Publié dans le magazine Books n° 12, mars-avril 2010. Par John Cornwell.
Les médicaments de type Prozac n’ont guère plus d’efficacité que des placebos, les effets secondaires en plus. Telle est, en substance, la thèse à charge d’un éminent psychologue, dont le livre a mis en rage d’autres scientifiques, qui jugent irresponsable cette entreprise de démystification. L’important est que cela marche, disent-ils, peu importe pourquoi. En filigrane, un marché de 19 milliards de dollars.
J’ai vu mon ami Stuart se taper la tête par terre, pleurant et menaçant de se tuer. Il traversait une profonde dépression, était incapable de travailler, de dormir ou de manger. Mais, trois semaines après s’être vu prescrit un antidépresseur de type Prozac, il commençait à s’en sortir et à reprendre le travail. Alors que son état s’améliorait, il lâcha cette remarque terrible : « Si l’on me donnait le choix entre le cancer et la dépression, je prendrais le cancer. »
Stuart ne jure que par son antidépresseur, qu’il a pris pendant deux ans : « Il m’a sauvé la vie. » Pourtant, l’efficacité de ces médicaments, connus sous le nom d’ISRS (nous y reviendrons), est contestée depuis vingt ans. Et la toute dernière salve est l’une des plus rigoureusement documentées. Dans
The Emperor’s New Drugs, Irving Kirsch, professeur de psychologie à l’université de Hull, dans le Yorkshire, assure que les ISRS sont pires qu’inutiles.
La dépression est une maladie dévastatrice, qui inflige d’immenses souffrances à ses victimes et plonge leur entourage dans l’angoisse. Elle frappe à...