort. Il n’est même pas passé », disait Faulkner. Où est-ce plus vrai qu’en Allemagne, où, tandis que l’on se confronte toujours aux lourds passifs du national-socialisme et du socialisme est-allemand, ressurgit maintenant un peu reluisant passé colonial. Même si Berlin n’a rejoint la furia colonialiste que tardivement, sa domination entre 1880 et 1918 a en effet égalé voire « surpassé en brutalité celles des autres puissances coloniales européennes », juge l’universitaire germano-namibien Henning Melber. Dans un empire comparativement modeste en taille (une partie de l’Afrique de l’Est, le Togo et le Cameroun, plus l’actuelle Namibie, ainsi que la Nouvelle Guinée et quelques îles du Pacifique – dont les Samoa – et deux confettis sur la côte chinoise), et peuplé d’à peine 50 000 colons allemands, au moins 1 million d’indigènes ont péri dans des conditions souvent épouvantables. La Namibie, notamment, a eu le douteux privilège de subir deux authentiques génocides, ceux des tribus Herero et Nama, et de permettre l’élaboration de méthodes d’extermination appelées à la postérité que l’on sait : transport de populations dans des wagons à bestiaux vers des camps de concentration, travaux forcés d’une telle dureté qu’on n’y résistait en général qu’à peine un an, expériences scientifiques, tatouages, obsession administrative, etc. On comprend qu’après la Première Guerre l’Allemagne ait donc été déclarée inapte à gérer ses colonies (on comprend moins que celles-ci aient été confiées à des puissances coloniales à peine plus édifiantes).
Mais dans son ouvrage, Henning Melber « ne s’attache pas tant à ce qui s’est passé pendant la période coloniale qu’à la façon dont ces événements ont été subséquemment oubliés ou travestis » dans la mémoire collective germanique, écrit Peter Frederick Matthews dans le Times Literary Supplement. Par son épaisseur, l’index des références consultées par l’auteur suffit en effet à montrer que la recherche historique n’a pas chômé. En revanche, la population et la classe politique allemandes témoignent encore quant à elles d’une véritable « amnésie coloniale ». Une amnésie qu’a pourtant tardivement secoué la question de la restitution des œuvres d’art et (surtout) des restes humains frénétiquement collectés par les occupants allemands, lesquels semblaient souvent davantage préoccupés de considérations pseudo-scientifiques (c’est-à-dire raciales) qu’économiques. Hélas, comme le montre l’auteur, ces restitutions ont d’abord été opérées avec maladresse et dans un tel climat de déni « que ce qui aurait dû s’effectuer dans la solennité s’est pratiquement transformé en scandale ». Petite lueur d’espoir : en 2021, les autorités allemandes ont néanmoins reconnu que « les évènements survenus en Namibie constituaient, vus dans la perspective actuelle, ce que l’on pourrait appeler un génocide ».
[post_title] => Deux génocides oubliés [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => deux-genocides-oublies [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-09 12:17:31 [post_modified_gmt] => 2025-01-09 12:17:31 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131055 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131047 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-09 12:13:04 [post_date_gmt] => 2025-01-09 12:13:04 [post_content] =>Selon les estimations de la Bundesbank, vingt-deux ans après l’introduction de l’euro, un peu plus de 12 milliards de deutsche marks sont encore en circulation : une moitié en billets, l’autre en pièces métalliques, représentant au total quelque 6 milliards d’euros. C’est beaucoup, comparé à ce qui subsiste des autres devises, par exemple du franc français, dont il n’existerait plus que l’équivalent de 700 millions d’euros. La première explication de cette différence est que, lors de la mise sur le marché des euros, aucune limite dans le temps n’avait été fixée pour la possibilité d’échanger des marks contre eux. Ceci n’est plus faisable pour les francs, les lires ou les pesetas. Il faut aussi rappeler que le deutsche mark, du temps où il existait, était la deuxième monnaie de réserve mondiale après le dollar. Une bonne partie des marks encore en circulation est donc détenue à l’étranger. Enfin, les Allemands ont toujours manifesté une certaine prédilection pour l’argent liquide (la proportion de paiements qu’ils font sous cette forme reste importante) et une forte tendance à conserver leurs économies à domicile. Oubliés, égarés ou cachés au fond des armoires et des tiroirs, beaucoup de ces marks fantômes réapparaissent à la faveur d’une faillite ou d’une succession.
