Anciens et nouveaux iconoclastes
Publié dans le magazine Books n° 118, mars-avril. Par Michael Burleigh.
Soutenir que seuls les gauchistes politiquement corrects ou « woke » aiment déboulonner les statues, c’est ignorer une bonne partie de l’Histoire. Les conservateurs qui n’apprécient pas qu’on s’en prenne aux statues d’esclavagistes et d’impérialistes feraient bien de balayer devant leur porte.
Le livre d’Alex von Tunzelmann s’ouvre sur un épisode de la guerre de l’Indépendance qui vit les révolutionnaires américains renverser une statue de George III à New York. Érigé en 1770, ce bronze recouvert de feuilles d’or fut déboulonné six ans plus tard et Sa Majesté fondue pour produire des balles de mousquet destinées aux soldats anglais. L’ouvrage fourmille d’histoires amusantes, notamment sur Rafael Trujillo, le sanguinaire dictateur de la République dominicaine, qui fit construire de gigantesques monuments blancs à la gloire de son propre pénis, dont un qui atteignait 40 mètres.
À certains égards, on aurait aimé que l’analyse d’Alex von Tunzelmann brasse plus large. L’auteure aurait pu moins parler de Trujillo, assassiné avec la complicité de la CIA en 1961, et consacrer quelques pages, par exemple, au deuxième commandement du Décalogue 1 ; ou encore au sort des statues d’empereurs déchus dans la Rome antique, dont beaucoup furent profanées ou reconverties (de nombreux bustes ont été retravaillés à l’effigie d’...