Publié dans le magazine Books n° 23, juin 2011. Par Oliver Sacks.
Comment vit-on ou revit-on sans la vue ? Un universitaire australien et un photographe italien racontent, dans deux livres qui se font étrangement écho, la réalité de la cécité, cette maladie qui bouleverse la vie intérieure et oblige à réinventer son rapport à soi et au monde.
De nombreux aveugles ont écrit leur autobiographie ; ces textes, à la fois poignants et édifiants, évoquent les conséquences affectives et morales de la cécité, ainsi que la volonté, l’humour et le courage nécessaires pour passer outre.
Touching the Rock, où John Hull raconte son « expérience de la cécité », n’entre pas dans cette catégorie : ce livre n’a pas vraiment de commencement, de milieu ou de fin, il est dénué de toute prétention littéraire, il échappe même à la forme narrative. Et c’est, à mes yeux, un chef-d’œuvre.
Fils d’un pasteur méthodiste, John Hull est né en Australie en 1935. Il s’est installé en Angleterre dans les années 1950 et est devenu professeur d’études religieuses à l’université de Birmingham.
Touching the Rock n’a pas été écrit d’une traite comme un récit, mais dicté par tranches, d’abord quotidiennes, puis plus espacées, après que le professeur Hull, dont les problèmes ophtalmiques avaient commencé dès l’enfance, a perdu complètement la vue à la fin des années 1970, vers la quarantaine. Il offre dans ce livre des remarques...