Publié dans le magazine Books n° 89, mai/juin 2018. Par Kathryn Hughes.
L’anneau que l’on porte au doigt est bien plus qu’un bijou. Symbole de pouvoir et de désir, gage d’amour ou preuve ultime d’identité, il raconte toujours une histoire, parfois indicible. Et cela depuis la nuit des temps.
Vers le début des années 1930, le psychanalyste Otto Rank offre à sa maîtresse Anaïs Nin une bague qu’il a reçue de son mentor Sigmund Freud. En retour, Anaïs Nin lui donne une bague qui lui vient de son père – un père avec lequel elle a eu une relation teintée d’inceste. Plus bizarre encore : avant de céder la bague paternelle à Rank, Anaïs Nin la fait copier par un bijoutier – copie qu’elle donnera à son autre amant, Henry Miller.
Nul besoin d’être un grand psychologue pour comprendre de quoi il retourne. Par cet échange de bagues, Anaïs Nin et Otto Rank demandent chacun à leur père, biologique ou symbolique, de donner son feu vert à leurs relations sexuelles. Mais l’astucieuse et féministe Anaïs Nin chamboule le modèle patriarcal en introduisant dans le jeu un second anneau, un simulacre d’autorité paternelle qui remet encore plus en question l’idée que les hommes de sa vie soient les propriétaires de son corps (en argot anglais, le mot
ring désigne l’anus et parfois le vagin).
S’il nous est si facile...