Même si rien ne l’atteste de façon incontestable, il est cependant difficile de ne pas voir aussi dans cette étonnante vie posthume du deutsche mark le signe de l’amour des Allemands pour leur monnaie. La proportion d’entre eux qui souhaitent le retour à l’ancienne devise ne cesse de diminuer, mais beaucoup considèrent que la création de l’euro n’était pas une si bonne idée que cela. Sans doute savent-ils que, de tous les pays de l’Union européenne, l’Allemagne est de loin celui qui en a le plus bénéficié, parce que l’euro facilite les exportations dont vit son économie : sur le marché intérieur européen en supprimant les coûts de transaction, et à l’extérieur en lui permettant d’y vendre ses produits à des prix avantageux. Mais ils n’en restent pas moins attachés au mark, associé dans leur esprit à plusieurs décennies d’amélioration continue de leur niveau de vie, dont il est devenu comme le symbole.
Pour cette raison, il fait l’objet d’un certain nombre de mythes. Journaliste financier à Die Welt, Frank Stocker s’emploie à les démonter. Plusieurs concernent les années qui ont suivi sa création. On fait ainsi souvent crédit à Ludwig Erhard d’être à son origine. En réalité, le titre de « père du deutsche mark », qu’il revendiquera une fois devenu chancelier, est usurpé. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne avait hérité du régime nazi une économie de pénurie : tous les produits de première nécessité faisaient l’objet de rationnement, les prix et les salaires étaient bloqués et le marché était inondé d’un montant excessif de monnaie (le reichsmark, créé après l’épisode d’hyperinflation de 1923). Dans un rapport rédigé peu avant la fin de la guerre, Erhard, prévoyant la défaite de l’Allemagne, avait émis l’idée que l’introduction d’une nouvelle monnaie serait nécessaire pour faire redémarrer l’économie après l’armistice. Mais d’une manière assez vague. Les véritables créateurs du deutsche mark furent les autorités d’occupation, plus particulièrement les Américains. Le plan qu’ils mirent au point impliquait de purger le marché de 90 % de la monnaie en circulation. Au printemps de 1948, une poignée d’experts allemands furent enfermés durant trois mois en « conclave » dans une base militaire située près de Kassel pour définir la mise en œuvre d’une opération dont le principe avait déjà été décidé. L’architecte des mesures adoptées, qui servait aussi d’intermédiaire entre les experts allemands et les autorités militaires américaines, britanniques et françaises, était un jeune économiste américain nommé Edward Tenenbaum. Dans ses Mémoires, le chancelier Helmut Schmidt salue le rôle méconnu que Tenenbaum joua dans la création du deutsche mark, et l’historien allemand de l’économie Carl Ludwig Holtfrerich vient de lui consacrer tout un livre.
Le 20 juin 1948, la nouvelle monnaie était introduite. Conçus et imprimés aux États-Unis, secrètement transportés en bateau, les nouveaux billets furent lancés sur le marché dans des conditions très dures pour la population : les emprunts publics étaient échangés au dixième de leur valeur ou purement et simplement annulés avec une partie de la dette d’État. 100 reichsmarks sur un compte d’épargne ou un dépôt bancaire ne donnaient droit qu’à 6,5 nouveaux marks. Le véritable mérite de Ludwig Erhard, alors devenu ministre de l’Économie, souligne Frank Stocker, est d’avoir dans la foulée aboli le contrôle des prix. D’après Erhard contre la volonté des Américains, mais en réalité avec leur accord tacite. Rapidement, sous l’effet de la combinaison du changement de monnaie et de la libération des prix, les rayons des magasins se sont remplis de marchandises.
