Breivik ou le djihad antimusulman
Publié dans le magazine Books n° 63, mars 2015. Par Adam Shatz.
L’itinéraire d’Anders Breivik est l’une des meilleures expressions du choc des fanatismes contemporains. Le jeune Norvégien qui a tué 77 personnes en 2011 à Oslo et Utøya croyait l’Europe menacée par une invasion musulmane et se prenait pour un Templier volant à son secours. Un « fou solitaire » dont les ressorts font étrangement écho à ceux des djihadistes ? Pas seulement. Breivik incarnait une peur identitaire qui gagne bien au-delà des milieux extrémistes, y compris à gauche.
Avant de partir pour son équipée meurtrière en 2011, Anders Breivik était un habitué du Palace Grill, dans le quartier huppé d’Oslo-Ouest. Il semblait inoffensif : c’était un blond de plus qui essayait de draguer les femmes au bar. « Il donnait l’impression de sortir d’une école de commerce, se souvient l’une d’elles, d’être un de ces types d’Oslo-Ouest qui s’habillent de manière très classique. » Effectivement, il s’était essayé au commerce, même s’il n’avait jamais décroché de diplôme, ni grand-chose d’autre d’ailleurs. Et c’était bien un garçon d’Oslo-Ouest, le fils d’un diplomate. Mais il y avait le livre qu’il disait écrire : un « chef-d’œuvre », d’un genre « complètement inconnu à ce jour ». Il refusait de préciser ce...