Publié dans le magazine Books n° 31, avril 2012. Par Mattathias Schwartz.
Depuis les années 1990, des managers obsédés par la rentabilité à court terme ne cessaient de le répéter aux ingénieurs de la firme britannique : « N’hésitez pas à aller à la limite ! Il sera toujours temps de revenir en arrière. » Ce qui devait arriver arriva, en avril 2010, dans le golfe du Mexique.
Lorsque des pans essentiels de nos infrastructures flanchent, c’est toujours sans ménagement, sans préavis, et d’une manière difficile à anticiper. Il revient alors aux enquêteurs de fouiller les décombres pour établir les « causes profondes » de la catastrophe et proposer de nouveaux garde-fous. Et de nous redonner un sentiment de sécurité en replaçant les événements dans une perspective morale. Car mieux vaut imputer le désastre à la cupidité et à la négligence de quelques-uns qu’envisager l’hypothèse alternative : les fautifs n’ont fait qu’appliquer aveuglément les instructions qu’ils avaient reçues, comme d’inconscientes machines.
L’extraction pétrolière est une activité fort rémunératrice, qui génère plus de 2 000 milliards de dollars par an. Les coûts – humains et environnementaux – sont également très élevés et ne peuvent être réduits à un simple calcul économique. Dans une telle configuration, les dirigeants semblent souvent tout droit sortis d’un univers moral « parallèle », où les notions de vérité et de responsabilité sont singulièrement contingentes. « C’est tellement plus facile de mettre en route un projet dans les pays émergents !, m’...