Contrairement à ce qui est parfois affirmé, ces mesures n’eurent pas un succès immédiat. Les salaires restant plafonnés, les Allemands avaient des difficultés à acquérir les produits qui avaient fait leur réapparition. Des voix s’élevèrent en faveur du retour au régime antérieur. Au mois de décembre 1948, une grève générale fut déclarée. Ce n’est qu’avec le déblocage des salaires et une augmentation limitée de ceux-ci que la situation commença à s’améliorer. La voie était ouverte pour le développement de cette « économie sociale de marché » auquel sera associée la prospérité allemande de la fin du XXe siècle.
Que l’économie du deutsche mark ne fut pas d’emblée une réussite, un autre épisode l’atteste : la crise de la balance des paiements de 1950-1951, qui mit l’Allemagne au bord de la faillite. Dans les premières années de l’après-guerre, on l’a oublié aujourd’hui, loin d’être la formidable exportatrice qu’elle fut par la suite durant 70 ans, l’économie allemande, stimulée par les besoins de la reconstruction et les fonds du Plan Marshall, était fortement importatrice. À cette époque, les monnaies européennes vivaient sous le régime de l’Union européenne des paiements, une sorte de sous-système du système de Bretton Woods, qui fixait formellement ou informellement la valeur des monnaies en fonction de celle du dollar, lui-même convertible en or. Pour équilibrer les échanges tout en faisant face à la pénurie de dollars, alors rares en Europe, ce système, à côté d’une procédure de mutualisation des déficits (seul le solde net après consolidation faisait l’objet d’un paiement), prévoyait la possibilité pour les pays européens de s’endetter les uns par rapport aux autres dans certaines limites. De tous, l’Allemagne était le plus endetté. À plusieurs reprises, il avait fallu relever le plafond de crédits qui lui était alloué. « La pratique allemande dans ces domaines, se plaignait un haut responsable britannique, n’a historiquement montré aucun scrupule à utiliser les crédits au maximum dans l’espoir qu’ils recevront des crédits supplémentaires de quelque part lorsqu’ils en auront besoin » : une accusation qui fait penser à celles qu’on entendra en Allemagne au sujet de la Grèce, 60 ans plus tard. En continuant à renflouer les caisses de l’Allemagne, ses partenaires européens permirent au pays d’éviter la faillite. Sous la pression américaine, le gouvernement prit les mesures qui s’imposaient, notamment en matière de soutien à l’exportation. En quelques mois, l’Allemagne devint un pays exportateur accumulant un excédent commercial considérable et constituant la seconde réserve d’or la plus importante après celle des États-Unis.
L’effet positif du deutsche mark sur l’économie allemande est à juste titre attribué à la stabilité exemplaire de cette monnaie. Celle-ci est à son tour expliquée par la pertinence et la rigueur des politiques menées par la banque centrale du pays, la Bank deutscher Länder jusqu’en 1957, la Deutsche Bundesbank ensuite : les Allemands ne croient pas tous en Dieu, disait Jacques Delors, mais tous croient en la Bundesbank. La clé du succès de ces politiques, soulignent les commentateurs, c’est l’indépendance de la banque par rapport au pouvoir politique, une caractéristique dont les Allemands tirent fierté, à laquelle ils sont religieusement attachés et qui fait apparemment l’objet d’un total consensus. Il n’en a pas toujours été ainsi, remarque Frank Stocker. Convaincu que la politique monétaire relevait de l’autorité du gouvernement autant que la politique budgétaire ou la politique économique, Konrad Adenauer s’est trouvé en conflit avec les dirigeants de la banque centrale – sans pour autant parvenir à faire triompher ses vues. Helmut Kohl y est parvenu, lui, en 1990, au moment où l’Allemagne s’est réunifiée. Il réussit à imposer contre les souhaits de la Bundesbank un taux de conversion de 1 deutsche mark pour 1 mark de l’Est : la raison politique l’emportait sur la raison monétaire, la parité sur le marché étant très différente. Combinée avec une politique prédatrice de rachat des entreprises publiques de l’Est par des entreprises privées de l’Ouest, cette surévaluation délibérée de la monnaie remplacée contribua à détruire le tissu industriel de l’ancienne RDA. Le miracle de 1948 ne se reproduisit pas.
