Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Timothy Snyder.
À Minsk, il n’y a pas de bancs, pour éviter les rassemblements. Même les manifestations de Pères Noël sont interdites ; et le KGB peut entrer chez vous à tout moment. Bienvenue en Biélorussie, le dernier régime stalinien d’Europe, où la paranoïa est une seconde nature.
L’été, à Minsk, capitale de la Biélorussie, les jeunes couples louent des bateaux. Ils se laissent dériver sur la rivière Svislotch au gré du courant, apparemment sans but, jusqu’à atteindre un pont. Ils rament alors contre le courant aussi longtemps que possible, dans l’espoir de rester à la fois à l’abri du soleil et des regards indiscrets. Si l’on en croit
Paranoïa, le roman de l’écrivain biélorusse Victor Martinovitch, trouver pareille tranquillité est impossible. Dans un État policier comme la Biélorussie d’aujourd’hui, qui atteint presque au contrôle parfait, il y a toujours quelqu’un qui regarde. Et les jeunes amoureux se surveillent l’un l’autre, consciemment ou pas. Le seul moyen d’être en sécurité, dans une société comme celle-là, est de renoncer à l’amour, mais la solitude véritable prête à la paranoïa.
Au début du roman, Anatoli, un jeune écrivain, se retrouve seul : Lisa, sa petite amie, a disparu de son appartement de la rue Karl-Marx. Il glisse des petits mots sous sa porte, où ils sont dûment interceptés, copiés et interprétés par le...