Publié dans le magazine Books n° 106, avril 2020. Par Keren Blankfeld.
David Wisnia avait 17 ans, Helen Spitzer 25. À Auschwitz, où ils avaient été déportés, ils vécurent une histoire d’amour aussi courte qu’intense. Ils s’étaient donné rendez-vous à Varsovie après la guerre. Mais les événements en décidèrent autrement. Ils finirent par se retrouver soixante-douze ans plus tard, à New York.
© Danna Singer /The New York Times / Rea
David Wisnia, 93 ans, chez lui, à Levittown, en novembre 2019. C’est à l’occasion de la publication de ses Mémoires, en 2015, que ses enfants ont appris l’existence de son amoureuse d’Auschwitz.
La première fois qu’il lui adressa la parole, en 1943, près des fours crématoires d’Auschwitz, David Wisnia réalisa que Helen Spitzer n’était pas une détenue comme les autres. Celle que l’on surnommait Zippi était toujours propre et soignée. Elle sentait bon. Un autre détenu les avait présentés à la demande de Zippi.
Rien que sa présence en ce lieu sortait de l’ordinaire : normalement, elle n’avait pas le droit d’être là, loin des baraques des femmes, en train de parler à un prisonnier. Avant que David Wisnia s’en rende compte, ils étaient seuls. Tous les détenus autour d’eux s’étaient volatilisés, et il comprit plus tard que ce n’était pas un hasard. Ils convinrent de se retrouver au même endroit la semaine suivante.
Le jour venu, David Wisnia se rendit comme prévu au rendez-vous fixé entre les fours crématoires IV et V. Il grimpa au sommet d’une montagne de ballots de vêtements de déportés où Zippi avait aménagé une cachette, un espace entre les piles, juste assez grand pour eux deux. David...