Publié dans le magazine Books n° 106, avril 2020. Par Joshua Rothman.
C’est un paradoxe : les grandes décisions de la vie – devenir parent, par exemple – sont souvent moins réfléchies que les petites. Les décideurs au plus haut niveau s’appuient en revanche sur la « science de la décision » pour mieux peser le pour et le contre. Pourrait-on s’en inspirer ?
En juillet 1838, Charles Darwin a 29 ans et il est célibataire. Deux ans plus tôt, il est revenu de son périple à bord du
Beagle avec les notes qui lui serviront à rédiger
L’Origine des espèces. Mais, pour l’heure, il a un problème plus urgent à régler. Il envisage de demander la main de sa cousine Emma Wedgwood mais s’inquiète de savoir s’il pourra concilier vie de famille et carrière scientifique. Pour s’aider dans sa décision, il dresse deux listes. « Plus de temps à moi, note-t-il sur la première. Disputes possibles, plus possible de passer les soirées à lire, angoisse et responsabilité, mon épouse n’aimera peut-être pas Londres – ce qui équivaudra à un bannissement et à sombrer dans une vie d’idiot oisif. » Sur la seconde, il énumère : « Des enfants (s’il plaît à Dieu), la présence constante d’une compagne (et d’une amie pour les vieux jours), un foyer et quelqu’un pour en prendre soin. » Il poursuit : « Représente-toi une gentille et douce épouse sur un canapé avec un bon feu de cheminée, des livres, de la musique peut-ê...