Frank Stocker signale un autre mythe : celui selon lequel Helmut Kohl aurait échangé l’abandon de la monnaie nationale contre le soutien des autres pays européens à l’unification allemande. Il est exact qu’au Conseil européen de Strasbourg de décembre 1989 l’atmosphère était particulièrement tendue. Et que dans les conclusions de cette réunion, les chefs d’État et de gouvernement exprimèrent leur soutien à l’unification après avoir marqué leur accord sur le lancement de la dernière phase de la réalisation de l’Union économique et monétaire. Mais le processus destiné à aboutir à celle-ci était engagé depuis très longtemps. Tout au plus peut-on affirmer que la chute du mur de Berlin et ses suites l’ont quelque peu accéléré. Dans la dernière partie de son livre, Frank Stocker en décrit d’ailleurs les étapes et la façon dont les autorités monétaires allemandes les ont traversées. Par exemple la manière dont la Bundesbank, en refusant de baisser ses taux d’intérêt, contribua à chasser du Système monétaire européen la livre sterling lorsque celle-ci fit l’objet d’une attaque spéculative.
La politique de la Bundesbank a parfois eu des conséquences négatives pour l’Allemagne elle-même. En 1965, alors que l’économie du pays connaissait pour la première fois depuis longtemps une (légère) récession, au lieu de baisser ses taux d’intérêt, la Bundesbank les releva pour contrer le risque d’inflation. Ceci eut pour effet d’aggraver la crise. Dans l’ensemble, cependant, soutient Stocker, le deutsche mark et sa gestion rigoureuse par la banque centrale aidèrent considérablement l’économie allemande à prospérer durant un demi-siècle.
Un retour à cette monnaie est-il pour autant possible et souhaitable ? Possible, certainement, si la volonté politique s’en manifeste, mais souhaitable, il ne le pense pas. Le monde a changé, le monétarisme qui a longtemps régné sur les politiques économiques et monétaires a fait place à des politiques menées dans une logique davantage budgétaire. Le rétablissement du deutsche mark n’aurait pas mis l’Allemagne à l’abri de la nécessité de se livrer aux achats massifs d’obligations auxquels la Banque centrale européenne a procédé, à l’instar de la Banque fédérale américaine et d’autres banques centrales à travers le monde.
Qu’exprime en réalité la nostalgie du deutsche mark ? Il « symbolise, dans l’histoire allemande du XXe siècle, la période heureuse qui a suivi deux guerres mondiales et deux effondrements complets de la monnaie. […] C’était une époque où les choses s’amélioraient pour pratiquement tout le monde, les différences entre les riches et les pauvres étaient modérées, il n’existait que deux chaînes de télévision nationales, quelques médias de premier plan dominaient le discours et les hommes politiques avaient des convictions et proposaient des alternatives claires […]. Beaucoup de choses étaient plus claires, la société était plus juste, la vie était plus harmonieuse. Depuis l’introduction de l’euro, tout est devenu plus compliqué, plus dur et plus injuste. » Un tel propos peut sembler le produit d’une illusion rétrospective, mais il exprime un sentiment largement répandu, pas seulement à propos de la monnaie et pas uniquement en Allemagne.
