Publié dans le magazine Books n° 102, novembre 2019. Par Sujatha Gidla.
En Inde, une infime partie des dalits échappent à leur condition d’intouchables grâce à la politique des quotas, qui leur ouvre la voie aux études et aux emplois. Ils n’en restent pas moins des parias malgré leurs efforts pour cacher leur origine. Ce n’est que loin du pays natal qu’un « coming out » devient possible.
En 2015, Yashica Dutt s’installe à New York pour faire des études de journalisme à l’université Columbia. Là, elle a une révélation. En cours, ses camarades noirs, hispaniques et homos parlent sans ambages des discriminations et des insultes dont ils sont l’objet. Elle en est stupéfaite : elle-même, en Inde – pendant toute son enfance, ses études universitaires et le début de sa carrière –, a dû soigneusement dissimuler sa caste. Ce qui la frappe encore plus, c’est la réaction des autres étudiants. Loin de contester les témoignages de leurs camarades membres de minorités, ils manifestent leur solidarité et expriment même de la colère. Au bout de deux mois, Yashica Dutt prend la décision difficile de parler de son expérience de
dalit [autrefois appelés « intouchables »]. La réaction de ses camarades l’aide à comprendre qu’elle n’a pas à éprouver de honte mais au contraire de l’indignation.