Publié dans le magazine Books n° 101, octobre 2019. Par Christian Wüst.
Pour rien au monde les dignitaires de la RDA n’auraient pris place dans des voitures du bloc de l’Est. Ils ne juraient que par les marques occidentales : Volvo surtout, mais aussi Volkswagen et Citroën.
Les véhicules de la marque suédoise Volvo sont des valeurs sûres. On entend rarement parler de réclamations, hormis peut-être cette lettre incendiaire parvenue à la direction en septembre 1976. On y exigeait non seulement des améliorations, mais une « nouvelle conception des vitres latérales arrière » ainsi qu’une adaptation des portières et du capot. L’expéditeur était un gros client : le gouvernement de la RDA.
La plainte concernait une voiture qui, même dépourvue de défauts, était un produit délicat : c’était le premier véhicule officiel de fabrication occidentale compatible avec le socialisme. La Volvo 264 TE, une version rallongée de la berline standard dotée d’une glacière intégrée, de rideaux et de supports de fanions, était censée épargner aux dirigeants de l’« État des ouvriers et des paysans » un embarras protocolaire : les voitures fabriquées en Union soviétique ou en Tchécoslovaquie étaient, dans le meilleur des cas, bonnes pour le musée de la technique. Quant à l’industrie nationale, elle s’était retirée du secteur du haut de gamme.
Aussi les chefs de l’économie planifiée...