[post_title] => La monnaie que les Allemands aimaient [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => la-monnaie-que-les-allemands-aimaient [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-09 12:15:54 [post_modified_gmt] => 2025-01-09 12:15:54 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131047 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131010 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-02 14:31:48 [post_date_gmt] => 2025-01-02 14:31:48 [post_content] =>Auteur en 2014 d’une biographie de Jorge Semprún, La aventura comunista de Jorge Semprún, Felipe Nieto revient sur son sujet à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain, célébré durant toute l’année 2024 par de multiples hommages, expositions et films documentaires, tant en France qu’en Espagne. Transformer son livre en roman graphique était pour lui un moyen sûr de toucher un public plus large et plus jeune. Par l’intermédiaire de l’historien et théoricien de la bande dessinée Gerardo Vilches, qui a rédigé le prologue, Nieto a été mis en contact avec le scénariste Pepe Gálvez qui, à son tour, a sollicité le dessinateur Ernesto Priego.
« J’ai commencé à lire Semprún dans les années 1990 et je l’ai ensuite rencontré à de nombreuses reprises, en Espagne et en France, confie Nieto au journal El Periódico de España. Il a toujours été un homme proche, amical, que je pouvais consulter sur différents aspects de son travail au sein du Parti communiste espagnol (PCE) et de sa vie en général. »
Le dessinateur Priego souligne pour sa part la difficulté de résumer une vie aussi intense que celle de Jorge Semprún en moins de 100 pages. Parmi les scènes présentes dans le livre figure son arrivée à Paris avec sa famille, fuyant la guerre civile espagnole, l'occupation nazie, un premier acte de résistance sous la forme d’un attentat contre un soldat allemand, son arrestation et la torture aux mains de la Gestapo, puis son internement à Buchenwald. Dans les pages consacrées au camp d’extermination, le lecteur assiste à des scènes cruelles sous le joug des SS et à d’autres plus étonnantes – comme le fait que les latrines étaient le lieu où les prisonniers lisaient des livres clandestins ou organisaient des concerts de jazz informels.
« Au-delà de l’approche biographique de Semprún, c’est un authentique roman graphique d’aventure », soulignent Priego et Gálvez. La parution de cet ouvrage confirme l’essor d’un genre qui attire de plus en plus un public exigeant.
[post_title] => Une BD sur Jorge Semprún [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => une-bd-sur-jorge-semprun [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-02 14:31:49 [post_modified_gmt] => 2025-01-02 14:31:49 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131010 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131007 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-02 14:29:55 [post_date_gmt] => 2025-01-02 14:29:55 [post_content] =>Dénoncer le complotisme risque de faire oublier que la réalité parfois dépasse la fiction. L’enquête menée sur l’Opus Dei par le journaliste financier Gareth Gore le rappelle à propos. Il dit avoir « mis au jour le véritable Da Vinci Code ». Après avoir exploré le sinistre passé ultra franquiste de cet ordre qui sera élevé par Jean-Paul II au statut singulier de « prélature personnelle », Gore dévoile les stratagèmes qui lui ont permis, en prenant le contrôle de Banco Popular, de consolider un réseau international de quelque 90 000 membres. Mais la faillite de cette banque en 2017 n’est qu’un incident de parcours. L’Opus a brillamment jeté son dévolu sur la droite américaine la plus conservatrice, résume le journaliste de gauche Peter Geoghegan dans le Times Literary Supplement.
En 2016, l’avocat Leonard Leo, leader de facto de l’ordre aux États-Unis, s’est allié au chef de la majorité au Sénat pour bloquer le candidat qu’Obama voulait nommer à la Cour suprême après la mort du catholique convaincu Antonin Scalia. Avec l’aide d’un couple de milliardaires, il a orchestré la campagne qui a permis à Trump de nommer à la Cour les juges ultraconservateurs qui ont révoqué l’arrêt Roe vs Wade instituant le droit à l’avortement. En 2020, le magnat de l’électronique Barre Seid a cédé son empire à un trust contrôlé par Leonard Leo. Plusieurs personnalités de premier plan de l’administration américaine doivent leur nomination à l’Opus Dei. Kevin Roberts, qui préside la très influente Heritage Foundation et est un ami du prochain vice-président J. D. Vance, a fait l’éloge public du fondateur de l’ordre, Josemaría Escrivá, qui en 1931 voyait dans la proclamation de la république espagnole le fruit d’un complot ourdi par les francs-maçons, les juifs et les communistes, ligués pour détruire l’Europe chrétienne. Le Projet 2025 de la Fondation épouse les vues de Donald Trump et entend faire interdire l’accès à la contraception même pour motif d’urgence.
