Publié dans le magazine Books n° 87, janvier/février 2018. Par Srdjan Garcevic.
Certes, les pays des Balkans se sont abondamment déchirés au cours des siècles, et récemment encore. Est-ce une raison pour continuer à considérer leurs habitants comme des barbares ?
Il y a vingt ans, alors que les braises de la guerre en Croatie et en Bosnie étaient encore ardentes, l’historienne bulgare Maria Todorova publiait
Imaginaire des Balkans. Dans cet ouvrage fondateur, elle détaillait la manière dont les Balkans ont été perçus et décrits pendant des siècles, le plus souvent comme une arrière-cour de l’Europe, aux mœurs brutales et barbares.
Maria Todorova a alors forgé le concept de « balkanisme », un hommage à Edward Saïd et son orientalisme – à savoir le discours exotique et hautement stylisé des universitaires, écrivains et artistes occidentaux sur « l’Orient ». Elle a étudié les différentes formes de balkanisme, des chroniques des marchands vénitiens du XVIe siècle aux analyses du
New York Times des années 1990. Le dénominateur commun, selon elle, est une forte condescendance à l’égard des Balkans et de leurs habitants.
Les Britanniques se sont particulièrement illustrés dans cette condescendance – et pas seulement pour des raisons géopolitiques, Londres ayant été un allié de l’Empire ottoman pendant les guerres d’indépendance balkaniques. À la fin du XIXe siècle, par exemple, George Bernard Shaw avait offusqué...