Publié dans le magazine Books n° 95, mars 2019. Par Ramachandra Guha.
Au tournant du XXe siècle, les autorités coloniales britanniques ont imposé à l’Inde leur vision agraire en créant des colonies de peuplement et en clôturant les terres communales. Le paysage en a été profondément bouleversé.
Ces dernières années, notre vision de ce qu’ont fait (ou pas) les Britanniques en Inde a davantage été forgée par des idéologues que par des chercheurs. Les patriotes de fraîche date invoquent le massacre d’Amritsar (1), en 1919, et les famines de 1770 et de 1943 au Bengale comme preuves incontestables et définitives que le colonialisme a fait des ravages. Les nouveaux nostalgiques ripostent en brandissant les chemins de fer et les universités comme pièces à conviction afin de montrer que le colonisateur a tiré le pays vers le haut. Les deux camps construisent leurs arguments à partir de bribes d’information glanées sur Internet. Ni l’un ni l’autre ne s’efforce de nuancer ou de complexifier un tant soit peu sa représentation manichéenne en s’appuyant sur des travaux de recherche originaux.
Dans cette arène de gladiateurs vient d’entrer discrètement un universitaire admiré de longue date par ses pairs mais inconnu de l’univers enfiévré des réseaux sociaux, Neeladri Bhattacharya.
The Great Agrarian Conquest est le fruit de décennies de recherches dans les archives et de nombreuses lectures d’ouvrages de...