[post_title] => L’Opus Dei prie pour nous [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => lopus-dei-prie-pour-nous [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-02 14:29:56 [post_modified_gmt] => 2025-01-02 14:29:56 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131007 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )
WP_Post Object ( [ID] => 131004 [post_author] => 48457 [post_date] => 2025-01-02 14:27:46 [post_date_gmt] => 2025-01-02 14:27:46 [post_content] =>Un groupe de chimpanzés du Cameroun contemplent, atterrés et immobiles, le cadavre de leur consœur Dorothy : c’est sur cette image insolite, captée sur une célébrissime photo de 2009, que Susana Monsó ouvre son étude sur la conscience de la mort chez l’animal. Les éthologues ont certes démontré que nous partagions avec certains de nos frères animaux de nombreuses prérogatives, jadis considérées exclusivement humaines, « comme la cognition numérique, la rationalité, la morale, le langage et la culture ». L’exemple des chimpanzés, mais aussi des éléphants, des baleines, des pingouins et d’autres espèces encore, amènent les chercheurs en « thanatologie comparative » à postuler que nous n’aurions pas non plus le monopole du « fardeau de la conscience de notre mortalité ».
Susana Monsó examine à son tour cette possibilité, non pas en éthologue mais en philosophe spécialisée dans « la philosophie de l’esprit animal ». Elle cherche « à apporter des arguments philosophiques et des preuves empiriques confirmant que l’homme est loin d’être le seul animal à posséder une vie mentale », résume Ian Ground dans le Times Literary Supplement. Et son analyse la mène à considérer d’autres questions dans la question : les bêtes auraient-elles un « concept » de la mort, donc de « l’irréversibilité » du phénomène, et par conséquent un concept du temps ? Et comment pourraient-elles « conceptualiser » si elles ne disposaient pas d'un langage intérieur ? Pour autant Susana Monsó ne se limite pas aux spéculations théoriques, et son étude fourmille aussi d’anecdotes et d’exemples – comme celui de l’opossum, qui donne son titre au livre. Face aux prédateurs, ce petit marsupial nord-américain se protège en faisant littéralement le mort : figé en position fœtale, la langue pendant hors de la bouche et le cœur pratiquement à l’arrêt, il laisse en plus s’écouler de lui un liquide infâme qui sent la putréfaction. Or l’opossum applique-t-il le « concept » de mort, ou se contente-t-il d’employer une ruse qui au fil de l’évolution a fait ses preuves ? Réponse résumée par Ian Ground : impossible d’expliquer de tels comportements – chez l’animal comme chez l’homme – « si l’on ne possède pas des concepts, c’est-à-dire des outils mentaux (ou neuronaux) aptes à véhiculer une signification ». D’ailleurs, même si l’opossum était privé du concept de mort, ses prédateurs, eux, doivent bien en disposer puisqu’ils se laissent duper ? L’auteure ne tranche pas formellement, se contentant d’exhorter à poursuivre l’étude. Mais le modeste opossum, avec sa « thanatose » tactique (ou les dauphins et les chiens qui meurent volontairement de désespoir), a d’ores et déjà porté encore un coup sévère à Descartes et sa théorie de « l’animal-machine ».
[post_title] => Thanatologie comparative [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => open [ping_status] => open [post_password] => [post_name] => thanatologie-comparative [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2025-01-02 14:27:46 [post_modified_gmt] => 2025-01-02 14:27:46 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://www.books.fr/?p=131004 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw )