Publié dans le magazine Books n° 99, juillet/août 2019. Par Ulrich Grober.
Trente-six fantassins ont pu se mettre au garde-à-vous dans le tronc creux de cet arbre extraordinaire. Au Moyen Âge, on rendait la justice sous son feuillage. Il a résisté au petit âge glaciaire et à la foudre. En Allemagne, c’est un monument. Et un symbole.
L'hiver avait été doux. Au début du mois d’avril régnait un froid humide, mais sans gelées tardives. Deux semaines plus tard, l’arbre décida que le moment de la feuillaison était venu. Le flux de sève se mit en branle et fit gonfler les bourgeons. Lors des premières journées presque estivales, autour de Pâques, plus tôt que d’habitude, le frais feuillage parut. Les feuilles tendres, vert-jaune, toutes décoiffées encore, se déployaient pour attraper les premiers rayons de soleil. Presque en même temps, le chêne s’était couvert tout entier de chatons, qu’il laissa danser quelques jours dans la brise printanière et répandre leur pollen. En une nuit ou presque, le squelette nu de l’hiver se transforma en un arbre fleurissant et verdoyant.
Rien de plus normal, au fond. Toutes les plantes suivent leur horloge interne et accomplissent, au fil des mois, le passage de la dormance à la période de végétation. Mais le « Femeiche »
1, le chêne qui se dresse à Erle, village de la région de Münster
[dans l’ouest de l’Allemagne]