Quand Alep était un modèle
Alexander Drummond, Alep, 1754
Depuis une semaine, Damas et ses alliés bombardent Alep sans relâche, détruisant le dernier hôpital dans la partie assiégée de la ville. Alep, aujourd’hui le Stalingrad de la Syrie, a été, pendant des siècles, symbole de cohabitation, sophistication, et richesse, rappelle l’historien Philip Mansel dans Aleppo: The rise and fall of Syria’s great merchant city. Située à l’une des extrémités de la route de la Soie, la cité a longtemps bénéficié du statut de ville cosmopolite. Commerce et tolérance y prospéraient de conserve bien avant la conquête de la ville par les Arabes en 637. Au XVIe siècle, la cité était réellement incontournable pour quiconque s’intéressait à l’est de l’Asie. Les consuls qui y étaient installés étaient les premiers informés des nouvelles d’Arabie, d’Iran ou d’Inde. John Eldred, l’un des premiers Britanniques à faire du commerce dans la ville, se dit frappé, en 1586, par l’harmonie qui y règne entre Juifs, Arméniens, Tatars, Persans, Egyptiens, Indiens et Chrétiens. Ils bénéficient tous d’une liberté de conscience inimaginable en Europe. La ville suit un vieux précepte, « L’excès est odieux, même dans la foi religieuse ». Et grâce à sa situation géographique, précise Mandel, elle est préservée des luttes de pouvoir qui minent les villes côtières ottomanes.
L’histoire d’Alep n’est pourtant pas sans heurts et sans drames. Les remparts de la vieille ville sont, ainsi, à la fois le témoignage de sa richesse au Moyen-Âge et des intentions des Croisés. Après le meurtre de 30 cadets de l’école d’artillerie en 1979, le gouvernement envoie 25 000 soldats et des tanks pour « nettoyer la ville ». Avec l’arrivée de Bachar al-Assad au pouvoir, elle avait regagné en puissance économique et en beauté, restaurant sa vieille ville, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Le commerce et la tolérance, même s’ils sont l’essence d’une cité, ne suffisent pas à protéger ses habitants.
En savoir plus : Toute la poésie d’Alep, février 2016.