Publié dans le magazine Books n° 98, juin 2019. Par Nathan Heller.
Scientifiques, philosophes et militants sont de plus en plus nombreux à prêter aux animaux des émotions et des facultés longtemps considérées comme propres aux humains. Les grands singes mais aussi les autres mammifères, voire les poissons, font désormais partie du cercle familial. Les robots même s’y invitent.
Le gorille Harambe était, disait-on, « intelligent », « curieux », « courageux », « magnifique ». Mais il serait resté anonyme si un petit humain, curieux et courageux lui aussi, ne s’était pas glissé sous une clôture du zoo de Cincinnati un jour de mai 2016 et avait atterri dans l’enclos que Harambe partageait avec deux de ses congénères. Les visiteurs poussèrent toute sorte de cris pour alerter les gardiens du zoo. Harambe ne lâchait pas le garçon des yeux, comme pour le protéger du tumulte, puis il l’attrapa par une cheville et l’entraîna dans l’eau. Il prit délicatement l’enfant par la taille et le remit sur ses jambes. Comme les cris redoublaient, il poussa à nouveau le garçon et le traîna jusqu’au milieu de la fosse.
Harambe était un vieux gorille de 17 ans, un animal d’une force incroyable. Après avoir tenté en vain de l’éloigner du garçon, les gardiens du zoo décidèrent de l’abattre d’un coup de fusil. L’enfant s’en tira avec quelques blessures légères. « Harambe » (ou harambee) signifie « tous ensemble » en swahili. Mais sa mort divisa les É...