Publié dans le magazine Books n° 63, mars 2015. Par Barbara King.
Les animaux d’Amazonie n’ont pas attendu l’homme pour produire du sens et penser. Témoin la façon dont ils guettent l’envol annuel des fourmis coupe-feuilles, ce mets de choix. Les Quechuas qui vivent là le savent bien. Leurs chiens ont une âme et les jaguars sont les chiens des dieux. Voyage au cœur de cette jungle de signes qui sillonnent la nature et nous relient à elle.
La forêt amazonienne qui entoure le village d’Ávila, en Équateur, est peuplée de jaguars, de singes, de pécaris à lèvres blanches, de grands tamanoirs, de tapirs ainsi que de nombreux oiseaux, notamment des coucous et des fourmiliers. Les Quechuas qui y vivent chassent certaines de ces bêtes pour les manger, ce qui ne les empêche pas de les considérer comme des êtres pourvus d’une âme, membres à part entière d’une forêt fourmillant de pensées et de signification.
Eduardo Kohn, anthropologue de l’université canadienne McGill, a mené entre 1996 et 2000 une étude de terrain chez les Quechuas de la région. Dans
Comment pense la forêt, l’essai qu’il en a tiré, il décrit un monde habité par « une variété et un nombre sans égal d’êtres vivants doués de personnalité ». « La forêt tropicale, ajoute-t-il, intensifie les modes de pensée du vivant, ce qui les rend plus flagrants. »
Dans cet ouvrage souvent brillant, la principale préoccupation de Kohn est de ne pas endosser le rôle de l’ethnologue, décrivant de loin à un monde curieux un système de...