Publié dans le magazine Books n° 104, février 2020. Par Manfred Dworschak.
Aucun des monothéismes n’accorde autant d’importance au diable que le christianisme. Est-ce à dire que le pouvoir de Dieu y est plus limité ? Depuis deux millénaires, théologiens et philosophes ont dû modifier sans cesse l’image du Malin afin qu’elle reste à la fois crédible et effrayante.
Quand le diable pénètre dans le corps d’une personne, comment s’y prend-il au juste ? Au Moyen Âge, la question agitait les esprits. Le Malin, après tout, était composé d’air, tout le monde s’accordait là-dessus ; il avait un volume. Et, d’une façon ou d’une autre, il fallait bien qu’il pénètre dans le pécheur. Par les orifices du corps, par exemple. Mais ensuite ? Le moine cistercien Césaire de Heisterbach envisageait courageusement le processus jusqu’au bout. Le diable, selon le saint homme, séjournait « dans les cavités corporelles, dans les intestins, où se trouvent les excréments ».
Césaire écrivait cela vers l’an 1220. Son Satan tourmentait, semble-t-il, les possédés comme une sorte de colique. Il apparaissait aussi aux contemporains sous la forme d’un crapaud, d’un cochon ou d’une belle femme. Mais en même temps, le diable était aussi, disait-on, un potentat habile à la tête d’un royaume – et le clergé devait sans cesse expliquer à ses ouailles comment tout cela pouvait être compatible.
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Le Diable dans la pensée européenne, l’...