Publié dans le magazine Books n° 108, juin 2020. Par Katrina Forrester.
Une véritable industrie du bonheur prospère dans les pays développés. Elle repose sur une sainte alliance entre l’État, les marketeurs, les réseaux sociaux, les groupes pharmaceutiques et les thérapeutes en tout genre. Et nous en sommes les complices.
Qu’est-ce que vous éprouvez ? Chaque jour, les 2,4 milliards d’internautes qui se connectent à Facebook sont invités à faire part de leurs émotions à une gigantesque banque de données. Un menu déroulant d’émoticônes les y aide. La première option est « heureux », la seconde « chanceux ». Si elles ne vous conviennent pas, vous pouvez faire défiler le menu et choisir parmi 120 autres possibilités, parmi lesquelles « furieux », « troublé » ou « en a marre ». Facebook ne cache pas qu’il transmet ces informations personnelles et nos préférences aux annonceurs et aux pouvoirs publics. Nous savons aussi désormais que l’entreprise recueille des données sur nos humeurs et a mené des expériences destinées à les infléchir en personnalisant le fil d’informations des internautes afin de le rendre plus gai ou plus triste. En transformant l’expression subjective d’émotions en données objectives, Facebook s’emploie à rendre ce qui se passe dans notre tête connaissable, lisible et vendable.
Facebook dispose peut-être d’un pouvoir de surveillance sans précédent, mais il n’est pas le...