Le mythe du bon sauvage

Les peuples plus proches que nous de l’état de nature sont-ils plus heureux ? L’idée a pris son essor dans le sillage de la découverte de terres lointaines et de leur colonisation. Elle a surtout servi à dénoncer les tares de la société européenne.


© Thierry Falise/LightRocket / Getty

Le primitivisme soft consiste à penser que l’existence la plus heureuse est celle des insulaires des mers du Sud. Ici, un Jarawa des îles Andaman, dans l’océan Indien.

Le mythe du bon sauvage commence curieusement à l’époque des cités-États de Mésopotamie. Dans le premier grand texte littéraire de l’histoire humaine, l’Épopée de Gilgamesh (vers 2100 avant notre ère), le sauvage Enkidu est créé par les dieux pour empêcher Gilgamesh, le roi d’Ourouk, de continuer à opprimer ses sujets. Les deux hommes s’affrontent mais deviennent amis. L’expression « bon sauvage » apparaît en français en 1592 et en anglais (noble savage) en 1672. Mais l’idée a précédé le mot. Et elle fut dès l’origine chargée d’ambiguïtés. Les auteurs s’en sont beaucoup servis à des fins satiriques, pour dénoncer les vices de la société européenne. Comme disent les Anglais, le mythe était donc souvent présenté tongue in cheek, pour plaisanter. D’autre part, la notion de « bon » sauvage ne renvoyait que secondairement à la question de savoir s’il avait des qualités morales naturelles. Dans la plupart des textes, le bon sauvage n’est pas l’homme bon, il est l’homme avant l’instauration des institutions qui fondent la civilisation :...
LE LIVRE
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The Noble Savage: Allegory of Freedom de Stelio Cro, Wilfrid Laurier University Press, 1990

ARTICLE ISSU DU N°97

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